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Pour mieux connaitre  l’histoire politique de Vitrolles, gérée pendant 5 années (1997 - 2002) par l'extrême droite et le couple Bruno et Catherine MEGRET, plus de 200 articles de presse sont à votre disposition (colonne de droite, rubrique "thèmes" sur ce blog). A l'heure de la banalisation de l'extrême droite, un devoir de mémoire s'impose avec l'expérience vécue à  Vitrolles.

Cette histoire politique est désormais complétée par des vidéos que vous pouvez retrouver dans le thème "l'histoire politique de Vitrolles en vidéo", dans la colonne de droite. Cette rubrique sera renseignée au fil du temps.

@ DH
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 18:20

Par épouse interposée, Mégret repart à l’assaut d’une mairie
 
 
 

Article paru dans le journal l’HUMANITE du 27 janvier 1997

 
 
 

C’est dans cette ville située au nord de Marseille qu’en juin 1995, le Front national obtenait son plus gros score avec 43% et manquait de peu d’enlever la mairie. L’élection annulée, les Vitrollais revoteront les 2 et 9 février. Et la possibilité pour le parti de Le Pen de gagner une quatrième ville du sud de la France est toujours aussi forte.

 
 
 

Pour mieux comprendre ce qui se passe ici, « l’Humanité » publie, jusqu’à vendredi, une série de reportages. Aujourd’hui, notre envoyé spécial raconte la campagne du Front national.

 
 
 
De notre envoyé spécial à Vitrolles.
 
 
 

« ALLEZ Vitrolles ». Le bourdon assuré en deux mots qui n’ont l’air de rien. Ce pourrait être le cri réjouissant des footballeurs locaux, crampons anonymes d’une troisième division, héros tout récents de la Coupe de France en envoyant bouler les pros du prestigieux FC Nantes. Mais c’est un autre « Allez Vitrolles » qui tapisse jusqu’à la nausée les murs de cette ville fabriquée au nord de Marseille, coincée entre autoroute et falaise, disloquée entre centres commerciaux, lotissements et cités HLM aux façades pimpantes comme une glace à trois boules, vanille-fraise-chocolat.

 

« Allez Vitrolles ». Sur l’affiche, au-dessus du slogan, un couple heureux sourit aux passants. Bruno et Catherine. Lui devant, elle derrière, main posée sur l’épaule de son homme. Lui devant, mais c’est elle qui conduit la liste du Front national à l’élection municipale partielle du 2 février. Car des deux Mégret, c’est lui que le Conseil d’Etat a déclaré inéligible pour un an, pour cause de campagne trop coûteuse.

 
 
 

Mais ce n’est pas une décision de justice qui allait obliger ce prétendant à la succession de Le Pen à quitter une terre d’élection qu’il laboure depuis plusieurs années. Et qui lui a donné 43% au premier tour de juin 1995. L’annulation du scrutin remporté de peu par la gauche - annulation motivée par des reportages télévisés jugés défavorables au FN - offrait une trop belle occasion de repartir à l’assaut de la mairie, avec l’objectif déclaré d’ajouter cette ville de 39.000 habitants aux conquêtes de Toulon, Orange et de la voisine Marignane.

 
 
 

Si ce n’est lui, c’est donc sa femme. Une stratégie de liste à tête bicéphale parfaitement maîtrisée. Sur les affiches et journaux, c’est Mégret Bruno qui reste le chef. Mais pour les besoins légaux des circulaires et bulletins de vote, c’est Mégret Catherine qui prête son nom, en très gras, et son prénom, en maigrissime. Les penseurs de l’imposture ont même imaginé le lancement d’un produit électoral sans précédent : « Votez pour Mme Bruno Mégret ». Seul le risque d’un rejet de la liste les a poussés à renoncer.

 
 
 

Du coup, voilà Catherine Mégret, « chef de publicité et mère de famille », contrainte à des aller et retour incessants entre son domicile luxueux du 16e arrondissement de Paris et Vitrolles, où elle passe, le temps d’une opération « contacts publics » un vendredi matin sur le marché, ou d’une rencontre dans les salons d’un grand hôtel un samedi après-midi. Manteau épais, queue de cheval impeccablement tenue par un chouchou de première communiante, la soie blanche qui lui gante les doigts ne la quitte jamais pour des poignées de main qui l’ennuient très vite. Scènes souvent grotesques, un brin vulgaires. On aimerait les raconter pour rire.

 
 
 

Mais on ne rit plus en montant les trois étages d’un immeuble de l’avenue Jean-Moulin. C’est dans cet appartement que le FN a installé son QG de campagne. Eminence grise de Mégret, le patron des lieux s’appelle Hubert Fayard. Ce n’est pas l’envie de lui parler qui submerge. Alors, on l’écoute. Et plus il parle, plus se dessine la carte d’une ville blessée, meurtrie, où le FN s’engouffre systématiquement dans les moindres détresses sociales, les malheurs de petits propriétaires endettés et amers, les déracinements conjugués d’ouvriers et d’employés qui ont fui les quartiers nord de Marseille, ou des régions plus lointaines dévastées par le chômage.

 
 
 

Hubert Fayard a une excellente connaissance de son fonds de commerce électoral. Il cite les 22,6% de sans-emploi, les 2 cambriolages par jour, les 5 vols de voiture quotidiens, et « les seringues qui se ramassent à la pelle devant la maison de quartier des Pinchinades ». Il tape comme un sourd sur la mise en examen du maire socialiste sortant, Jean-Jacques Anglade, dans une affaire de fausses factures. Il glisse au passage avoir téléphoné au juge chargé du dossier. Il précise que son équipe se prépare à la gestion des affaires par des rencontres régulières avec les services municipaux de Marignane. Il affirme que son association, Fraternité française, a trouvé des logements à 97 familles, « dont deux gamines qui dormaient dans une voiture ».

 
 
 

Puis, pour expliquer pourquoi Vitrolles est la ville de France de plus de 30.000 habitants qui a donné le plus gros score au FN en juin 1995, Fayard dit : « Ici, nous avons fait sauter un verrou, c’est d’être crédible sur le terrain social, celui que la gauche a abandonné. » Bien sûr, mille faits pourraient démontrer le contraire. Bien sûr, le discours qui rend la municipalité responsable de tous les maux est une vraie arnaque. Mais que valent un bilan honorable et une succession de mises au point, pour cette partie de la population qui se regarde avec angoisse dans le miroir de plus de 4.000 chômeurs ? D’une insécurité destructrice ? Ou des voisins, plus ou moins pauvres, stigmatisés étrangers - même quand ils sont français - par un matraquage obsessionnel du FN ?

 
 
 

Pour gagner Vitrolles, le parti de Le Pen déploie des moyens impressionnants. L’équipe permanente de Mégret compte une centaine de personnes. La plupart viennent de Paris ou d’autres régions. Désireux de masquer ce manque d’enracinement local, le FN fabrique des faux témoignages de faux Vitrollais. Dans son journal de campagne, celle qui est présentée comme « Annick, sans emploi, le Liourat » (un quartier de la ville) s’appelle en réalité Sabine et travaille au siège national du FN, à Saint-Cloud. Et la photo de « Simone, soixante-cinq ans, retraitée, Vieux Village » n’est que le recadrage d’un personnage qui apparaît sur une vieille affiche de Le Pen.

 
 
 

Ces faits, quand ils sont connus, surprennent les uns, indignent les autres, dégoûtent souvent de tout et de tous. Mais les Vitrollais qui ne veulent pas du FN à la mairie sont les premiers à savoir qu’il faudra d’autres arguments pour empêcher le pire.

 
 
 
GILLES SMADJA
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997