Laurent FABIUS fait sa rentrée politique. Vous trouverez le texte intégral du discours qu’il a prononcé lors de la journée nationale d’échanges et de réflexions de Rassembler à gauche, à Paris.
Il est classé parfois « ringard », traité « d’éléphant », mais assurément il a une vraie réflexion politique, que l’on soit d’accord ou pas avec lui.
A suivre…
DH
Reconstruire, par Laurent FABIUS
Le 29 septembre 2007
Chers Amis, Chers camarades,
Je commencerai par une anecdote qu’on m’a rapportée récemment. Un des dirigeants du Parti Socialiste est à son bureau. Le téléphone sonne. « Comment vas-tu ? » demande son correspondant. « Ca va très très bien », répond le dirigeant socialiste. « Ah bon, tu n’es pas seul ! Rappelle-moi quand tu pourras parler librement... » Librement et amicalement, c’est ainsi que nous avons échangé aujourd’hui, par-delà les chapelles et les querelles. Librement, c’est ainsi que je veux m’adresser à vous et, à travers vous, à nos concitoyens.
Cinq mois après la victoire de N. Sarkozy et la défaite de S. Royal, notre pays voudrait croire à une amélioration, mais nos concitoyens commencent à constater les faits et doutent en profondeur. Beaucoup de dirigeants socialistes, eux, sont déboussolés. Quant aux militants et aux sympathisants de gauche, comme vous, ils veulent se battre. Ils veulent une opposition active, responsable cela va de soi, capable non seulement de critiquer une méthode ou un calendrier mais de dénoncer avec force le contenu de la politique gouvernementale et de contre-proposer. Qu’entend-on partout ? « Il faut ré-no-ver ». Nous sommes, bien sûr, tous d’accord avec cette aspiration rénovatrice. Mais il faut beaucoup plus : en réalité, et c’est le sens de notre rencontre aujourd’hui et de celles qui suivront, l’urgence est à la reconstruction. Nous avons besoin de déconstruire la droite et de reconstruire la gauche. Nous devons être, nous sommes des reconstructeurs.
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Face à nous, le Président de la République a une stratégie précise.
Au départ, c’est la fameuse et fausse théorie du « choc de confiance ». L’idée martelée que, grâce notamment à près de 15 milliards d’euros de transferts fiscaux en faveur surtout des plus riches, 100 milliards de francs chaque année, grâce à l’affichage énergique d’une volonté de rupture, la croissance repartira automatiquement, l’emploi et le pouvoir d’achat avec. Le problème, c’est que cette stratégie utilise des moyens injustes et qu’elle est contredite par les faits. Au point que l’on est en train de s’apercevoir que le "paquet fiscal" de la droite pourrait bien devenir le "boulet fiscal" de la France.
Pouvoir d’achat érodé, prévisions de croissance gonflées, déficit commercial rouge foncé, déficits budgétaire et social encore plus élevés qu’annoncés : cet illusionnisme sent la fuite en avant pour aujourd’hui et le plan d’austérité pour demain.
"Le réel, disait le psychanalyste Lacan, c’est quand on se cogne". Et bien la droite va se cogner au réel. Elle sera confrontée, c’est pour les prochains mois, à un "contre choc de méfiance". Elle allumera des contre-feux. Pour réduire le plus possible les interventions et services publics, puisque c’est son obsession idéologique, elle invoquera, elle évoque déjà la montée de l’individualisme : comme si le recours au collectif était contradictoire avec la satisfaction des individus ! Elle tentera de diviser les fonctionnaires, en leur promettant une ristourne si les postes de leurs collègues sont supprimés, si elle parvient à ses fins. Il y aura bien au bout du compte moins de fonctionnaires et pas mieux payés. Les Français en général pourront "gagner plus s’ils travaillent plus" ? Non, il faudra travailler plus sans gagner plus ; souvent même, on devra travailler plus et plus longtemps, pour finir par gagner moins, en salaire, en retraite et, une fois toutes les ponctions opérées, en pouvoir d’achat. Le SMIC sera remis en cause, le contrat de travail aussi puisque, dans cette conception, l’avancée économique ne peut exister que par le recul du social. Quant à l’Europe, elle sera à la fois courtisée et accusée de tous les maux pour excuser les échecs gouvernementaux.
La politique gagnante pour la France, ce n’est pas cela. Ce n’est pas de favoriser les plus aisés et de ponctionner les autres. La mesure de toute chose dans la société, ce ne peut pas être seulement l’argent. Notre vision, notre projet sont différents. C’est la priorité donnée à l’éducation et à la culture, au lieu de les amputer, à la recherche au lieu d’agir petit bras, à l’innovation et à l’investissement au lieu de la rente, à la personne humaine. C’est un Etat qui se remet en cause en corrigeant les inégalités au lieu de les creuser. Ce sont des collectivités locales stimulées et non pressurées. C’est une Sécurité Sociale consolidée et non pas amputée pour faire place aux assurances privées. Ce sont le logement et la sécurité améliorés. C’est la construction d’une Europe plus sociale, plus écologique, plus démocratique. C’est l’indépendance à l’égard de toutes les puissances, y compris les Etats-Unis. Disons-le tranquillement, mais disons-le clairement.
La France possède des atouts : notre productivité, notre démographie, notre qualité de main d’œuvre, nos services publics, notre géographie, mais notre pays a besoin de réformes profondes, justes, concertées. Nous avons besoin de renforcer l’offre des entreprises, en particulier les PME, sans amputer le pouvoir d’achat. D’où l’absurdité injuste de mesures telles que la taxation médicale, les hausses de prix tous azimuts, l’augmentation de la TVA (rebaptisée maintenant - jusqu’où va l’invention sémantique ! - « TVA pouvoir d’achat » !) et divers reculs sociaux intervenus ou programmés, contre lesquels il va falloir mobiliser. Nous avons besoin de rassembler le pays dans un effort de dynamisation, de réforme et de justice, plutôt que d’opposer les catégories entre elles : jeunes contre vieux, centre villes contre quartiers, travailleurs contre chômeurs, nationaux contre étrangers, salariés du public contre secteur privé. Nous avons besoin d’une politique de résultats plutôt que d’une politique de médias.
Je mentionne les médias parce que leur maniement joue un rôle majeur dans la stratégie présidentielle. Là aussi, il nous faut déconstruire sérieusement la méthode. Premier temps : le pouvoir sélectionne divers thèmes, en fonction notamment des sondages, pour que le Président les investisse. Deuxième temps : un des thèmes est retenu, on met alors en scène l’implication personnelle du chef de l’Etat, on mesure l’impact sur l’opinion, on poursuit si c’est positif, sinon on change aussitôt de thème. Le bombardement médiatique est si puissant et le tournoiement des thèmes si rapide que, malgré le courage de beaucoup de journalistes, les médias et l’opinion ont réduits au rôle de suiveurs. Le but est d’éviter à tout prix le temps de l’analyse critique des faits.
L’utilisation systématique de l’émotionnel et du compassionnel vient en renfort. Face à une catastrophe, à un fait divers, à la douleur, chacun est touché. On se dit : "et si c’était ma famille ? Mes proches ?" Parfois, on participe à une action de solidarité. Mais on reste discret. Par décence. Là, c’est l’inverse : la compassion d’Etat est érigée en méthode de gouvernement. Après chaque fait divers retentissant, un ministre annonce une nouvelle loi alors qu’il devrait d’abord faire appliquer celles qui existent. Pendant ce temps, l’opium fait son effet : on ne s’interroge ni sur les causes, ni sur les vraies solutions. Déjà, on zappe et on passe à autre chose. Seuls comptent les images et les sondages.
Tout est organisé pour favoriser cette stratégie. Aujourd’hui, vous le savez sans doute, l’expression du Président de la République dans les médias audiovisuels n’est pas décomptée. Le gouvernement, la majorité, l’opposition, oui ; le Président, non ! Or le vrai chef de l’exécutif et de la majorité, plus encore que dans le passé, c’est lui. Il serait donc normal, comme cela a été demandé, que son temps d’intervention audiovisuelle et celui de ses collaborateurs soient désormais comptabilisés, et que soit accordé un temps équivalent à la majorité et à l’opposition. Un texte devrait le prévoir. Ce texte court, j’ai même commencé à l’écrire. « L’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion est une des conditions de la démocratie. Afin d’en assurer le respect, les radios et les télévisions doivent comporter dans leur programme un équilibre entre trois temps d’intervention et assurer des conditions de programmation comparables : celui du Président de la République, de ses collaborateurs et des membres du gouvernement, celui des personnalités appartenant à la majorité parlementaire, celui des personnalités de l’opposition ». Je souhaite qu’un article de ce type sur la démocratie médiatique soit inscrit dans la Constitution. Cet aspect est devenu plus décisif pour l’équilibre des pouvoirs que beaucoup de subtilités juridiques dont on discute. Je propose l’adjonction de ce texte et je propose d’en faire un des éléments déterminants de notre vote sur la réforme des institutions.
La tactique dite « d’ouverture » complète enfin la stratégie présidentielle. Ont été convaincues d’entrer au gouvernement - sans trop de mal, semble-t-il - des personnalités anciennement classées à gauche. Il n’a pas été question - ce qui aurait constitué une vraie « ouverture » - de modifier le contenu de la politique de la majorité afin de tenir compte de l’opposition. Non : il s’agit exactement du contraire. Il s’agit d’essayer de disqualifier la gauche en prétendant que la politique de la droite recueille désormais l’assentiment général. Comment qualifier ces transfuges ? Pour moi, c’est une sorte de « club des papillons ». Car, au-delà de leur diversité, ils me semblent présenter deux caractéristiques communes : être attirés par la lumière et voleter de conviction en conviction - comme les papillons volètent de support en support. Le PS a hésité sur l’attitude à adopter. Elle est pourtant simple. Dans les instances, commissions et procédures de la République, nous devons occuper toute notre place ; en revanche nous devons refuser toute participation directe ou indirecte à l’exécutif. La démocratie, c’est d’abord la clarté.
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Déconstruire la droite, reconstruire la gauche. Pour cela, il faut ne pas tout mélanger, les valeurs, les propositions, la stratégie.
Nos valeurs, nous devons les revendiquer. Elles n’ont pas pris une ride. L’exigence d’égalité, qui constitue le ciment de la gauche, reste pour nous centrale notamment dans la mondialisation financière qui charrie tant d’inégalités et d’injustices. La liberté n’existe pas s’il n’y a pas d’égalité, face aux pressions et oppressions de toutes sortes - et je veux dire notre haut le cœur devant la répression de la « révolution Safran » par les criminels du régime militaire birman. La solidarité est aussi une de nos valeurs fortes, au sein de notre pays comme avec les autres (c’est cela l’internationalisme), ainsi qu’avec les générations futures (cela s’appelle le vrai développement durable). Car il ne s’agit plus seulement pour la gauche de changer le monde mais de sauver le monde... en le changeant. La laïcité enfin, valeur-trésor en réplique aux intégrismes de tous bords. Les voilà les valeurs de la gauche, bien plus en phase que la dérèglementation, la financiarisation ou l’ultralibéralisme chers à la droite si on veut faire face aux défis contemporains. Il faut défendre ces valeurs, ne pas en avoir honte, ne pas baisser la tête mais les populariser, les revendiquer. Il faut une gauche décomplexée.
Certains de nos propositions concrètes, elles, devront parfois s’adapter. Car le monde a changé. Quand la France souffre comme aujourd’hui d’un décrochage manifeste de croissance par rapport à ses principaux concurrents, la question de l’innovation et de la compétitivité doit être précisément traitée. Quand le système de production et d’échanges est transformé en un gigantesque Monopoly où les entreprises s’achètent et se vendent en un clic, où les salariés sont des variables d’ajustement, où le stress frappe au point de pousser à l’irréparable, le défi de la régulation publique doit être relevé. Quand la situation des comptes publics est grave et que le pouvoir fait de la cavalerie financière, on doit réagir : par exemple, dans la position actuelle de notre pays il faut dire qu’il n’est pas sérieux d’opérer une baisse massive de recettes publiques si elle n’est pas compensée par des ressources équivalentes. L’expérience aussi nous a marqués. Par exemple, la politique environnementale qui, pour nous, convenons-en, a longtemps été périphérique doit devenir essentielle. Puisqu’un Grenelle de l’Environnement se prépare, puisque le risque n°1 est le dérèglement climatique lié au gaz carbonique, je souhaite que nous placions désormais au cœur de nos propositions concrètes une pollutaxe climat énergie, dissuadant particulièrement les émissions de CO2. De même, nous devons apporter des réponses nouvelles aux questions liées à l’allongement de la durée de la vie, la santé, la dépendance, les retraites : pour garantir celles-ci, je souhaite que, là où la droite fait reposer tous les efforts sur les revenus du travail, nous proposions que les revenus du capital soient également soumis à contribution. Proposons concrètement à gauche et proposons moderne.
Il faut enfin clarifier notre stratégie. Elle reste confuse à l’approche des élections municipales. Alors, précisons. Nous sommes pour le rassemblement à gauche ; nous n’écartons pas par principe de ce rassemblement des personnes ou des forces qui ne s’y trouvaient pas auparavant mais à la condition incontournable qu’existe une cohérence politique. Cohérence nationale, c’est-à-dire refus des accords à la carte. Cohérence de projet, c’est-à-dire affirmation d’objectifs nationaux et locaux communs avec ces partenaires et d’abord le rejet de la politique économique, sociale et fiscale actuelle. Force est de reconnaître que cette cohérence n’existe pas aujourd’hui. Toute autre attitude nous transformerait en un simple mouvement opportuniste avec à terme à la clé de sérieuses déconvenues électorales.
Revendiquer nos valeurs, adapter nos propositions concrètes, clarifier notre stratégie : voilà le chemin pour reconstruire. C’est un parti socialiste à 35 % des voix au premier tour qu’il faut bâtir, un parti diversifié dans son recrutement et ses dirigeants, en phase avec les associations et les syndicats, sachant écouter ses élus locaux mais aussi les fédérer. Un parti qui fasse l’amalgame entre l’expérience et le renouvellement. Un parti à la fois protestataire et gestionnaire. Un parti socialiste qui sera - chacun de ces termes compte - internationaliste, alter-européen, écologiste, éducationnel, paritaire, pour répondre aux grands défis du nouveau siècle. Quand je réfléchis à plus long terme, j’ai même à l’esprit un mouvement rassemblant encore plus largement que le PS aujourd’hui les sensibilités de la gauche, un mouvement socialiste et progressiste. C’est dans cette perspective de l’unité la plus large qu’il faut reconstruire. J’entends parfois parler de « nouvel Epinay ». Pourquoi pas à condition qu’on se souvienne qu’à Epinay François Mitterrand avait conçu comme un tout indissociable la reconstruction du parti socialiste et son ancrage déterminé à gauche.
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Deux remarques avant de conclure.
L’accumulation des déficits et des dettes, l’abondance des promesses fallacieuses, l’ampleur des problèmes vécus par les Français, tout cela me conduit à penser que, mise en difficulté par les faits, la droite cherchera à regagner sur un autre terrain sa popularité menacée. Ce terrain, ce pourrait être d’essayer de nous piéger en concentrant le débat sur la façon d’être plutôt que sur les résultats de l’action. Ne tombons pas dans ce piège Ce terrain, ce pourrait être aussi, de façon plus précise, l’immigration. Là aussi, je propose que nous soyons clairs. Quatre lois de la droite en quatre ans ! Le ministère de l’identité nationale, la traque des enfants de sans papiers et maintenant les scandaleux tests ADN, contraires à notre droit de la bioéthique, contraires à notre approche de la famille et à mon sens contraires aux principes de la Constitution. Cela suffit ! Et pourtant, l’évocation de quotas d’immigrés par métiers et par régions discutés annuellement par le Parlement constitue la dernière trouvaille gouvernementale. Du pain bénit pour un pouvoir qui n’oublie pas ce qu’il doit aux voix d’extrême droite ! Pensez donc : chaque année un débat serait organisé au Parlement sur l’ampleur des quotas d’immigrés ! Comme si pour certains l’immigration était moins une question qu’un filon ! Or voici qu’un certain nombre de socialistes tombent dans le panneau. Et bien, au nom même de nos valeurs et de notre souci d’efficacité, nous devons répondre. L’immigration ne doit pas être pas une braise sur laquelle le pouvoir souffle lorsqu’il se révèle défaillant, c’est une question sérieuse qui doit être traitée sérieusement, c’est une question humaine qui doit être traitée humainement, c’est une question européenne et sur laquelle je souhaite notre mobilisation.
La reconstruction du Parti socialiste et la réussite de nos propositions alternatives passent enfin par une réflexion lucide sur l’Europe. Débat riche. D’ici quelques mois, lorsque le texte en aura été complètement écrit, nous aurons à nous déterminer sur le traité constitutionnel « corrigé ». Nous n’avons oublié ni les arguments échangés de part et d’autre, ni la consultation populaire. Mais de grâce, ne nous enfermons pas dans la seule problématique institutionnelle ! Ne dispersons pas nos forces dans la mécanique procédurale ! Ce dont l’Europe a besoin, c’est surtout d’un cap et d’une stratégie. Nous devons partir d’une donnée économique nouvelle : l’affirmation des pays émergents, dont le réservoir de main d’œuvre est quasi-illimité et la force de frappe économique, financière et même technologique désormais considérable, alors que l’Europe cultive souvent une vision irénique de la mondialisation. Intégrons une autre donnée, politique : les principaux acteurs de la scène internationale ne sont plus ceux du concert européen des nations, Etats-Unis en plus. Désormais le libéral-communisme de la Chine, la puissance énergétique de la Russie, la multitude démocratique de l’Inde, le Brésil, l’Iran, d’autres s’imposent comme des acteurs clefs. Face à ces réalités, l’Europe doit être plus audacieuse et moins naïve. Face aux dumpings chinois ou autres, pourquoi serions-nous un continent passoire ? Face à la crise financière venue des Etats-Unis, pourquoi la Banque centrale européenne est-elle moins active que la Réserve fédérale ? Face à l’affaiblissement des ressources en pétrole ou en gaz, pourquoi la Commission européenne semble-t-elle parfois s’ingénier à favoriser la vente à la découpe de nos grands groupes ? Beaucoup d’entre nous ont été critiqués dans le passé pour avoir proposé que l’Union Européenne soit à la fois offensive et défensive, à travers sa monnaie, sa politique commerciale et de concurrence, l’harmonisation fiscale plutôt que le dumping généralisé, l’exigence de réciprocité des normes sociales et environnementales. Je crois comprendre que les préventions contre ces thèses commencent de reculer ? Affirmer sans arrogance la souveraineté européenne, ce n’est pas être protectionniste. Mais nous devons aussi être offensifs. Proposer par exemple une Communauté européenne de la Recherche et de l’Innovation, ces deux matières premières du futur, Communauté qui pourrait constituer la première « coopération renforcée » effectivement mise en place, notamment avec les pays de l’Euro. C’est une idée forte et neuve. J’espère qu’elle sera reprise par la France lors de sa présidence de l’Union.
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Chers amis, j’ai été plutôt silencieux ces derniers mois car je voulais laisser le pouvoir « faire ses preuves ». Dans la période qui vient, je ne souhaite pas me mêler aux luttes intestines et souvent fratricides. En revanche je ferai entendre ma voix dans le débat politique de fond, pour une gauche décomplexée, moderne, fidèle à ses valeurs et rassembleuse. J’ai pris des positions ces dernières années, je les assume. Beaucoup d’entre vous ont partagé ces choix. Personne n’est infaillible mais lorsque nous regardons le chemin parcouru, que voyons-nous ? Il n’était pas inutile, me semble-t-il, comme je l’ai fait il y a déjà assez longtemps de proposer le premier aux socialistes le terme et le contenu de la « social-écologie », en insistant sur le caractère transversal et non pas latéral que devait avoir la préoccupation de l’environnement. Il n’était pas superflu plus récemment, face à la montée des communautarismes, d’exiger un coup d’arrêt sur les signes religieux à l’école, qui fut à l’origine de la loi laïque que l’on sait. Il était significatif de proposer de mettre au cœur de nos débats la question des délocalisations, de montrer qu’elles étaient une réalité et non un fantasme, qu’elles appelleraient une riposte d’ampleur à tous les échelons et non des rustines. Il était audacieux il y a deux ans, quand la question fut posée à tous les Français, de refuser au nom de l’Europe sociale que soient gravées dans le marbre d’une Constitution la politique monétaire de la Banque centrale européenne et le primat de la concurrence libre et non faussée, politiques désormais jugées contre-productives par beaucoup. Et il ne fut tout à fait inutile, il y a quatre mois, entre les deux tours des législatives, de débusquer la volonté gouvernementale de financer ses déficits par l’augmentation de la TVA. Ces positions ne nous ont pas valu que des soutiens sur le moment, mais elles ont une cohérence : la conviction qu’est juste, efficace, moderne pour notre pays et pour l’Europe ce qui permet une meilleure régulation collective dans l’espace et dans le temps plutôt que ce qui la détruit. C’est donc une certaine idée de la gauche, de la France et de l’Europe. Je compte la faire vivre dans les grands débats de demain.
J’ai utilisé à cet égard l’expression de « sage actif ». Certains ont retenu la notion de « sage » et oublié en chemin « l’actif ». Mieux vaut sans doute inverser l’ordre des termes : je serai donc un « actif sage », un responsable engagé qui vous demande d’être engagés.
Qu’on ne compte pas sur moi pour disputer la coupe de France des people ou le championnat d’Europe des paillettes. Ce n’est pas ma conception de la politique, ni mon tempérament. En revanche, je suis d’accord pour la solidité, la crédibilité et la solidarité ; d’ailleurs dans le monde qui vient et sur la durée, existe-t-il une autre voie pour assurer à son pays un vrai progrès ?
Chers amis, Chers camarades, il s’agit ensemble de reconstruire pour reconquérir. Je suis en unité de pensée et d’espérance avec vous et avec des millions de nos concitoyens. Bon travail.