13 septembre 2007
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Le fameux traité simplifié sur la constitution européenne dont SARKOZY revendique la paternité pour « débloquer l’Europe » continue sa vie. Malheureusement, il est difficile d’avoir une vision claire son contenu. Les médias sont plutôt muets sur le sujet, y compris Libération ou Le Monde… J’ai par contre trouvé une analyse et surtout un compte rendu de ce qui s’est passé à Lisbonne le week-end dernier, lors de la rencontre des ministres européens des affaires étrangères dans le journal l’Humanité.A lire cet article, con comprend un peu mieux pourquoi il règne une certaine opacité…A suivre.DH
Traité européen simplifié : Une course de vitesse contre la démocratieLes ministres des Affaires étrangères réunis le 7 septembre 2007 au Portugal veulent éviter à tout prix un débat populaire sur le traité européen.La présidence portugaise de l’Union européenne veut faire vite. Objectif : boucler, dès le Conseil européen des 18 et 19 octobre prochains, l’accord sur le nouveau traité européen qui recycle la substance du projet de Constitution rejeté en 2005 par les électeurs français et néerlandais. Un calendrier que les ministres des Affaires étrangères de l’UE, convoqués vendredi à Viana Do Castello, au Portugal, pour une réunion informelle, ont dit vouloir tenir en dépit de la tenue annoncée d’élections législatives anticipées en Pologne. « C’est comme ça dans la vie démocratique, il y a des élections, ça ne m’inquiète pas spécialement », a commenté Bernard Kouchner, chef de la diplomatie française. « Nous gardons le cap », a également insisté le ministre portugais des Affaires étrangères, Luis Amado, tout en reconnaissant « quelques problèmes ». Mais, a-t-il indiqué, « jusqu’à présent, tout ce que nous avons entendu nous renforce dans notre conviction que ce sera possible ».Les promoteurs du nouveau traité craignent que la crise politique en Pologne, après l’éclatement de la majorité conservatrice sur laquelle s’appuyaient les frères Kaczynski, n’encourage ces derniers à revenir une nouvelle fois sur le compromis obtenu en juin dernier, en revendiquant un mécanisme de blocage des décisions prises à la majorité qualifiée et en demandant que la Pologne soit exemptée, comme le Royaume-Uni, de l’application de la Charte des droits fondamentaux.Inextricable puzzle d’amendementsMais en réalité, l’incertitude porte davantage sur les délais que sur l’objectif final et le fond du texte sur lequel les Vingt-Sept doivent se mettre d’accord. Il n’est cependant pas question, ont prévenu la présidence portugaise et la Commission, d’envisager, pour l’instant, le moindre report qui pourrait ouvrir la brèche d’un début de débat démocratique.Après la présentation, le 23 juillet, à l’ouverture de la Conférence intergouvernementale, d’une première mouture du document, des groupes « d’experts juridiques » ont planché tout l’été à huis clos. Vendredi, les ministres des Affaires étrangères devaient examiner l’état d’avancement de ces travaux, présentés comme des ajustements « techniques » sur le « traité modificatif ». Celui-ci se présente sous la forme d’un inextricable puzzle d’amendements issus du projet de constitution avorté, qui doivent s’inscrire dans les traités actuellement en vigueur. Le document - plusieurs centaines de pages, sans compter les innombrables déclarations et protocoles - n’a rien de « simplifié », comme promis par Nicolas Sarkozy, et ferait presque passer le texte rejeté le 29 mai 2005 pour un parangon de clarté. Quant à son contenu, ce traité modificatif consacre, comme le projet de traité constitutionnel, le sacro-saint principe de « concurrence libre et non faussée » au fondement des orientations libérales de l’Europe, la toute-puissance de la Banque centrale européenne en matière de politique monétaire et le carcan de la discipline budgétaire qui dicte la baisse des dépenses sociales et utiles au développement (voir ci-après).Les États membres pressés de faire viteSi un accord est entériné dès le Conseil européen d’octobre, les chefs d’État et de gouvernement pourraient signer formellement le nouveau traité en décembre, ouvrant ainsi la voie aux ratifications dans les États membres. Ceux-ci sont pressés de faire vite, et surtout d’éviter le recours à des consultations populaires, jugées trop risquées. Si l’engagement du président français, Nicolas Sarkozy, de procéder à une ratification parlementaire rassure les dirigeants européens, les pressions se multiplient, en revanche, sur le premier ministre britannique, Gordon Brown, qui n’exclut pas l’organisation d’un référendum si le texte devait franchir les « lignes rouges » fixées par Londres. Les tractations vont bon train pour éviter à tout prix cette perspective, qui pourrait remettre en cause l’objectif d’une entrée en vigueur du nouveau traité avant les élections européennes de 2009.Rosa Moussaoui
L’entourloupe du « traité simplifié »Pour Francis Wurtz, président du groupe GUE-GVN au Parlement européen, les citoyens doivent exiger la clarté sur ce traité élaboré à huis clos pour recycler l’ex-constitution européenne.Les ministres des Affaires étrangères de l’Union ont examiné vendredi l’état d’avancement des travaux des « experts » sur le projet de traité modificatif. Que vous inspire cette méthode ?Francis Wurtz. Les dirigeants européens craignent avant tout que les citoyens ne se mêlent du contenu de ce traité. Ils savent que ce qui s’est exprimé par la victoire du « non » en France et aux Pays-Bas ne peut se résumer à un problème français ou néerlandais. Même Peer Steinbrück, le ministre allemand de l’Économie et des Finances, a reconnu récemment dans un petit cercle « un risque de crise de légitimité du modèle économique et social européen ». Les applications du principe d’une « économie de marché ouverte où la concurrence est libre » suscitent de très fortes interrogations, voire le rejet de la part de couches de plus en plus larges de la population européenne. Ils en ont conscience. Cela explique l’opacité de la méthode adoptée. La Conférence intergouvernementale a été lancée le 23 juillet, quand l’Europe entière était en congés. Ils veulent achever au plus vite les travaux, si possible les 18 et 19 octobre. Ils travaillent à huis clos. Ils dissuadent enfin les gouvernements d’organiser des consultations, et même des débats publics sur le contenu de ce traité. C’est une sorte de reconnaissance implicite du divorce grandissant entre les opinions publiques et les institutions.L’illisibilité de ce texte, véritable puzzle d’amendements aux traités existants, est-elle délibérée ?Francis Wurtz. Le traité constitutionnel a été rejeté, en France, au terme d’un débat très approfondi sur les ressorts de l’Europe libérale. Le problème des dirigeants européens était, dès lors, de faire accepter demain ce qui a été refusé hier. Nicolas Sarkozy leur a apporté la clé : l’engagement à ne pas faire ratifier ce traité par référendum. Pour faire passer ce coup de force, il a imaginé l’entourloupe du « traité simplifié », qui dissimule en fait un jeu de piste quasiment inaccessible aux citoyens. Il s’agit de recycler la même substance, mais sous une forme qui déroute les citoyens, donne à certains l’illusion de changements et aux autres le sentiment de n’y rien comprendre.C’est une démarche profondément antidémocratique, directement liée au contenu inavouable de ce texte, en particulier sur les questions de l’économie libérale.Faut-il un nouveau référendum ?Francis Wurtz. Il faut, évidemment, exiger un nouveau référendum. Et demander, sans attendre, la clarté, avec des informations précises sur ce qu’il est advenu, dans ce nouveau texte, des points les plus contestés de l’ex-projet de constitution. Cela ne peut passer que par l’obtention de débats publics, pluralistes, contradictoires dans les grands moyens d’information.Sur quels leviers s’appuyer pour une réorientation de la construction européenne ?Francis Wurtz. Il faut faire sauter les blocages inscrits dans les traités actuels. Prenons l’exemple de l’actuelle crise financière. Aucun enseignement n’a été tiré. Les missions de la Banque centrale européenne restent inchangées. Aucune condition n’a été créée pour favoriser une économie moins dépendante des marchés financiers. De même, contrairement à ce que prétend Nicolas Sarkozy, il n’y a pas de « réorientation profonde » en ce qui concerne la concurrence. Rien ne vient entraver le dumping social et fiscal. Rien n’a été modifié dans le pacte de stabilité, comme l’ont demandé de nombreuses voix, pour soustraire du calcul des déficits les dépenses indispensables au développement, comme la formation, la santé, l’éducation, la recherche.Au contraire de cette logique, les citoyens attendent de l’Europe qu’elle les protège contre les effets de la mondialisation libérale. Et qu’elle se donne les moyens de porter, dans la mondialisation, un modèle social avancé et solidaire.Entretien réalisé par R. M.
Published by Didier HACQUART
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Parti Socialiste