« Dès lors qu'il y a débat,
les données du choix changent, suite »
Laurent Fabius, théatral et percutant : 17/20
D'une voie grave et pénétrée, Fabius qui prend la parole en dernier captive la salle d'emblée en évoquant la disparition d'une figure locale. Puis s'en prend violemment à Nicolas Sarkozy, « homme dangereux » et « futur caniche du président américain ». Sans la nommer, il réfute à plusieurs reprises les thèmes ou positionnements de Royal. Sur la stratégie d’abord : « le rassemblement ne peut s’opérer que sur des positions authentiquement de gauche. » Sur la carte scolaire ensuite : « c’est un outil fort de la mixité sociale. » Sur les sondages enfin : « ils n’ont aucune valeur au niveau de la prédiction : la réflexion ça existe, le débat, ça existe, l’engagement, ça existe. » Enfin, la voix brisée, semblant au bord des larmes , il termine évidement sur Jaurès, et soulève la salle. Multiples acclamations, public emballé.
Plus de trois heures après la fin du débat, Laurent Fabius serrait toujours des mains et signait des autographes sous un chapiteau où déjeunaient plus de 1.000 personnes.
Laurent Fabius a conquis samedi l'auditoire lensois, en creusant seul son sillon du candidat à gauche toute. [..] « Fabius m'a impressionné, explique Guy, fonctionnaire à Arras et militant ségoléniste. Il est le meilleur candidat de gauche, mais pourrait-il pour autant battre Sarkozy ? »
De tous les intervenants, il est le seul à assumer clairement des différences avec ses rivaux. [..] Orateur talentueux, il parvient à enflammer l'assistance, notamment lorsqu'il s'en prend au candidat de l'UMP Nicolas Sarkozy [...]. La salle exulte. [..] En citant Jaurès, il finit, ému et à nouveau longuement applaudi.
En fait, si vrai choix il doit y avoir chez les socialistes le 16 novembre prochain, il pourrait sans dommage être réduit à une confrontation entre S. Royal et L. Fabius: une gauche moderniste face à une gauche traditionaliste. Cela ne laisse qu'un mince espace aux autres.
Un ton au-dessus des autres postulants à l'investiture PS pour 2007 (Dominique Strauss-Kahn et Jack Lang notamment), les deux anciens Premiers ministres sont sortis du lot dans le Pas-de-Calais. Ils ne sont pas toutefois dans la même situation: M. Fabius a exclu de s'effacer devant M. Jospin, tandis que l'ex-leader de la gauche plurielle doit, pour "y aller", convaincre MM. Strauss-Kahn et Lang de se retirer à son profit.
C’est un Laurent Fabius très offensif qui a rappelé ses propositions, notamment la hausse du Smic. Et, aussi, sa motivation : «J’ai l’intention d’être candidat à l’investiture. Je le souhaite.» Et de s’offrir, après une sortie sur l’importance jugée démesurée des sondages, destinée à Ségolène Royal qui semble avoir définitivement fait le break en la matière, le champion de la droite, «qui se fixe comme objectif d’être le futur caniche du président des USA.»
Une intervention offensive, qui attira à son auteur les plus vifs applaudissements.
Alors qu'on lui demandait à l'issue de son grand oral si la réunion de Lens aura fait bouger les lignes au PS, l'ancien Premier ministre a répondu, modeste: "c'est à vous de juger". "J'ai essayé de montrer que, tout en partageant beaucoup de choses avec les autres candidats, il y a des points sur lesquels il fallait trancher". "Il y a des orientations de fond sur certains points qui peuvent être différentes", a-t-il dit.
[..] Devant un public lensois séduit, qui a largement voté contre la Constitution européenne en mai 2005, l'ex-leader du "non" a continué à sculpter son image de "candidat du pouvoir d'achat", "authentiquement de gauche": hausse "immédiate" du SMIC de cent euros pour le porter à 1.500 euros au moins d'ici 2012, retour de GDF dans le giron public ou "excellence environnementale" avec une "loi programme" sur cinq ans.
L. Fabius, champion toutes catégories de l'art oratoire
Outre Mme Royal, l'ex-leader de la gauche plurielle et Laurent Fabius, candidat déclaré à l'investiture alors que M. Jospin hésite encore, se sont partagé les applaudissements les plus nourris. Ecouté au début dans un silence impressionnant, M. Fabius s'est lancé dans une diatribe anti-Sarkozy, traitant le président de l'UMP et probable candidat de "futur caniche du président des Etats-Unis".
Alors que les sondages le classent dernier ou avant-dernier de la compétition interne, Laurent Fabius a fait jeu égal avec [Ségolène Royal et Lionel Jospin] à l'applaudimètre. [..] L'ancien Premier ministre a également dénoncé l'omnipotence des études d'opinions. "Si on écoutait les sondages à quoi servirait les débats?". "Il faut que ce soit par la réflexion, par l'intelligence, le débat maîtrisé, amical, que petit à petit vous les militants vous vous forgiez votre conviction".
Après son intervention réussie, à Lens, devant les militants du Pas-de-Calais, qui ont chaleureusement applaudi son discours, samedi 16 septembre, suivi à la télévision par les autres, l'ancien premier ministre a reçu une pluie de messages de félicitations. [..]
Les amis de Lionel Jospin n'ont pas été les plus avares de compliments, même parmi ceux qui, comme Bernard Poignant, président du groupe socialiste au Parlement européen, ne cachent pas leur hostilité depuis le référendum sur la Constitution européenne. [..]
La conclusion de M. Fabius, "la gauche et la France sont deux causes superbes et cela vaut qu'on y consacre toute une vie", ne peut laisser insensible M. Jospin. [..] A Lens, dans la salle attenante au hall Pierre-de-Coubertin où se sont retrouvés les présidentiables, les deux hommes se sont longuement parlés. A deux pas, d'autres, comme le député du Nord Yves Durand, proche de Martine Aubry, louait le "talent" de l'ancien premier ministre de François Mitterrand. "Fabius s'est défoncé", notait de son côté Pierre Mauroy. Parmi les militants, certains se disaient "ébranlés" à la sortie. "Il m'a bien surprise. Même s'il est loin dans les sondages, je m'en fiche, je crois que je vais voter pour lui", affirmait à la sortie une jeune femme de 26 ans.
Connu pour ses talents d'orateur, M. Fabius a touché l'assistance quand il a laissé paraître son émotion. Seul le député de Seine-Maritime a ouvertement parlé de sa candidature à la tribune. "Je m'y suis préparé et je me sens la capacité, comme d'autres, à l'être." Seul aussi, il a évoqué les sondages annoncés par "un mot plus personnel", provoquant ainsi un petit frisson dans la salle. "Il faut que ce soit par la réflexion, l'intelligence que, petit à petit, vous vous forgiez une conviction, a-t-il lancé aux militants. La réflexion, ça existe ; le débat, ça existe ; l'engagement, ça existe !"
Souvent accusé d'insincérité, M. Fabius est apparu, samedi, comme l'un des intervenants les plus sincères : "Sur l'essentiel, nous sommes d'accord. Mais il y a des points où il faut aller plus loin." Il est ainsi le seul à avoir nettement rejeté la suppression de la carte scolaire. "Je ne serai jamais sur cette position-là !", s'est-il écrié. Enfin, sa diatribe contre Nicolas Sarkozy lui a attiré la sympathie du public.