J'avoue très humblement ne pas être un spécialiste de la question palestinienne. Le conflit Israël - Hamas, et la nécessité quelque part de se positionner sur un tel conflit, comme la fait le Parti de Gauche, mais aussi l'organisation syndicale à laquelle j'appartiens, m'a conduit à me documenter un peu plus que d'habitude.
J'ai apprécié l'édito de Marianne de cette semaine, qui me parait être un bon résumé.
A suivre...
DH
Israël - Hamas,la guerre ingagnable
par Maurice SZAFRAN de Marianne
Entre Noël et jour de l'an, le feu et la mort se sont donc, une fois de plus, abattus sur Gaza, cette bande de terre qui symbolise non pas seulement l'enfer dans la région maudite des monothéismes, mais une forme d'apocalypse sur Terre. La destruction, physique mais surtout spirituelle, d'un peuple cadenassé entre la mer, les infranchissables barrages israéliens et une frontière avec l'Egypte que le vieux président Hosni Moubarak ferme à double tour tant il redoute, avec raison, la maléfique influence du Hamas et des Frères musulmans. Un peuple, le peuple palestinien, crève sous nos yeux et le monde se tait, trop absorbé à dépaqueter les cadeaux de fin d'année. Tout cela, l'immense Amos Oz le sait.
Avec deux autres romanciers israéliens, David Grossman et Avraham B. Yehoshua, Oz, la conscience du mouvement pour la paix, Oz, qui, depuis 1967, depuis le premier jour de l'occupation clame qu'Israël perd sa substance et son âme en opprimant ses voisins, qu'il y a urgence, dans l'intérêt bien compris de tous, à édifier un Etat palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, Oz, une nouvelle fois, a pressé les deux parties à s'imposer un cessez-le-feu immédiat. Mais... Car il y a un mais : Oz, quelques jours auparavant, avait appelé à une opération militaire contre le Hamas. Oz avait soutenu les bombardements ordonnés par le ministre israélien de la Défense, le travailliste Ehoud Barak. C'était à n'y rien comprendre.
Dans un pays démocratique, quelques semaines avant des élections législatives où une droite nationaliste à la fois obtuse et machiavélique semble pouvoir triompher, notamment grâce aux roquettes que les islamistes du Hamas déversent à jets continus sur le sud d'Israël, l'opinion publique pèse lourd, très lourd. Les Israéliens exigeaient, dans leur immense majorité, que le Hamas, ses chefs politiques, son encadrement militaire et ses combattants soient châtiés au centuple. Si elle entendait encore écarter Benyamin Netanyahou du pouvoir, si elle prétendait rassurer les électeurs, si elle se refusait à disparaître dans le trou noir de la politique israélienne, la centriste Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, n'avait plus le choix : approuvée, soutenue - quel paradoxe de l'histoire - par Oz, Grossman.Yehoshua et la quasi-totalité du mouvement pour la paix, il lui fallait convaincre le gouvernement d'attaquer Gaza. Convaincre, car le Premier ministre par intérim, Ehoud Olmert, désormais libéré de toute contingence politique, n'y était pas favorable. Il savait pertinemment qu'une fois encore Israël allait s'aventurer dans une guerre paradoxale, une guerre « ingagnable », une guerre à l'issue improbable, une guerre qui saccagerait l'image d'Israël, qui réunirait dans la détestation de l'Etat juif les opinions publiques arabes. Terrible cynisme de la politique.
Aujourd'hui, après tant de morts, il faut poser « la » bonne question, la seule qui vaille : Israël, ses responsables politiques de droite et de gauche, son état-major militaire, ont-ils cru, un instant, pouvoir ainsi se débarrasser du Hamas ? La réponse est éclatante : non, évidemment non. Mieux que personne, les Israéliens savent à quel point le Hamas est désormais ancré au plus profond du peuple palestinien, dans ses mosquées, ses écoles, ses services sociaux. Le lien avec les islamistes n'a cessé de se renforcer, à Gaza comme en Cisjordanie. On ne gagne pas une guerre contre des lanceurs de roquettes adulés par leur peuple. Tôt ou tard, on négocie. Les Israéliens le savent, même Netanyahou.
Mais la logique du Hamas, et c'est toute la folie de cet affrontement aussi terrifiant qu'étrange, ne diffère guère de la logique... israélienne. Les chefs du Hamas s'imaginent-ils que leur guérilla finira par saper le fondement d'Israël ? Evidemment pas. Espèrent-ils user durablement Israël par les bombardements ? Pas davantage. Il aura suffi d'observer le Hamas ces dernières semaines pour comprendre que sa démarche est politique, radicalement et strictement politique. Pourquoi, à l'exclusion de ce défi politique, les islamistes ont-il refusé, avec une obstination sans pareille, la prolongation de la trêve ? Pourtant, l'Autorité palestinienne, celle de Mahmoud Abbas son ennemi juré, l'Egypte, l'Arabie saoudite, la Ligue arabe, les ont suppliés d'accepter. Pas question. Au contraire, le Hamas a rompu la trêve ; le Hamas s'est lancé dans une campagne échevelée de tirs de roquettes ; le Hamas a persisté alors qu'il savait qu'Israël n'avait plus le choix, qu'Israël allait cogner, fort, très fort, et que cela provoquerait des désastres dans la population palestinienne. Israël ne se fait aucune illusion : le Hamas sortira de cet affrontement à la fois diminué et intact. Les islamistes ne croient pas plus à l'efficacité de leur pluie de roquettes sur les civils israéliens. Alors, pourquoi ce déferlement de fer, de feu, de sang ? Chacun des protagonistes cache, sous ses proclamations patriotiques et ses lamentations victimaires, un scénario inavouable.
Le principal souci du Hamas ne réside pas en Israël. C'est à Ramallah, capitale de la Cisjordanie, qu'on peut le trouver. L'ennemi numéro un des islamistes n'est pas un juif israélien, c'est un Palestinien musulman, il a pour nom Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne que les dirigeants de Gaza cherchent depuis à renverser par tous les moyens. En figure du résistant inébranlable, le Hamas discrédite Abbas pour mieux se préparer à atteindre son ultime objectif : le contrôle politique sur l'ensemble de la Palestine. En cela, le Hamas se conduit comme un parti « normal ».
Israël, lui, est lié dans une alliance (pas si) secrète à la Jordanie, à l'Arabie Saoudite et, surtout, à l'Egypte. Ces trois pays arabes mènent une guerre de tous les instants contre l'islamisme jihadiste, ce qu'on appelle le terrorisme. Il leur faut, coûte que coûte, réduire la puissance et l'influence du Hamas. C'est pour eux une question de vie ou de mort. En coulisse, ils ont fait comprendre au gouvernement de Jérusalem qu'ils verraient d'un bon œil l'opération à laquelle nous assistons. L'axe militaire Le Caire-Jérusalem est apparu au grand jour lorsque la ministre des Affaires étrangères israélienne a rendu visite au président égyptien l'avant-veille du déclenchement des bombardements sur Gaza.
Les « grands » de ce monde magouillent leurs combines au prix du sang de leur peuple. Comme d'habitude.