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Pour mieux connaitre  l’histoire politique de Vitrolles, gérée pendant 5 années (1997 - 2002) par l'extrême droite et le couple Bruno et Catherine MEGRET, plus de 200 articles de presse sont à votre disposition (colonne de droite, rubrique "thèmes" sur ce blog). A l'heure de la banalisation de l'extrême droite, un devoir de mémoire s'impose avec l'expérience vécue à  Vitrolles.

Cette histoire politique est désormais complétée par des vidéos que vous pouvez retrouver dans le thème "l'histoire politique de Vitrolles en vidéo", dans la colonne de droite. Cette rubrique sera renseignée au fil du temps.

@ DH
6 janvier 2006 5 06 /01 /janvier /2006 09:30
On serre les poings
 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 11 juillet 1995.

 

On serre les poings. Cette fois c’est trop. On la bouscule. A-t-elle conscience de voter pour un parti raciste et antisémite ? « Ce n’est pas mon problème et ça, c’est ce que disent les médias. » Sait-elle que Le Pen est un milliardaire ? « Et alors ? Ce qui m’intéresse c’est ce que je vis moi, toute cette merde qui nous entoure, tous ces mensonges. » Rien n’y fait. Chez Josiane Trevi, tous les mots anti-Le Pen sonnent creux. Vides de sens. Son point de départ est ailleurs, est d’abord sa vie, ses angoisses. Elle y revient sans cesse.

 

Direction Marignane. Les platanes du cours Mirabeau avant d’errer dans une ville en petits morceaux. Lotissement des Alouettes. René est pendu à son téléphone sans fil. Cette amie a une soeur qui vote Front national. On verra bien. René Says aussi veut voir. Surtout pas justifier mais entendre. L’animateur de l’activité communiste dans cette ville cherche à décoder le message de ceux qui ont élu un maire FN, Daniel Simonpieri, quarante-trois ans, ancien guichetier de banque.

 
On en a marre...
 
J’ai peur...
 

Elle se tient sur le pas de la porte de son pavillon. Porte un caleçon noir et un T-shirt violet. Non non, on ne la dérange pas. Non non, elle n’a pas du tout honte de dire qu’elle est très satisfaite d’avoir un maire Front national. On la suit. L’intérieur est nickel. Un canapé, une table ronde, un meuble de style chinois où sont encastrés télévision et magnétoscope. L’un de ses deux enfants vient dire bonjour. C’est un garçon très poli. Son mari nous rejoint, bermuda et débardeur.

 

Elle parle la première. Suzanne a quarante ans, est née à Marseille, est au chômage depuis trois ans après un emploi d’ouvrière à l’usine. Ses premiers mots sont : « On en a marre, on nous prend pour des imbéciles. Regardez, on change de président et c’est pareil. Il augmente le SMIC et il nous reprend ce qu’il nous donne par la TVA. Non, ce n’est plus possible, il faut vraiment tout changer, tout. Moi, j’ai peur pour mes enfants. J’ai peur pour leur avenir à cause du chômage, de la drogue, du SIDA. Et ce qui me révolte, c’est que les médias n’ont aucun respect pour les gens qui votent Front national. Le Pen est peut-être ce qu’il est, mais il dit des vérités en face. »

 

C’est lui qui prend le relais. Une envie de tout déballer en sachant parfaitement qui l’écoute. Patrick a quarante-cinq ans, a été pendant dix-sept ans agent de maîtrise dans une entreprise du port de Marseille avant d’être licencié, de se reconvertir chauffeur de taxi. Ses premiers mots sont : « Je suis dégoûté de tout quand je vois ce qu’est devenu ce pays. J’ai même envisagé d’émigrer au Canada. On se sent de plus en plus menacé. Nous avons été cambriolés une fois. Le gars est entré par le jardin. Ma femme était là, elle frottait par terre. Il a pris les bijoux avant de s’enfuir. Ma femme a eu très peur. Vous savez ce qu’on nous a dit quand on est allé au commissariat ? Que ça ne servait à rien de porter plainte parce que, même si on mettait la main sur le type qui a fait ça, il serait tout de suite relâché. Vous trouvez ça normal ? »

 

Non, ce n’est pas normal. René Says lui dit. Mais est-ce qu’un cambriolage suffit à faire un vote Le Pen ? « C’est ça plus tout le reste. On est trop laxiste avec les délinquants et les clandestins. »

On est à côté de la plaque
 

Suzanne reprend : « Vous savez quel est mon rêve ? C’est d’aller à la télé pour dire comment on vit. Ils ne savent rien les gens de la télé. Quand je les vois, je me dis qu’ils ne doivent jamais faire les courses. Moi, quand je vais chez Leclerc, je sais tout de suite ce qui a augmenté de dix ou vingt centimes. »

 

Elle s’interrompt. Arrivent le neveu et sa copine. Stéphane et Stéphanie. Lui, vingt-deux ans, au chômage. Elle, vingt ans, lycéenne. Deux Marseillais. Ils n’ont pas voté FN parce qu’ils ne sont pas inscrits. Mais s’ils étaient inscrits, ils voteraient FN. Ils le disent ouvertement. Lui : « Je me suis fait attaquer par une bande de Gitans. Ils m’ont tout piqué. Maintenant j’ai peur. » Elle : « J’ai peur pour l’avenir. Ma mère est d’origine espagnole. Mon père, d’origine tchèque, est maçon. Les deux votent Front national. » Patrick tient à ajouter : « Je ne suis pas marié avec Le Pen. Si rien ne change à Marignane avec un maire Front national, on fera comme avec les autres, on le changera. » Une menthe à l’eau avant de se quitter. Dehors, René Says est K-O : « Tu as entendu ? On est complètement à côté de la plaque... Ça donne vraiment à réfléchir... »

 

Direction Vitrolles. Par des bretelles d’autoroute qui se croisent dans une ville éclatée. Le Front national (43% aux municipales) est domicilié avenue Jean-Moulin. Un appartement en location. Le patron des lieux s’appelle Hubert Fayard.

 
Un discours glacial
 

Débarqué d’Auvergne il y a un an à la demande de Bruno Mégret, il a préparé la campagne du numéro deux du FN. Dans les moindres détails. En s’engouffrant dans toutes les failles d’une gestion socialiste coupée du quotidien. En attaquant systématiquement le maire sur l’insécurité, la fiscalité, le chômage.

 

En éditant douze numéros du journal « Allez Vitrolles ! » qui ne lâche pas les trois thèmes et y associe l’immigration. En proposant une « prime de naissance » de 3.000 francs par enfant français. En ouvrant une permanence baptisée « Fraternité française ». Chômeurs, mal-logés, gens dans la misère y sont reçus, conseillés, parfois aidés concrètement par de la nourriture ou des vêtements. En présentant une liste qui compte trois fois plus d’ouvriers que celle de la gauche et où figurent le fils du secrétaire de la section RPR et un ancien communiste.

 

Le discours d’Hubert Fayard est celui d’un dirigeant lepéniste. Glacial : « Si nous avions été élus, croyez-moi, nous aurions appliqué notre programme dans sa totalité, à commencer par la préférence nationale. »

 

Vitrolles encore, espace des hypermarchés. Sandrine est caissière. Elle a vingt-huit ans. Elle montre le dos de sa carte d’électeur, les quatre tampons d’avril, mai et juin. Elle dit : « A la présidentielle, j’ai voté Le Pen au premier tour, Jospin au second. Aux municipales, j’ai voté Mégret les deux fois. Mais si Tapie s’était présenté, j’aurais voté pour lui. » Elle sourit, puis ajoute : « Vous voyez, chez moi, c’est le cafouillage total. » Il pleut enfin.

 
GILLES SMADJA
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
6 janvier 2006 5 06 /01 /janvier /2006 09:10



Le Front national mobilise toutes ses forces à Vitrolles

 
 
 

Par Michel SAMSON, article paru dans l'édition du Monde du 20 décembre 1996

 
 
 

Les élections de 1995 ont été annulées dans cette ville proche de Marseille, où Bruno Mégret avait échoué de peu face au Parti socialiste.

 
 
 

La gauche se prépare, unie, à tenter d'empêcher une quatrième municipalité de tomber aux mains des lepénistes.

 
 
 
EXTRÊME DROITE
 
 
 

L'annulation des élections municipales de juin 1995 à Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône, confirmée par le Conseil d'Etat, mercredi 18 décembre, va entraîner dans les deux mois un nouveau scrutin pour lequel le Front national a déjà mobilisé ses dirigeants et ses militants. Bruno Mégret, inéligible pour infraction aux lois sur les dépenses de campagne, a choisi de confier à son épouse la direction de sa liste. LA GAUCHE se présentera à ces élections partielles unie derrière Jean-Jacques Anglade (PS), le maire sortant, qui ne l'avait emporté en 1995 qu'avec 353 voix d'avance devant M. Mégret (sur 16 581 suffrages exprimés) dans une « triangulaire».

 
 
 

L'EXEMPLE DE MARIGNANE, ville limitrophe de Vitrolles, gérée par l'extrême droite, sera abondamment invoqué à charge dans la campagne électorale de la gauche et à décharge dans celle du FN.

 
 
 

L'encre n'était pas sèche de l'arrêt du conseil d'Etat annulant les élections municipales de Vitrolles, dans les Bouches-du Rhône, que la ville retentissait déjà des bruits et fureurs d'une campagne qui sera probablement brutale. Deux heures et demie après la publication de l'arrêt, mercredi 18 décembre, l'état-major du Front national se réunissait, et ses dirigeants donnaient une conférence de presse.

 
 
 

A la gauche de Bruno Mégret, déclaré inéligible pour un an, Jean-Marie Le Pen ; à sa droite, sa femme Catherine, à qui le délégué général passait immédiatement la parole pour qu'elle confirme : « Je conduirai la liste du Front national, dont mon époux sera le porte-parole. » « Je veux représenter mon mari, en aucun cas le remplacer », poursuivait-elle avant de s'élever « contre l'injustice, la violence, la malhonnêteté » dont l'arrêt du Conseil d'Etat est, selon elle, une claire manifestation en ce qu'il comporte, certes, l'annulation du scrutin remporté par la gauche en juin 1995, mais aussi l'inéligibilité du chef de file de l'extrême droite locale pour dépassement du plafond de dépenses de campagne autorisé par la loi.

 
 
 

M. Mégret lui-même stigmatisait ensuite le « complot contre les Vitrollais » fomenté par le Conseil, non sans avoir salué la « victoire » que représente pour lui l'annulation de l'élection de 1995. M. Le Pen prenait alors la parole pour s'indigner que « l'iniquité devienne règle d'Etat », avant d'évoquer des souvenirs anciens. Son ami Pierre Lagaillarde étant en prison, la femme de ce dernier avait représenté le dirigeant activiste, à Alger, aux élections cantonales de mai 1960 et avait été élue avec 93 % des voix. Tous les espoirs sont donc permis pour le Front national à Vitrolles, mais l'ambiance des élections d'Alger a été évoquée avec un partisan de M. Lagaillarde « abattu à midi par l'armée française », et dont quatre de ses « colistiers musulmans » ont été égorgés...

 
 
 

Ayant rappelé les thèmes centraux de sa campagne pour « rétablir la sécurité à Vitrolles, baisser les impôts, lutter contre le chômage, réduire l'immigration », M. Mégret a lancé : « On a voulu priver les Vitrollais de Mégret, ils en ont deux ! » La nuit et la bruine tombaient sur la ville nouvelle, les premières affiches du Front national ruisselaient de colle, tandis qu'un premier journal de campagne était déjà diffusé.

 
 
 

Le maire sortant, Jean-Jacques Anglade (PS), et ses amis n'auront pas traîné non plus pour se lancer dans la bataille. Dès 19 heures, ils étaient réunis pour un premier meeting. Deux cent cinquante personnes étaient tassées dans une petite salle, venues écouter des orateurs représentant une solide alliance de premier tour. Bruits et rumeurs de désaccord ont perturbé les dernières semaines de la gauche locale, mais la réunion de mercredi a manifesté une sorte d'union sacrée face au Front national. Tout ce que le Parti socialiste compte d'élus dans la région est venu dire son soutien au maire sortant. « UN ENJEU POUR LA RÉPUBLIQUE »

 
 
 

Michel Vauzelle, maire d'Arles, représentant le groupe socialiste du conseil général ; Lucien Weygand, président de ce conseil ; Henri d'Attilio, maire de Châteauneuf-lès-Martigues et député des Bouches-du-Rhône ; Vincent Buroni, trésorier de la fédération, représentant le premier secrétaire ; d'autres encore ont pris la parole, à tour de rôle, pour se « mettre à la disposition de Jean-Jacques Anglade » et pour dénoncer le « quotidien du fascisme ordinaire » à l'œuvre dans les trois villes dirigées par l'extrême droite, Toulon, Orange et la cité limitrophe de Marignane.

 
 
 

Tous ont souligné l'enjeu « formidablement important pour les Vitrollais mais, surtout, pour la République » de la campagne qui s'ouvre. Un responsable régional de la CFDT a recensé les méfaits des municipalités FN en activité, tandis qu'un représentant du Parti radical-socialiste a apporté son soutien. Un adjoint communiste de Vitrolles s'est félicité encore de l'alliance réalisée dès le premier tour, avant que prenne la parole le récent vainqueur du Front national dans la circonscription législative voisine, Roger Meï (PCF), maire de Gardanne.

 
 
 

Son éternelle écharpe blanche jetée sur un costume gris, M. Anglade a conclu la réunion en soulignant qu'« on peut être invalidé tout en étant innocent ». A ses yeux, la situation est meilleure qu'en 1995 : cette fois, la gauche et les progressistes sont unis dès le premier tour et, désormais, les électeurs connaissent la vanité des promesses du Front national et la façon dont ses hommes, au pouvoir, « diminuent les aides sociales » et mettent en œuvre une politique « en rupture avec les valeurs républicaines ».

 
 
 

Une Marseillaise entonnée d'une voix sûre par M. Anglade a achevé la réunion. Et donné, avec ses couplets vengeurs, le ton d'une bataille où les soldats seront féroces.

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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
6 janvier 2006 5 06 /01 /janvier /2006 09:00
Annulations d’élections municipales
 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 22 décembre 1995.

 
Campagne
 

Une série d’annulations d’élections municipales et de peines d’inégibilité ont été prononcées depuis deux jours. A Dreux (Eure), l’élection municipale a été invalidée.

Le tribunal administratif de Lille (Nord) a prononcé l’annulation de l’élection municipale de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Le maire, Jean Muselet (DVD), a été frappé d’une peine d’un an d’inégibilité pour dépenses excessives pendant la campagne électorale. Trois autres candidats partagent le même sort : Annie Wable (DVD), qui a remboursé trop tard certains de ses frais de campagne, Daniel Bara (DVG), qui n’a pas soumis ses comptes à un expert-comptable, et Charles Danel, (Rad), qui ne les avait pas déposés.

 

Le tribunal de Marseille (Bouches-du-Rhône) a annulé l’élection du maire de Vitrolles, Jean-Jacques Anglade. Bruno Mégret, son adversaire, est invalidé pour un an. Jean-Jacques Anglade a été mis en examen mercredi soir dans une affaire de fausses factures. Elections annulées aussi à Chatou, Annemasse et Elancourt.

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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 18:30



Le FN fonde sa campagne à Vitrolles sur la priorité aux « familles françaises »

 
 
 

Article paru dans l'édition du Monde du 21 Janvier 1997

 
 
 
L'épouse de Bruno Mégret a présenté sa liste
 
 
 

CATHERINE MÉGRET a rendu publique, samedi 18 janvier, la liste qu'elle conduit aux élections municipales partielles provoquées à Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône, le 2 février, par l'annulation du scrutin de juin 1995. Réunis dans un grand hôtel de la zone aéroportuaire, trois cents militants et élus municipaux Front national des Bouches-du-Rhône ont entendu des exposés thématiques présentant l'action que la candidate compte mener en compagnie de son mari, Bruno Mégret, « le patron », selon le numéro deux de la liste, Hubert Fayard.

 
 
 

La liste Allez Vitrolles ! est composée d'un mélange de membres de l'équipe nationale de M. Mégret et de responsables du cru. Trente-neuf candidats, « une famille où chacun est différent et proche à la fois », parmi lesquels « dix mères de famille, sept anciens membres du RPR » dont le directeur de cabinet du maire de Marignane , « deux anciens membres de l'UDF, neuf rapatriés, deux ouvriers », des commerçants et artisans, des cadres et des chefs d'entreprise.

 
 
 

Dans Allez Vitrolles !, journal local du Front national, elle s'appelle Annick, se dit sans emploi et habite le quartier du Liourat. Elle déclare, au milieu d'autres témoignages de « Vitrollais » : « C'est vrai, aux dernières élections, j'ai eu peur (...), mais maintenant je vois que ça se passe bien à Marignane et je vois comment c'est ici (...). Je vais voter pour la liste Mégret. » Mais voilà, la photo qui illustre le texte ne laisse pas de doute : Annick est en fait Sabine, une des secrétaires du Front national. Elle travaille au siège du parti, à Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine.

 
 
 

HOMMES DE CONFIANCE

 
 
 

La « haut » de la liste fait la part belle à de récents, et même très récents, Vitrollais. Certains, comme Albert Motte ou André Agostini, ne sont pas inscrits sur les listes électorales de Vitrolles, et l'on ignore s'ils y acquittent une contribution directe (le code électoral impose de remplir une de ces deux conditions pour pouvoir être candidat aux élections municipales dans une commune).

 
 
 

Le souci du couple Mégret semble avoir été de s'entourer d'hommes de confiance. M. Fayard est devenu le bras droit de M. Mégret depuis son « parachutage » d'Auvergne, où il est conseiller régional, juste avant les élections de juin 1995. C'est sur lui que le délégué général compte pour faire tourner la mairie en son absence. Les finances devraient être confiées à un autre permanent du parti d'extrême droite, André Nouar, chargé de mission du groupe au conseil régional Provence-Alpes-Côte-d'Azur et l'un de ceux qui rédigent les argumentaires du parti au sein de la délégation générale. La culture reviendrait à Gauthier Guillet, un Parisien membre de la cellule « idées » du Front national et qui s'est présenté dans Allez Vitrolles ! ou dans les tracts comme membre du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, affirmation démentie le 10 janvier par le président de la fédération des Bouches-du-Rhône de ce mouvement.

 
 
 

Les supposés futurs adjoints ont présenté leur programme sous les chapitres suivants : réduire la délinquance, la fraternité pour les Français, assurer l'avenir de nos enfants, des emplois pour les Vitrollais et, bien sûr, « abaisser les impôts ». Annonçant, par exemple, onze mesures contre l'insécurité, le colonel Castillon, « dix-huit ans dans les renseignements français », a proposé une hausse du budget consacré à ce domaine, le doublement des effectifs de la police municipale et la création d'« un service municipal de protection des Vitrollais ». Josette Clément, responsable de Fraternité française, l'organisation caritative créée par le Front national, a promis le développement des crêches, des centres aérés, des aides sociales « pour les familles vitrollaises françaises » et de favoriser l'accession de ces mêmes familles à la propriété.

 
 
 

Au terme de cet après-midi, le Front national a annoncé que Fraternité française organisera mardi soir une grande distribution de colis aux nécessiteux de la ville. Cette initiative improvisée semble être une riposte à la soirée de prière organisée par les quatre responsables des communautés religieuses au même moment (Le Monde du 15 janvier). Elle aura lieu à quelques dizaines de mètres de la cérémonie puisque le local du Front national est installé dans la même rue que le temple protestant où les prières doivent se dérouler.

 
 
 
CHRISTIANE CHOMBEAU ET MICHEL SAMSON
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 18:20

Par épouse interposée, Mégret repart à l’assaut d’une mairie
 
 
 

Article paru dans le journal l’HUMANITE du 27 janvier 1997

 
 
 

C’est dans cette ville située au nord de Marseille qu’en juin 1995, le Front national obtenait son plus gros score avec 43% et manquait de peu d’enlever la mairie. L’élection annulée, les Vitrollais revoteront les 2 et 9 février. Et la possibilité pour le parti de Le Pen de gagner une quatrième ville du sud de la France est toujours aussi forte.

 
 
 

Pour mieux comprendre ce qui se passe ici, « l’Humanité » publie, jusqu’à vendredi, une série de reportages. Aujourd’hui, notre envoyé spécial raconte la campagne du Front national.

 
 
 
De notre envoyé spécial à Vitrolles.
 
 
 

« ALLEZ Vitrolles ». Le bourdon assuré en deux mots qui n’ont l’air de rien. Ce pourrait être le cri réjouissant des footballeurs locaux, crampons anonymes d’une troisième division, héros tout récents de la Coupe de France en envoyant bouler les pros du prestigieux FC Nantes. Mais c’est un autre « Allez Vitrolles » qui tapisse jusqu’à la nausée les murs de cette ville fabriquée au nord de Marseille, coincée entre autoroute et falaise, disloquée entre centres commerciaux, lotissements et cités HLM aux façades pimpantes comme une glace à trois boules, vanille-fraise-chocolat.

 

« Allez Vitrolles ». Sur l’affiche, au-dessus du slogan, un couple heureux sourit aux passants. Bruno et Catherine. Lui devant, elle derrière, main posée sur l’épaule de son homme. Lui devant, mais c’est elle qui conduit la liste du Front national à l’élection municipale partielle du 2 février. Car des deux Mégret, c’est lui que le Conseil d’Etat a déclaré inéligible pour un an, pour cause de campagne trop coûteuse.

 
 
 

Mais ce n’est pas une décision de justice qui allait obliger ce prétendant à la succession de Le Pen à quitter une terre d’élection qu’il laboure depuis plusieurs années. Et qui lui a donné 43% au premier tour de juin 1995. L’annulation du scrutin remporté de peu par la gauche - annulation motivée par des reportages télévisés jugés défavorables au FN - offrait une trop belle occasion de repartir à l’assaut de la mairie, avec l’objectif déclaré d’ajouter cette ville de 39.000 habitants aux conquêtes de Toulon, Orange et de la voisine Marignane.

 
 
 

Si ce n’est lui, c’est donc sa femme. Une stratégie de liste à tête bicéphale parfaitement maîtrisée. Sur les affiches et journaux, c’est Mégret Bruno qui reste le chef. Mais pour les besoins légaux des circulaires et bulletins de vote, c’est Mégret Catherine qui prête son nom, en très gras, et son prénom, en maigrissime. Les penseurs de l’imposture ont même imaginé le lancement d’un produit électoral sans précédent : « Votez pour Mme Bruno Mégret ». Seul le risque d’un rejet de la liste les a poussés à renoncer.

 
 
 

Du coup, voilà Catherine Mégret, « chef de publicité et mère de famille », contrainte à des aller et retour incessants entre son domicile luxueux du 16e arrondissement de Paris et Vitrolles, où elle passe, le temps d’une opération « contacts publics » un vendredi matin sur le marché, ou d’une rencontre dans les salons d’un grand hôtel un samedi après-midi. Manteau épais, queue de cheval impeccablement tenue par un chouchou de première communiante, la soie blanche qui lui gante les doigts ne la quitte jamais pour des poignées de main qui l’ennuient très vite. Scènes souvent grotesques, un brin vulgaires. On aimerait les raconter pour rire.

 
 
 

Mais on ne rit plus en montant les trois étages d’un immeuble de l’avenue Jean-Moulin. C’est dans cet appartement que le FN a installé son QG de campagne. Eminence grise de Mégret, le patron des lieux s’appelle Hubert Fayard. Ce n’est pas l’envie de lui parler qui submerge. Alors, on l’écoute. Et plus il parle, plus se dessine la carte d’une ville blessée, meurtrie, où le FN s’engouffre systématiquement dans les moindres détresses sociales, les malheurs de petits propriétaires endettés et amers, les déracinements conjugués d’ouvriers et d’employés qui ont fui les quartiers nord de Marseille, ou des régions plus lointaines dévastées par le chômage.

 
 
 

Hubert Fayard a une excellente connaissance de son fonds de commerce électoral. Il cite les 22,6% de sans-emploi, les 2 cambriolages par jour, les 5 vols de voiture quotidiens, et « les seringues qui se ramassent à la pelle devant la maison de quartier des Pinchinades ». Il tape comme un sourd sur la mise en examen du maire socialiste sortant, Jean-Jacques Anglade, dans une affaire de fausses factures. Il glisse au passage avoir téléphoné au juge chargé du dossier. Il précise que son équipe se prépare à la gestion des affaires par des rencontres régulières avec les services municipaux de Marignane. Il affirme que son association, Fraternité française, a trouvé des logements à 97 familles, « dont deux gamines qui dormaient dans une voiture ».

 
 
 

Puis, pour expliquer pourquoi Vitrolles est la ville de France de plus de 30.000 habitants qui a donné le plus gros score au FN en juin 1995, Fayard dit : « Ici, nous avons fait sauter un verrou, c’est d’être crédible sur le terrain social, celui que la gauche a abandonné. » Bien sûr, mille faits pourraient démontrer le contraire. Bien sûr, le discours qui rend la municipalité responsable de tous les maux est une vraie arnaque. Mais que valent un bilan honorable et une succession de mises au point, pour cette partie de la population qui se regarde avec angoisse dans le miroir de plus de 4.000 chômeurs ? D’une insécurité destructrice ? Ou des voisins, plus ou moins pauvres, stigmatisés étrangers - même quand ils sont français - par un matraquage obsessionnel du FN ?

 
 
 

Pour gagner Vitrolles, le parti de Le Pen déploie des moyens impressionnants. L’équipe permanente de Mégret compte une centaine de personnes. La plupart viennent de Paris ou d’autres régions. Désireux de masquer ce manque d’enracinement local, le FN fabrique des faux témoignages de faux Vitrollais. Dans son journal de campagne, celle qui est présentée comme « Annick, sans emploi, le Liourat » (un quartier de la ville) s’appelle en réalité Sabine et travaille au siège national du FN, à Saint-Cloud. Et la photo de « Simone, soixante-cinq ans, retraitée, Vieux Village » n’est que le recadrage d’un personnage qui apparaît sur une vieille affiche de Le Pen.

 
 
 

Ces faits, quand ils sont connus, surprennent les uns, indignent les autres, dégoûtent souvent de tout et de tous. Mais les Vitrollais qui ne veulent pas du FN à la mairie sont les premiers à savoir qu’il faudra d’autres arguments pour empêcher le pire.

 
 
 
GILLES SMADJA
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 18:18


Repères VITROLLES, située à quelques kilomètres au nord de Marseille,
 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 27 janvier 1997.

 

 

VITROLLES, située à quelques kilomètres au nord de Marseille, comptait 38.000 habitants en 1995. Trente ans plus tôt, depuis leurs bureaux parisiens, les fabricants de villes nouvelles voulaient faire de Vitrolles le cœur d’une agglomération de 200.000 habitants.

.

TROIS LISTES sont en présence pour les élections du 2 et du 9 février 1997 :

-  

Ensemble pour Vitrolles,

conduite par Jean-Jacques Anglade (maire socialiste sortant) avec le PS, le PCF, les écologistes, le PRS, et des personnalités de progrès.

-  

Liste du Front national

conduite par Catherine Mégret.

-  

Liste UDF-RPR

conduite par Roger Guichard.
 

RAPPEL DES RESULTATS de l’élection municipale de juin 1995.

 
1er tour
 
Inscrits : 19.771
Abstentions : 24,30%
Mégret (FN) :                     6.344,     43,05%
Anglade (PS) :                 4.256,     28,88%

Guichard (UDF-RPR) :     1.839,     12,48%

Agarrat (PCF) :                     930,     6,31%
Tomasi (Ecol.) :                     816,     5,54%
Lecerf (DVD) :                       379,     2,57%.
 
2e tour
 
Votants : 16.825
Abstentions : 14,99%
Anglade (PS-PCF-Ecol) : 7.466,     45,02%
Mégret (FN) :                         7.113,     42,89%
Guichard (UDF-RPR) :         2.002,     12,07%
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 18:05


Dans une ville toujours blessée, cette fois, la gauche est unie

 
 
 

Article paru dans le journal l’HUMANITE du 28 janvier 1997

 
 
 

Au nord de Marseille, une commune de 38.000 habitants va-t-elle tomber aux mains du Front national à l’occasion des municipales partielles des 2 et 9 février. Jusqu’à vendredi, « l’Humanité » publie une série de reportages sur un scrutin qui dépasse le cadre local. Aujourd’hui : la campagne de la gauche.

 
 
 
De notre envoyé spécial à Vitrolles.
 
 
 

SCELLEE au mur près de l’entrée, l’alarme clignote, prête à hurler. Devant la porte, Max, un berger allemand, passe la gueule dans la grille. Au deuxième coup de sonnette, le couloir s’éclaire. Une main actionne trois verrous puis s’avance dans l’entrebâillement de la porte. Une main anonyme, sans corps, sans visage, qui prend le journal de campagne de la liste de gauche, disparaît, ferme les trois verrous. L’alarme reste branchée, et Max garde les oreilles dressées.

 
 
 

Ce soir-là, sous la lune et dans le froid, un élu communiste et une candidate sans appartenance font campagne au nom d’Ensemble pour Vitrolles, la liste que conduit le maire PS sortant, Jean-Jacques Anglade. A la différence de juin 1995, où les composantes de la gauche étaient parties à la bataille du premier tour sous cinq bannières différentes, l’union l’a cette fois emporté. Avec une liste pluraliste, élargie à des personnalités locales, ouverte à des associations sur la base d’une charte commune.

 
 
 

Et c’est cette union nouvelle qui, ce soir-là, frappe aux portes des maisons d’un lotissement pavillonnaire. Beaucoup restent fermées. Parfois des bruits de pas, des chuchotements, une ombre sur un œil de bœuf. Parfois un volet qui s’entrouvre à l’étage, une femme derrière le volet qui dit : « Mettez ça dans la boîte aux lettres », en montrant la boîte, là, au-dessus de la photo d’un chien qui prévient : « Attention, je suis méchant. » Parfois, des portes s’ouvrent vraiment, des mains se tendent franchement, les candidats parlent longuement à un homme ou une femme qui semble les écouter, mais ne dit rien, simplement : « Merci, au revoir. »

 
 
 

Une seule fois, ce soir-là, une vitrollaise rompt silence et convenances. Petite, brune, la trentaine, ses premiers mots sont : « Je suis déçue de tout. » Elle ouvre sa poubelle et jette le journal. Les candidats veulent comprendre.

 
 
 

« Qu’avez-vous à reprocher à la municipalité ?

 
 
 

-Je suis mère de famille, je travaille très tôt le matin, et qu’est-ce que je fais des gosses en attendant l’ouverture du centre aéré à 8 h 20 ? Rien n’est fait pour les gens comme moi. Chaque fois que je suis allée à la mairie, je me suis fait jeter. Et pourtant, je suis à gauche, je sais très bien ce que représente le Front national, je suis formatrice dans les quartiers nord de Marseille ; tout ça, je connais. Pour moi, ça va de plus en plus mal. »

 
 
 

Les candidats l’écoutent. La secouent : « Si vous ne votez pas, c’est Mégret qui passe. » Ou lui disent, comme Danielle Lachapelle : « Si ça ne vous gêne pas d’avoir le Front national à la mairie, tant mieux pour vous. Mais moi, je ne veux pas vivre dans une ville où l’on m’empêchera de lire certains livres et de penser librement. » Pas de complaisance. Mais en sachant parfaitement que la colère de cette femme est sincère. Qu’elle ose la déclarer quand d’autres, juste à côté, un peu avant, ont préféré ne pas ouvrir leur porte. Que dans une enquête d’opinion réalisée après les municipales de juin 95 où le Front national venait de ramasser 43%, moins de 20% reconnaissaient avoir voté FN. Alors, avant de se quitter, ils lui disent : « Si la gauche gagne, ce ne sera pas comme avant. »

 
 
 

Jean-Jacques Anglade lui-même ne se dérobe pas : « En juin 95, le soir du premier tour, j’ai reçu une grande baffe, et depuis un an et demi, nous avons fait beaucoup pour nous rapprocher de la population. » A l’appui de cette autocritique, le maire cite la création de quinze comités de quartier dotés de cinq antennes de proximité, conçues comme des mairies annexes. L’insécurité pesant lourd dans le vote FN, il cite les actions de prévention dans les bus, l’installation de caméras de surveillance sur certains parkings qui ont fait sensiblement diminuer les vols de voitures, ou encore l’organisation de week-end pour les jeunes qui n’ont rien.

 
 
 

Autre signe de changement, la campagne Anglade 97 n’a plus rien de commun avec celle de 95. Echaudée par une opération marketing outrancièrement personnalisée, la tête de liste de la gauche privilégie le terrain. A chaque occasion, il souligne la diversité des candidats et affirme une volonté de donner la parole aux Vitrollais. Ce jour-là, aux Cadenières, un quartier de villas, quand une jeune femme se plaint des six cents francs de transport scolaire à payer tous les deux mois pour ses trois enfants, le maire prend son dictaphone et y note un nom, une adresse, un problème précis, une promesse d’explication.

 
 
 

Un peu plus loin, quand une voisine, au chômage, dit ne pas comprendre pourquoi elle n’est pas embauchée comme agent de service dans une école alors qu’elle en fait la demande depuis quatre ans, il dicte les éléments du dossier, précise : « Je ne vous promets pas de miracle », ajoute : « Nous signons des contrats avec des entreprises pour favoriser l’emploi de Vitrollais. » Et quand un jeune l’aborde pour un rendez-vous, il sort son agenda et lui propose : « samedi matin, 8 heures ».

 
 
 

Parfois, c’est lui qui pose les questions. « Vous vous plaisez à Vitrolles ? », demande-t-il à une vieille dame installée ici depuis peu pour se rapprocher de ses enfants. Elle sourit, ne veut pas lui faire de peine et pourtant, comment dire, « Je ne manque de rien ici, il y a tout ce qu’il faut, mais je ne me sens pas dans mon élément. Je me languis de Marseille. »

 
 
 
GILLES SMADJA
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 18:00

Mégret: Vous connaissez ma femme?
 
source : Le Nouvel Observateur le 30/01/1997 auteur : Marie-France Etchegoin
 
Sur le marché de Vitrolles, Bruno Mégret promène sa femme qui promène son bouquet de fleurs. Ils s'avancent, bras dessus, bras dessous, comme à la sortie de la messe, encadrés par une dizaine de sbires en rangs serrés. Elle, en imperméable beige, foulard Chanel, serrant ses fleurs dans ses gants blancs. Lui, costume sombre et regard conquérant.
 
Tels les nouveaux Bonnie and Clyde de l'extrême-droite provençale. Version «famille patrie», s'entend. Madame sourit derrière sa plante pendant que Monsieur détaille le programme du Front national. Madame est la voix de son mari et ne s'en plaint pas. «Il était de mon devoir d'aider mon époux», dit-elle. «Quand ma femme sera maire, précise aussitôt l'époux, elle s'occupera des affaires sociales et familiales. Moi, je serai son conseiller pour les grandes orientations.»
 
En attendant, Monsieur et Madame font corps. Impossible de rencontrer l'un sans l'autre. Et si par malheur il est retenu à Paris, elle tient des «réunions d'appartement», à huis clos, loin du regard des journalistes. «Ma femme anime ses réunions Tupperware, en privé», dit Monsieur, pince-sans-rire.
 
Catherine, née Rascovsky dans le 16e à Paris (un grand-père russe «mais blanc», et une grand-mère roumaine), se moque comme de sa première paire de gants de soie (elle ne s'en défait jamais quand il s'agit de serrer les mains de ses électeurs) de la promotion de la femme. Il lui suffit d'être l'avenir de son homme.«Comme le répète souvent mon mari, dit-elle, ils ne voulaient pas d'un Mégret, maintenant ils en ont deux !»
 
Pour son malheur, Vitrolles n'avait pas assez de sa déprime de ville nouvelle, de ses 20% de chômeurs, de ses pavillons au bord de l'autoroute, de ses centres commerciaux envahissants. Désormais, c'est deux Mégret sinon rien. Bruno Mégret savoure déjà la situation comme un début de revanche.
 
Lors des dernières municipales, en juin 1995, il avait été battu de justesse par le maire sortant, Jean-Jacques Anglade. Et puis en décembre dernier, le Conseil d'Etat a annulé le scrutin pour irrégularités.
 
Il a aussi déclaré le candidat FN inéligible pour un an. Mais Bruno Mégret a rapidement transformé ce handicap en atout. Grâce à Madame Catherine, une «ambassadrice de charme pour Vitrolles», disent les tracts du Front. Un emballage décoratif pour Monsieur Bruno surtout, dont Jean-Marie Le Pen dit souvent qu'«il sera toujours gêné par deux tares rédhibitoires: son absence de fibre populaire et son physique».
 
Au sein du parti, certains de ses détracteurs l'appellent même le «petit Goebbels» (dans l'esprit de ceux-là, c'est l'adjectif qui est insultant). Mégret apparaît comme un technocrate froid, un polytechnicien au verbe grinçant, un apparatchik intelligent mais sinistre.«Les médias m'ont toujours traité comme la bête immonde, explique-t-il. C'est plus difficile avec ma femme. Nous avons tout à gagner à sa candidature parce que notre parti souffre d'un déficit dans l'électorat féminin. Finalement, cette inéligibilité est tout bénéfice pour moi.»
 
En cas de victoire, il imagine sa femme au fourneau municipal. Plus besoin de perdre de temps en inauguration de chrysanthèmes. D'autres échéances l'attendent. Les prochaines législatives (il est sûr de gagner dans la 12e circonscription des Bouches-du-Rhône), les régionales (il se voit déjà ravissant la présidence du conseil à Jean-Claude Gaudin). Mais aussi le prochain congrès du parti, au mois de mars à Strasbourg, où deux clans s'affronteront. D'un côté, les «modernistes», emmenés par Bruno Mégret, qui verrouille l'appareil et prône une «stratégie de prise de pouvoir». De l'autre, les «anciens», un courant hétéroclite (catholiques traditionalistes, nostalgiques des ligues d'avant-guerre, héritiers des groupuscules d'extrême-droite) qu'essaie de rassembler Bruno Gollnisch, le secrétaire général.
 
Si Catherine fait tomber Vitrolles, Bruno sera sacré nouveau conquérant du grand Sud. Celui qui aura fait la jonction avec la commune voisine, Marignane, dirigée par un maire FN, Daniel Simonpiéri, depuis les dernières municipales. Toulon, Orange, Marignane, peut-être Vitrolles... c'est dans le Midi que le Front national espère gagner le plus de batailles. Marie-France Stirbois, vaincue deux fois à Dreux, projette d'ailleurs de s'installer bientôt dans la région d'Antibes. A Vitrolles, le Front national déploie une énergie et des moyens à la mesure de cet enjeu.
 
En fait, il n'a jamais cessé d'être en campagne. Ses militants font du porte-à-porte depuis des mois. Ils inondent la ville d'affiches, ratissent toutes les boîtes aux lettres avec leurs tracts. «Voyez, disent-ils, Marignane est passée au Front. Et pourtant, les maisons sont toujours debout.» Sur le marché, ils sont parfois presque cent, épaulés par les membres du Front national de la Jeunesse, descendus spécialement de Paris. Ils martèlent à longueur de journée les mêmes thèmes. L'insécurité, l'immigration et surtout la «corruption des élites». Ils jouent sur du velours. Depuis les dernières élections, le socialiste Jean-Jacques Anglade a été mis en examen dans une affaire de fausses factures municipales.

Devait-il prendre le risque de se représenter, alors qu'en juin 1995 il avait gagné avec seulement quelques centaines de voix d'avance? Les instances fédérales et nationales du PS ont hésité. Elles ont commandé des sondages confidentiels pour étudier l'image du maire sortant. Les résultats ? Pas très encourageants. Mais on a estimé que les autres candidats testés par la Sofres (dont Michel Pezet) n'avaient pas plus de chance. Et puis il y avait d'autres négociations en cours sur les investitures pour les prochaines législatives, régionales, sénatoriales. Des transactions complexes, un jeu subtil entre les familles du PS local.
 
Bref, Jean-Jacques Anglade a été désigné candidat. Il a réussi à faire une liste d'union dès le premier tour avec le PC, les écologistes et les radicaux. Les communistes de Gardanne viennent lui prêter main-forte sans se faire prier. Guy Hermier, le député marseillais PC, ne répète-t-il pas partout cette maxime d'Aragon: «Quand le feu est dans la grange, fou qui fait le délicat»?

Jean-Jacques Anglade s'est mis lui aussi au porte-à-porte. Il se passionne pour l'entretien des trottoirs, écoute avec patience les plaintes de ses administrés, les enregistre sur son Dictaphone. Après les dernières municipales, on a suffisamment reproché à cet avocat rocardien, maire de Vitrolles depuis 1983, d'avoir négligé ses électeurs. On a dit qu'il était devenu mégalo, imbu de lui-même. On avait oublié que, dans cette ville où la population a triplé en vingt ans, il avait bien fallu construire des écoles, des crèches, des piscines. On ne voyait plus que le «bâtisseur fou», celui qui avait creusé l'endettement de sa commune (20000 francs par habitant), celui qui s'entourait d'un cabinet pléthorique, celui qui se promenait éternellement avec son écharpe blanche autour du cou («le petit BHL vitrollais»), celui qui faisait de la communication au lieu de s'occuper des gens. Pour un peu, on l'accusait d'être responsable de tous les maux de Vitrolles, cette ville sans âme, sans centre, sans identité, créée par les urbanistes dans les années 60. Entre les deux tours des municipales, Bernard Tapie, qui était venu lui prêter main-forte, lui faisait même la leçon en public: «Tu vois, petit, c'est pas difficile, il suffit de serrer les paluches!» Jean-Jacques Anglade semble avoir digéré l'humiliation. Il a fait son autocritique: «C'est vrai, dit-il, je n'ai peut-être pas assez mesuré le mal-être de cette ville.» Depuis juin 1995, il a instauré des comités de quartier. Il ne jure plus que par la «proximité», la «démocratie locale». Cela suffira-t-il à inverser le mouvement?

Bruno Mégret ricane. Sûr que son électorat se soucie peu de proximité. En 1995, il avait fait 43% au premier tour. Jean-Jacques Anglade, lui, avait remporté 28% des voix. Mais la gauche était partie désunie. Le candidat de la majorité, l'UDF Roger Guichard, affichait, lui, un score de 12%. Ce chef d'entreprise vitrollais se présente cette fois encore. Se retirera-t-il au deuxième tour, comme le laisse entendre Jean-Claude Gaudin? «Si le seul critère était celui de l'efficacité, confie Claude Bertrand, l'éminence grise du maire de Marseille, Guichard devrait se maintenir. Pour capter les voix de la droite et les empêcher de se reporter sur le FN. Mais la pression de l'opinion et des états-majors politiques sera telle qu'il sera sans doute obligé d'abandonner la course.»

En attendant, de jeunes militants de Ras l'Front, qui a rassemblé 1500 personnes pour un défilé dans les rues de la ville samedi dernier, essaient de plaisanter en jouant aux sept familles: «Dans la famille Mégret, je voudrais la mère. La bonne africaine. Le chien-loup.» Mais le coeur n'y est pas.
 
MARIE-FRANCE ETCHEGOIN
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 17:35

Et pendant ce temps-là, la droite danse du ventre
 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 30 janvier 1997.

 

Avant-dernier reportage sur cette ville de 38.000 habitants, au nord de Marseille, qui vote, dimanche, sur fond de danger lepéniste. Aujourd’hui, zoom sur une droite locale qui mène une drôle de campagne.

 

Pendant une semaine, « l’Humanité » raconte l’élection municipale de Vitrolles

De notre envoyé spécial à Vitrolles.
 

ET pendant ce temps-là, la vie continue. Chez Canon, dans la zone industrielle, c’est jour de grève. Le huitième. Au bout du couloir moquetté, sur un panneau d’affichage, un portrait est épinglé. On l’appelle l’effaceur. Kinya Uchida n’est pas candidat à l’élection municipale partielle de dimanche prochain. C’est pourtant de lui, PDG de Canon France, dont parlent le plus les 80 salariés de Canon Vitrolles.

 

Au-dessus de chaque tête, est suspendue la menace de se retrouver sur la liste des 268 postes supprimés ou des 1.000 déplacés géographiques programmés pour l’ensemble de Canon France. C’est à coups de lessives d’emplois ravageuses, à Singapour et en Amérique latine, que Kinya Uchida a gagné ses galons d’effaceur. Les Canon locaux auraient donc de bonnes raisons de regarder d’assez loin la bataille pour la direction de cette ville de 38.000 habitants, qui prend un tour de plus en plus poisseux à la veille du premier tour.

 

Mais ils s’y intéressent. « Regardez ce qui se passe à Toulon depuis que le Front national a pris la mairie, fait remarquer Gérard Livolsi, cadre et élu CGT au comité d’établissement. L’image de la ville est fortement entachée, et cela crée un handicap supplémentaire sur la situation économique et l’emploi. » Et de raconter : « Quand on va sur Paris, le simple fait de venir de Vitrolles nous colle déjà une étiquette. Alors vous imaginez ce que ce serait si... » Mais ils n’imaginent pas. « Non, ce n’est pas possible, on est trop concernés. »

 

Et, pendant ce temps-là, ça chauffe à La Poste. Qui sait même si les Vitrollais auront du courrier ce matin ? C’est une restructuration des tournées des facteurs qui fait mettre sacs à terre. On allonge les temps de distribution et on supprime des postes. Ce qui s’ajoute à l’explosion des contractuels éternellement sous contrat. Aux conditions de travail qui se dégradent.

 

Loin des municipales ? Pas tant que ça. La tête de liste de la gauche, Jean-Jacques Anglade, soutient les postiers. Ferrailleur déclaré du service public, le Front national ne pipe pas mot. Mais, plus surprenant, l’UDF-RPR Roger Guichard y va de sa promesse à la CGT de faire quelque chose. Parfait résumé d’une droite vitrollaise en état perpétuel de danse du ventre. Ou comment affirmer son ancrage dans la majorité, se revendiquer du soutien de Juppé, mais ne jamais dire un mot, ne jamais écrire une ligne sur une action gouvernementale qui met toute une partie de la population en état de souffrance.

 

Pour occuper un espace électoral évident entre la gauche et l’extrême droite, Roger Guichard a choisi la stratégie du « Moi je ». Les anecdotes qui attestent chez cet homme de quarante et un ans un solide penchant mégalo se racontent à la pelle. A ses colistiers, il impose comme première condition d’être seul en photo sur l’affiche de campagne. Il exhibe autant son épaisse chaîne en or Cartier que sa fonction de patron d’une entreprise locale de transport routier. Il revendique avec autant de gourmandise l’amitié du ministre et maire de Marseille Jean-Claude Gaudin que celle de Jean-Pierre Foucault, au point de porter en permanence le pin’s parlant du sacré animateur.

 

Mais ces quelques percées dans un show-biz qui le fascine ne font pas une politique. Or, tout laisse penser que l’influence de la droite classique pèse un peu plus lourd que les 12,48% obtenus au premier tour des municipales de juin 1995. Pourtant, curieusement, à coups de communiqués quotidiens, la campagne de Guichard dérape de plus en plus, avec arguments au ras des coquelicots, et allusions vaseuses sur la vie privée de candidats de la gauche.

Et il est probable que c’est pour corriger un tir très approximatif que les barons de la droite régionale, Gaudin et Muselier en tête, tiennent meeting demain soir à Vitrolles. Au même moment, dans une autre salle, le maire lepéniste de Marignane mettra un peu plus de poison dans cette campagne.

 
GILLES SMADJA
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 17:34
Dernières images, derniers mots avant fermeture de campagne
 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 31 janvier 1997.

 

A deux jours du premier tour de l’élection municipale partielle qui oppose la gauche, la droite et le Front national, le danger lepéniste provoque l’engagement de clubs sportifs, de communautés et de nombreux théâtres de la région.

 

Pendant une semaine, « l’Humanité » raconte l’élection municipale de Vitrolles.

 
De notre envoyé spécial à Vitrolles.
 

EXTERIEUR jour. A un carrefour baigné de soleil, deux hommes, la trentaine, distribuent des tracts. Chômeurs, ils sont payés par le Front national le temps d’une campagne. Inquiets et muets. Parfois, des voitures ralentissent, des mains se tendent. Parfois, c’est un coup d’accélérateur, une manoeuvre nerveuse, un regard noir. Le plus souvent, c’est un geste pour dire non, on n’en veut pas, on n’en veut plus. A la veille du premier tour de l’élection municipale partielle, Vitrolles semble dire vivement dimanche. Pour qu’ensuite, très vite, revienne la vie comme elle va.

 

Intérieur bar, à l’heure du café, sous les arcades du centre urbain. Philippe Lelouarn est exaspéré. Il n’est candidat sur aucune liste, membre d’aucun parti, mais exaspéré quand même. A cause de ce papier jaune qui a envahi les boîtes aux lettres. Où l’on découvre un appel à voter FN lancé par une mystérieuse « association vitrollaise pour la promotion du sport ». D’autant plus mystérieuse qu’elle n’existe pas. Philippe Lelouarn en sait quelque chose, lui qui préside le collectif des associations sportives de la ville.

 

Du coup, effet boomerang de ce faux grossier, la quasi-totalité des dirigeants sportifs s’engagent publiquement pour la liste de gauche. Au passage, Philippe Lelouarn raconte comment, à Marignane, ville voisine, le maire FN a fait main basse sur le club de foot en changeant les serrures de leur siège pour en chasser les responsables. Enfin, et c’est le plus important pour lui, il dit : « Vitrolles étant une ville nouvelle sans identité propre, c’est à travers la pratique du sport que les habitants ont acquis une certaine fierté d’être vitrollais. »

 

Même café, même matin, et un homme en colère. Djelloul Rezigue n’est candidat sur aucune liste, membre d’aucun parti, mais en colère quand même. A cause de ce papier blanc adressé par la poste aux électeurs vitrollais d’orignine maghrébine. Ce qui suppose déjà le fichage de cette population. La lettre émane d’une « association des musulmans français de Marseille et sa région ». Le signataire de la missive, Mahdid Ziane, appelle à voter FN. Fautes d’orthographe pour bien faire lettre d’immigré et argument boueux à l’appui : « il n’y a que Le Pen qui a soutenu l’Irak contre les Américains (...), alors qu’Anglade veut jumeler Vitrolles avec une ville d’Israël. »

 

Le hic, c’est que l’association en question n’est déclarée nulle part, et le mystérieux Mahdid Ziane est aussi inconnu qu’introuvable. Djelloul Rezigue est bien placé pour démasquer l’imposture, lui qui préside la Ligue des musulmans de Vitrolles. Du coup, retour de bâton, c’est un collectif de douze associations de musulmans français qui s’insurge contre la manipulation, et appelle à choisir « la tolérance, la fraternité et un mieux vivre ensemble. »

 

Extérieur sombre. Entre les étals de navets et les fringues pas chères, Catherine Mégret, habitante de Paris XVIe et tête de liste FN à Vitrolles fait son marché. Parle sous le contrôle permanent de son mari. Et apprend vite. A une femme d’origine maghrébine : « N’ayez pas peur, n’ayez pas peur. » A une vieille dame bien mise : « Vous avez raison d’avoir peur de tous ces voyous, on s’en occupera. »

 

Au même moment, une trentaine de théâtres de la région, dont La Criée à Marseille, le Chêne Noir d’Avignon, la compagnie Antoine-Vitez d’Aix, l’école d’acteurs de Cannes, signent un texte commun. Bilan accablant de la guerre déclarée à la culture par les trois maires FN du Sud : censure dans les bibliothèques, introduction d’ouvrages racistes et négationnistes, volonté de rayer le théâtre de Châteauvallon, interdiction de Marek Halter à un festival du livre. Entre autres. Le tout sous couvert d’une culture officielle aux normes provençales.

 

Dernière image, derniers mots, une rencontre avec David et Paquita au centre commercial, sur fond de Mary Poppins à la boutique Disney. Le jeune couple parle avec jubilation de sa dernière soirée ciné. Un film qui sent la mer et les épices. « L’histoire d’une amitié entre un patron de bar juif, un cheminot arabe et un pêcheur italien très catholique. C’est super, on en est sorti heureux, tout Vitrolles devrait voir ça. » Ça s’appelle « Un été à la Goulette. »

 
GILLES SMADJA
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997