5 janvier 2006
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Mégret piégé par son chefsource : Le Nouvel Observateur le 29/05/1997 auteur : Jean-Gabriel FredetA Vitrolles, épicentre de la 12e circonscription des Bouches-du-Rhône et siège virtuel du FN, Bruno Mégret (35% des voix) n'a rien négligé pour être son premier représentant à la nouvelle Assemblée.Il aurait déjà dépassé trois fois le plafond légal des dépenses de campagne! Henri D'Attilio, son adversaire socialiste, a chargé un huissier d'en faire le constat. Habilement, le premier lieutenant de Jean-Marie Le Pen a «segmenté» son discours en fonction des cantons, «grattant systématiquement là où ça fait mal», explique Christian Rossi, candidat RPR malheureux: nostalgie de l'Algérie française à Marignane, ville de rapatriés; chômage à Vitrolles, où la communauté maghrébine des Pins est décrite comme voleuse d'emplois; sécurité à Carry-le-Rouet, villégiature des cadres et des retraités.Démagogue, efficace, le maire consort de Vitrolles a su aussi marginaliser la droite classique, bien décidée pourtant à reconquérir l'électorat populaire. «Entre la gauche et nous, il n'y a rien», a martelé Mégret, traitant Christian Rossi, adjoint au maire socialiste de Berre-l'Etang, de «socialiste tendance RPR».Mensonger, mais meurtrier. L'évocation des malversations vitrollaises passées, le choix d'un suppléant musclé - Daniel Simonpieri, maire FN de Marignane - ont fait le reste. Sans implantation locale, indifférent aux problèmes locaux, le candidat FN a fait le plein du vote protestataire. Face à Henri D'Attilio (31% des voix), qui peut tabler sur l'appui d'un large «sursaut républicain», Mégret va-t-il tenter maintenant de séduire les «veufs» de la droite classique ou courtiser les déçus du socialisme, ces «gaucho-lepénistes» que leurs origines ouvrières et leurs «tropismes idéologiques» de gauche incitent à bouder la droite classique au second tour ?C'est sur la foi de cette mutation sociologique que Jean-Marie Le Pen a bâti sa stratégie de conquête du pouvoir, fondée dans un premier temps sur la victoire de la gauche. Car le chef du Front rêve désormais d'un scénario analogue à celui du 13 mai 1958, mais renversé, où il apparaîtrait comme le sauveur d'une République menacée par le «coup d'Etat» et le «plébiscite» de Jacques Chirac. Et la première étape, c'est une victoire de la gauche, mettant à bas une droite divisée, bradant sans vergogne la souveraineté nationale sur l'autel de Maastricht et de la mondialisation. C'est l'objectif de l'appel solennel, dimanche soir, à la démission du président de la République et de l'invitation discrète au «vote révolutionnaire» dans le secret de l'isoloir. Mais cette option handicape les candidats du mouvement confrontés à un adversaire de gauche. Elle n'est donc pas du goût de Bruno Mégret. Le dauphin de Le Pen, qui n'a «aucune détestation pour la droite», fait explicitement comprendre en privé qu'il ne partage pas les «priorités» du chef frontiste pour une victoire de la gauche («Ce n'est pas ma façon de voir les choses»).Officiellement, bien sûr, son discours reste unitaire. «Idéologiquement notre adversaire, c'est la gauche, mais politiquement nous combattons le pouvoir en place, donc le RPR-UDF.» Bref, «adversaire de la classe politique tout entière», le FN récuse aussi bien «les politiciens développant leur idéologie propre [PS] que ceux qui n'ont pas rompu avec l'idéologie de leurs prédécesseurs», explique le candidat dans sa permanence de Vitrolles. Ni ennemis prioritaires, ni alliés objectifs ?Réponse de Mégret: «Si la politique suppose des alliances, ces dernières passent par un rapport de force favorable et la rénovation de la classe politique.» Le modèle ?«L'alliance de Gianfranco Fini [MSI] avec Silvio Berlusconi, leader d'une droite rénovée, après l'explosion de la coalition chrétienne.» Une manière claire pour Mégret de rappeler son attachement à la droite, «à condition qu'elle renonce à ses thèses mondialistes proches de celles de la gauche internationaliste».
Tactiquement, le numéro deux du Front, qui guigne la succession de Jean-Marie Le Pen, a tout intérêt à se dédouaner d'une politique du pire qui déconcerte ses électeurs provençaux. «Ma stratégie a été de ponctionner un maximum d'électeurs RPR dès le premier tour», explique-t-il. Ce qui ne l'a pas empêché d'enfoncer le clou de la «corruption», de la «magouille», et du «clientélisme» du PS...
Fort du désistement de Christian Rossi et de la bénédiction de son «ami» Jean-Claude Gaudin, le maire UDF de Marseille, qui voit avec effroi la montée du Front, Henri D'Attilio est serein. Atout de ce socialiste à la sauce provençale ? Sa connaissance du terrain. Sans jamais afficher la rose socialiste, fort de ses deux précédentes victoires contre les intrus du Front, «Henri» parcourt inlassablement les rives de l'étang de Berre, rappelant que Mégret n'a jamais élu sur son nom propre, puisque son succès aux régionales comme aux européennes a été acquis au scrutin de liste. «Je suis né à Châteauneuf-lès-Martigues, derrière l'église. Ici je suis chez moi. Lui, personne ne le connaît...Ou maï sou pichoune, ou maï soun mari fan coume lei pichoune rocket» (plus ils sont petits, plus ils sont méchants comme des roquets), soupire D'Attilio, qui clôt ses meetings avec l'hymne provençal.
Est-ce suffisant pour battre le challenger de Le Pen, qui compte sur la victoire pour rebondir aux élections régionales de 1998 et conquérir la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur? «Je sens le courant», affirme d'Attilio, qui annonce déjà le retour à Saint-Cloud de son adversaire, «avec un billet TGV». Tradition contre protestation: l'élection ici est encore dans ce choix. Ailleurs, les arbitrages nationaux pèseront plus lourd. Il n'est pas sûr qu'ils tournent tous à la confusion du Front.JEAN-GABRIEL FREDET
Published by Didier HACQUART
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dans
Histoire politique de Vitrolles : 1997 - 1998