1936 Les patrons criaient déjà :
« c’est pas possible ! »
Congés payés, semaine de 40 heures, conventions collectives, prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans, sont autant de mesures sociales issues du Front populaire.
La semaine de 40 heures et surtout la création des congés payés restent aujourd’hui encore les mesures les plus emblématiques de l’œuvre réformatrice de son gouvernement. Ces mesures, en permettant dès l’été 1936 à des millions de travailleurs d’accéder au temps libre, de découvrir les loisirs et de nouveaux horizons, ont contribué à la mystique du Front populaire.
Pour autant, la multiplication des bicyclettes et des tandems sur les routes estivales, la découverte du camping et de la mer par toute une population laborieuse, au grand dam des bourgeois, mécontents de voir « leurs » plages envahies par des « salopards en casquette » aux mauvaises manières. Après avoir connu les congés, « ils ne vont pas revenir dans nos usines », s’inquiétaient les patrons !
Cela ne résume pas l’œuvre réformatrice du Front Populaire. Il faudrait aussi évoquer la nationalisation des industries de guerre, la réforme de la Banque de France qui élargissait le crédit à toute l’économie nationale, etc.
1936 – 2006, en 60 ans les arguments du patronat et de la droite pour s’opposer aux avancées sociales n’ont cependant pas beaucoup varié.
« Voilà qu’on parle du contrôle de l’embauche et de la débauche » Vous vous rendez compte ? On ne va plus pouvoir prendre et renvoyer qui on veut ? » « C’est incontestablement une violation de la liberté. » Cet échange entre 2 patrons n’est pas de 2006 après la suppression du CPE mais de 1936 et a été rapporté par la philosophe Simone Weil…
Claude Joseph Gignoux, universitaire, journaliste, sous-secrétaire d’Etat dans les années 30 publie dès le mois de mai 1937, une brochure intitulée : « Patrons, soyez des patrons ! ». il dénonce férocement « la semaine des deux dimanches ». Les 40 heures obtenues par les salariés sont présentées comme la cause de tous les maux de la société. Il incite le patronat à réclamer un « assouplissement » de l’application de la loi des 40 heures. Cet assouplissement va se faire autour de la question des heures supplémentaires. Elles vont être le moyen de revenir sur la loi sans le dire.
En 1940 PETAIN dénonce encore « l’esprit de jouissance », qui selon lui l’avait « emporté sur l’esprit de sacrifice ». Aujourd’hui SARKOZY estime que « le travail a été dévalorisé par une politique de réduction du temps de travail, aussi bien sur la semaine que sur la vie »…
Nous retrouvons les mêmes arguments aujourd’hui des SARKOZY, VILLEPIN SEILLIERES, PARISOT et consorts contre les 35 heures, le code du travail, pour le CPE et le CNE !
60 ans après le Front Populaire, la Droite et le Patronat s’opposent avec les mêmes arguments au progrès social ! Plus grave, avec Laurence PARISOT, nouvel PDG du Medef pour qui « la vie, la santé, l'amour sont précaires alors pourquoi pas l'emploi ? », la mobilisation reste de mise
Le progrès social ne viendra pas de la Droite et encore moins de l’Extrême Droite, défenseurs de l'ultralibéralisme.
Les utopies d’hier sont les réalités d’aujourd’hui. Les utopies d’aujourd’hui seront les réalités de demain. Une autre société est possible. Combattons au quotidien le « on ne peut pas faire autrement » des ultralibéraux pour une société centrée sur l’homme et pas sur le profit de quelques uns…
Revue Politis n°899
Libération du 3 mai 2006
Humanité Dimanche n°9 du 4 mai 2006