En parallèle du dossier des retraites, et désormais de la coupe du monde de football, un dossier passe presque inaperçu et dan tous les cas ne fait pas les unes. Je veux parler du projet de la loi NOME, déjà évoqué sur ce blog.
« Grâce » à la libéralisation du marché de l'électricité, « vive la concurrence libre et non faussée», il d'ores et déjà prévu une hausse de 11% des tarifs de l 'électricité en 2010, et ce ne serait qu'une première étape (25% en 5 ans)...
DH

Le projet de loi Nome, dont l’examen a débuté hier soir 8 juin 2010) à l’Assemblée, va provoquer une hausse de 11 % des tarifs dès cette année. L’opposition socialiste et communiste votera contre ce texte, qui prévoit la mise à disposition d’un quart de la production nucléaire aux concurrents d’EDF.
Les députés UMP et Nouveau Centre vont-ils donner le feu vert à une flambée des tarifs réglementés de l’électricité ? L’examen du projet de loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité, auquel s’opposent parlementaires communistes et socialistes, a débuté hier soir à l’Assemblée nationale. Or, son adoption définitive, prévue avant la fin de l’année, devrait conduire à une hausse sans précédent et complètement artificielle de la facture. Selon les prévisions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), les tarifs réglementés devraient bondir de 7,1% à 11,4% dès cette année et continuer d’augmenter de 3,1 % à 3, 5 % par an entre 2011 et 2015.
une augmentation artificielle des tarifs
Cette flambée sera la conséquence mécanique de l’obligation faite par la loi à EDF de mettre à la disposition de ses concurrents 25% de sa production nucléaire. Cette disposition vise à permettre à GDF Suez, Poweo ou encore Direct Énergie de gagner des parts de marché dans la fourniture d’électricité aux particuliers et aux entreprises. En effet, malgré le fait que la France a, comme l’exigeait Bruxelles, totalement ouvert son marché intérieur en 2006, la concurrence reste très marginale puisque 97 % des Français sont restés fidèles aux tarifs réglementés. Et pour cause : peu ou pas producteurs d’électricité, les nouveaux opérateurs ne sont pas en mesure de
faire des offres commerciales compétitives. Pour qu’ils y parviennent, le premier ministre, François Fillon, a donc décidé de leur donner accès à un quart de la production nucléaire. Mais « cette spoliation d’un bien de la nation », comme le dénonce la CGT énergie qui rappelle que les 54 réacteurs nucléaires actuellement en service ont été financés par les usagers, par le biais de leurs factures, a un prix. Elle va provoquer un surenchérissement du coût du mégawatt. Alors qu’il est aujourd’hui de 34 euros, il devrait atteindre 42 euros. Un bond de 25% que supporteront les usagers, entreprises comme particuliers. La loi Nome comporte d’autres dispositions qui suscitent l’opposition du PCF, du PS et de la CGT. Les tarifs réglementés pour les entreprises seront purement et simplement supprimés. Ce qui ne sera pas sans conséquences, dans cette période de crise, pour les entreprises dites électro-intensives. Pour les particuliers, l’existence des tarifs réglementés est officiellement garantie, mais la loi va conduire à, progressivement, réduire leur intérêt pour le consommateur. Désormais, c’est la CRE qui les fixera, tandis que leur calcul devra intégrer « une référence
au marché » dont les prix sont supérieurs en moyenne de 40%
Député PCF de Seine-Maritime et rapporteur du texte pour son groupe, Daniel Paul dénonce un projet de loi inamendable et contraire aux enjeux économiques et sociaux.
Pourquoi, selon vous, le projet de loi Nome est-il inamendable ?
Daniel Paul. Ce texte est une étape supplémentaire dans la libéralisation du secteur de l’électricité, qui suscite la convoitise du privé par sa capacité à générer du cash. L’objectif unique est de contourner le dispositif créé en 1946, qui empêche la mainmise du privé. Malgré les remises en question de ces dernières années, l’existence d’EDF et le maintien d’une logique de service public ont contrecarré jusqu’à présent le développement de la concurrence. En part de marché, celle-ci reste anecdotique. Pour permettre son essor, le projet de loi prévoit de mettre à la disposition des opérateurs privés, dont GDF Suez, 25 % de la production d’électricité d’origine nucléaire d’EDF. Et cela, à un prix qui se situerait aux alentours de 42 euros le mégawatt, alors qu’aujourd’hui le coût de production se situe aux environs de 34 euros. Soit, donc, une différence de 20 % qui ne manquera pas de reposer au final sur l’usager. Ce texte est donc inamendable pour deux raisons fondamentales. Premièrement, il s’agit d’un véritable hold-up au profit des opérateurs privés qui vont faire main basse sur un quart de la production nucléaire. Alors que ce parc de production appartient à la nation, donc aux citoyens. Il a été en effet financé sans apport de l’État, ni de quelque subvention que ce soit. EDF a eu recours à l’emprunt. Et cet emprunt, les usagers l’ont remboursé par leurs factures. Deuxièmement, l’objectif de ce texte est clairement de provoquer une augmentation artificielle des prix qui sont en France trop bas par rapport à ceux du marché. Et cela afin de permettre aux opérateurs privés de gagner des parts de marché.
Quelles seront les conséquences
de ce projet de loi ?
Daniel Paul. Alors que nous traversons une crise économique et sociale sans précédent, la flambée des prix va créer de sérieuses difficultés économiques aux entreprises dites électro-intensives, donc mettre en péril les centaines de milliers d’emplois qu’elles génèrent.
La précarité énergétique, qui touche déjà 8 millions de personnes, risque d’exploser. L’accaparement d’une partie de la rente nucléaire par le privé va restreindre l’investissement, donc la sécurité d’approvisionnement. Et enfin, cette loi est un contresens environnemental car elle va provoquer une hausse des émissions de gaz à effet de serre. Les opérateurs privés qui voudront bénéficier de la rente nucléaire devront, en effet, construire des moyens de production de pointe,
en particulier des centrales à gaz.
Pourquoi craignez-vous
une privatisation de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) ?
Daniel Paul. La CNR appartient pour moitié aujourd’hui à GDF Suez et pour l’autre moitié à différentes institutions publiques (collectivités locales, Caisse des dépôts…). Celles-ci disposent d’une action de majorité. Un amendement privatisant la CNR au profit de GDF Suez a été rejeté en commission sur demande du gouvernement. Nous craignons qu’il ne s’agisse là que d’un repli tactique et que la privatisation de la CNR ne refasse surface à un moment ou à un autre au cours du parcours législatif de la loi Nome.
Quelle politique alternative prônez-vous ?
Daniel Paul. Les enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés nécessitent une intervention publique forte. C’est pourquoi nous proposons la création d’un pôle public regroupant autour d’EDF les entreprises du secteur. Au plan européen, il faut privilégier la coopération entre États et entreprises historiques, plutôt que la concurrence.
Entretien réalisé par Peirre-Henri Lab