Il y a quelques temps j'avais parlé de la nécessaire solidarité des salariés français avec ceux de DACIA en Roumanie. Le conflit est maintenant terminé. Il convenait de faire un point de la situation, sur cet évènement porteur d'espoir...
Par le réseau PRS13, merci Stéphane, j'ai récupéré cet article intéressant sur le sujet.
DH
A Pitesti, le printemps des peuples ?
Pendant quelques jours, fin mars début avril, la capitale de l'Europe n'a plus été la Banque centrale de Francfort, mais les usines Dacia qui fabriquent la Renault Logan, à Pitesti, dans le Sud de la Roumanie. Contre la fausse Europe du capital, s'est dessinée la vraie Europe du travail.
Le 11 avril, après 19 jours de grève totale, les ouvriers de Dacia ont gagné. 12.000 grévistes ont gagné contre la multinationale française Renault, qui s'était implantée en Roumanie précisément pour profiter des bas salaires.
Ceux-ci restent bas : la hausse arrachée, de 97 euros, représente un gros caddie de supermarché en France. C'est le tiers des salaires des ouvriers roumains de Dacia, auquel il faut ajouter une prime momentanée d'environ un mois de salaire. La revendication était bien sûr plus élevée, mais le résultat clef de la grève est moral et politique : c'est l'union grandissante des travailleurs, en Roumanie et en Europe.
Une fois la décision de reprendre le travail prise, 2000 ouvriers ont fait un "baroud d'honneur" en manifestant au centre-ville de Pitesti -les usines forment une sorte de seconde ville, à vingt kilomètres- devant les magasins de luxe réinstallés dans les immeubles "socialistes" du temps de Ceaucescu, sous une banderole disant: Roumanie réveille-toi, nous ne voulons pas être esclaves dans l'Union Européenne !
Les grévistes ont résisté aux menaces de la multinationale qui a évoqué la délocalisation de ses productions de la Roumanie vers la Russie et le Maroc, aux provocations et agressions les plus variées, à un long black out médiatique européen, et à la tentative de faire déclarer leur grève illégale.
Arrêtons-nous un instant sur ce dernier aspect : c'est bien entendu le rapport des forces et le soutien à la grève dans la population qui ont poussé le tribunal de Pitesti à admettre la "légalité" de la grève, mais c'est cette décision judiciaire qui a constitué le coup de grâce aux patrons. Selon la loi roumaine, législation antigrève qui cumule l'héritage du régime stalinien d'avant la révolution de 1989 et les volontés de l'Union Européenne, pour être légale une grève doit avoir l' "adhésion" immédiate de la majorité absolue du personnel et faire suite à de longues "négociations" que les patrons peuvent toujours faire traîner en longueur, avec des syndicats qui soit n'existent pas, soit sont clandestins, soit sont à la botte du patron. En commençant dans les faits à casser les lois anti-grèves, la grève de la Logan a bouleversé ces relations et ouvre assurément une époque de montée ouvrière dans le pays, voire dans la région.
Enfin, dans la dernière phase de la grève, la solidarité syndicale européenne est devenue concrète. Là encore ce sont les ouvriers de Dacia qui sont allés la chercher, eux-mêmes et par eux-mêmes, en envoyant une forte délégation à la manifestation organisée sous l'égide de la CES (Confédération Européenne des Syndicats) à Ljubliana en Slovénie, pour des hausses de salaires, le 5 avril. Début avril, la CGT des usines Renault en France a commencé à organiser des collectes de solidarité, a distribué un tract très clair sur le thème Même patron, même combat, a envoyé un délégué sur place accompagné d'un délégué CFDT.
Après avoir fait le silence, les médias ont la tentation de folkloriser ce qui vient de se passer, en en faisant une péripétie "balkanique", mais c'est impossible : c'est bien dans toute l'Europe que montent les revendications salariales, mais c'est dans le monde entier que toutes les hausses de salaires arrachées par les luttes des travailleurs sont mangées par la hausse des prix de la nourriture, des carburants et des loyers.