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Pour mieux connaitre  l’histoire politique de Vitrolles, gérée pendant 5 années (1997 - 2002) par l'extrême droite et le couple Bruno et Catherine MEGRET, plus de 200 articles de presse sont à votre disposition (colonne de droite, rubrique "thèmes" sur ce blog). A l'heure de la banalisation de l'extrême droite, un devoir de mémoire s'impose avec l'expérience vécue à  Vitrolles.

Cette histoire politique est désormais complétée par des vidéos que vous pouvez retrouver dans le thème "l'histoire politique de Vitrolles en vidéo", dans la colonne de droite. Cette rubrique sera renseignée au fil du temps.

@ DH
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 12:30

Vitrolles: une épuration FN
 
source : Le Nouvel Observateur le 31/07/1997 auteur : Isabelle Monnin

On la devine timide. Pas envie de s'affirmer comme pasionaria, de jouer les martyrs. Régine Juin veut juste témoigner. Raconter l'histoire d'une ville abandonnée au Front national. «On dirait qu'ils sont là depuis dix ans.»
 
Sur son répondeur, sur son fax s'embouteillent les messages de soutien mais peu d'offres d'emploi. Régine Juin a été licenciée par la mairie de Vitrolles pour avoir refusé de céder à l'ordre moral. Directrice du cinéma municipal les Lumières, elle avait maintenu, malgré les pressions des élus, une soirée-débat le 19 mai, organisée autour de courts-métrages: «L'amour est à réinventer, dix histoires d'amour au temps du sida».


Ce soir-là, 130 personnes avaient fait le déplacement, les discussions ont traîné jusqu'à 2 heures du matin. Dans les deux autres salles des Lumières, d'autres spectateurs regardaient «les Pleins Pouvoirs» et «Nous sommes tous encore ici». «C'est drôle, ces deux titres, sourit-elle. Involontairement, ils résument bien la situation de Vitrolles.» La mairie, elle, lui reproche de faire la «promotion de l'homosexualité» et lui recommande de s'intéresser au «vrai amour», à la Bible.
 
Le 26 juin, elle reçoit sa lettre de licenciement, pour «refus d'obtempérer».

Dans son petit appartement, juché au centre d'Aix-en-Provence, Régine Juin récupère doucement. «Je n'ai pas très envie de retourner là-bas», avoue-t-elle. Sous ses fenêtres, sur une jolie place ombragée l'attendent ses amis de la Charrette, la dernière-née des associations vitrollaises qui regroupe les personnes licenciées par Mme le Maire depuis sa prise de pouvoir.

Car l'équipe Mégret n'a pas traîné. L'image du soir de ces tristes élections municipales est encore fraîche, et pourtant le souvenir paraît déjà lointain. «Le Chant des partisans» résonne dans la salle des fêtes, des larmes coulent, des poings se ferment. Février 1997, il faisait froid à Vitrolles. «La veille du deuxième tour, on avait organisé une veillée autour de l'hôtel de ville, se souvient Régine Juin. Il y avait du monde, on voulait croire qu'une fois encore on passerait à côté.» Mais le lendemain, Vitrolles se réveille FN, après Marignane, Orange et Toulon...

Et le nettoyage commence très vite. Dès le mois de mars, les licenciements pleuvent. Parmi les premiers touchés se trouve Pascale Morbelli, solide jeune femme, aujourd'hui présidente de la Charrette. Embauchée par l'ancienne municipalité de Vitrolles, Pascale était une des quatre éducateurs de rue de la ville. Un travail de prévention de la délinquance, de suivi des jeunes et des familles les plus en difficulté.

Pascale ne met ni sa langue ni ses convictions dans sa poche: elle s'était déjà fait remarquer pendant la précédente campagne électorale. Elle suivait, armée d'une poussette agrémentée d'un panneau de sens interdit, Bruno Mégret dans tous ses déplacements. La «provocation» a agacé. Et les Mégret ont fustigé pendant toute la campagne ces éducateurs partisans et inutiles.
 
Le 4 mars 1997, la sentence tombe: «Conformément au programme électoral énoncé par voie de presse, télévisée et radiophonique, Mme Catherine Mégret a fait part de son intention de mettre en oeuvre une nouvelle politique ne nécessitant plus l'intervention d'éducateurs de rue.» Trois des quatre éducateurs sont contractuels: Vitrolles n'a plus besoin d'eux.

Six mois après, la liste s'est allongée. Le bilan de l'épuration est impressionnant, effrayant: près de 150 personnes auraient d'ores et déjà été remerciées. La rumeur fait état d'une liste de personnes «à virer en priorité» qui circulerait parmi les militants FN de la mairie. Tous les services municipaux sont concernés sauf... la police municipale. Culture, animation, éducation, emploi, environnement ou administration: les contrats non remplacés affecteront la vie des Vitrollais dans les mois à venir. La ville, et ses 40000 habitants, comptait huit maisons de quartiers. Aucune d'elles ne fonctionne plus aujourd'hui, faute de personnel. Le théâtre, le théâtre de verdure sont fermés. Trente contrats emploi-solidarité, habituellement reconduits pour un an, n'ont pas été renouvelés. Idem pour les contrats de 30 assistantes maternelles ou puéricultrices.

«En six mois, ils ont cassé ce que nous avions mis près de quinze ans à construire, analyse Régine Juin. Qui parlait de Vitrolles comme d'une ville sans âme? Ce sont les Mégret qui ont jeté le discrédit sur la ville pendant toute la campagne, qui l'ont traînée dans la boue, fait courir les pires rumeurs. Or il se passait des choses à Vitrolles. 72000 personnes venaient par exemple au cinéma chaque année. Il y avait beaucoup de services, de loisirs possibles. Vitrolles avait une âme! Ils sont en train de tout détruire.»

Victimes et résistants tout à la fois, les membres de la Charrette sont bien décidés à ne pas laisser aux Mégret et à leurs lieutenants les clés d'une ville qu'ils aiment. «Nous avons monté l'association, ce collectif des gens licenciés, pour nous entraider, témoigner, mais aussi pour protéger ceux qui restent», dit Pascale Morbelli. Car nombre de cadres de l'administration municipale précédente sont partis, laissant les fonctionnaires en prise directe avec l'équipe dirigeante. «Du coup, les gens ne sont plus protégés par leur hiérarchie. Ils ont peur et ils n'ont pas toujours le courage de résister», dit encore Pascale.

Résister, c'est refuser les ordres contraires à la loi. Frédéric Jemel travaillait à la direction informatique. La première chose que lui ont demandé les nouveaux élus, c'est le fichier récapitulatif des fonctionnaires grévistes. Pas question pour l'informaticien d'obéir. Son contrat expirait au 15 août. Mais il a été licencié, «pour raisons économiques», dès le 7 juillet. Quand on lui a demandé de faire le «transfert de compétences», Frédéric a compris que, raisons économiques ou pas, quelqu'un d'autre était sur les rangs pour effectuer la besogne. Il s'aperçoit aussi qu'un homme, récemment embauché, est en fait chargé de surveiller le personnel du service. «Ils craignent tous les résistants potentiels, dit Frédéric. Ce sont des paranos du complot. Ils ont peur qu'on diffuse des informations à l'extérieur.» Après la dissolution de l'Assemblée nationale, le surveillant a mystérieusement quitté le bureau. A l'extérieur, certains l'ont vu qui collait les affiches du FN.

La résistance s'organise à Vitrolles. Elle sera le fait des associations puisque les politiques semblent avoir déserté les bords de l'étang de Berre. La mairie ne s'y est d'ailleurs pas trompée, qui a décidé en conseil municipal de diminuer de moitié les subventions de ces associations. Une Coordination des Associations vitrollaises (CAV) est déjà en place. Un maillage qui se transformera, les militants ne veulent pas en douter, en machine de reconquête de la ville:
 
«C'est à Vitrolles que le Front national a fait son plus gros score. Mais nous serons les premiers à nous libérer...»
 
ISABELLE MONNIN
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1997 - 1998