Trois mois de prison avec sursis pour Mme Megret
Article paru dans l'édition du 9 septembre 1997.
LE tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence a condamné hier Catherine Mégret, maire Front national de Vitrolles (Bouches-du-Rhône), à trois mois de prison avec sursis et à 50.000 francs d’amende pour le délit de « complicité de provocation publique à la discrimination à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie ou à une nation déterminée ». L’épouse du numéro deux du FN était poursuivie pour des propos tenus, en février, au quotidien allemand « Berliner Zeitung ». Elle y déclarait notamment que « l’insécurité est liée à l’immigration » ou encore que « les immigrés qu’on rencontre continuent de vivre comme s’ils étaient chez eux (...) ils ont l’esprit colonialiste ».
Le tribunal, sans suivre totalement les réquisitions prononcées à l’audience, le 30 juin, par le procureur Jacques Baume, qui demandait une peine d’inéligibilité à l’encontre de la responsable lepéniste, a donné raison aux trois associations
S.O.S.-Racisme, le MRAP et la Ligue des droits de l’homme -qui avaient déposé plainte. Selon lui, les propos visés « démontrent une volonté délibérée de provoquer un état d’esprit hostile ou inamical envers un groupe de personnes ». Il s’est, en revanche, déclaré incompétent pour juger d’une autre affirmation grossière de l’élue frontiste - « il y a des différences entre les races, il y a des différences entre les gènes » -, estimant, pour le moins curieusement même en l’état actuel du droit, que la compétence pour ces débats relèverait des seuls « généticiens, ethnologues, sociologues ou théologiens ». Il a, en outre, jugé irrecevable la plainte pour diffamation raciale déposée par 590 particuliers.
Nonobstant, Me Alain Molla, leur avocat, s’est félicité de ce « jugement plutôt lourd avec une peine d’emprisonnement avec sursis ». Même constat du côté de Me Alain Lothe, conseil de S.O.S.-Racisme : « C’est une magnifique victoire car la peine est lourde ». Quant à Fodé Sylla, il y voit « la preuve que face au FN, il n’y pas de fatalité ».
Dans le camp de la condamnée, qui a elle-même dénoncé dans un communiqué une atteinte « aux libertés publiques », le coup est rudement ressenti si l’on en juge par la hargne des réactions. Me Wallerand de Saint-Just, l’un des défenseurs de Mme Mégret, a entamé à nouveau le couplet, cher aux lepénistes en ce seul cas, de la « liberté d’expression » bafouée. Comme si celle-ci pouvait se confondre avec la propagation d’une vulgate raciste distillant le poison de la discrimination et de la haine sous le couvert d’affirmations grossières sans aucun fondement scientifique. Quant au premier adjoint de la mairie de Vitrolles, Hubert Fayard, il n’a pas hésité à afficher son mépris pour la justice en ces termes : « Les Français avancent, les chiens aboient. »