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Pour mieux connaitre  l’histoire politique de Vitrolles, gérée pendant 5 années (1997 - 2002) par l'extrême droite et le couple Bruno et Catherine MEGRET, plus de 200 articles de presse sont à votre disposition (colonne de droite, rubrique "thèmes" sur ce blog). A l'heure de la banalisation de l'extrême droite, un devoir de mémoire s'impose avec l'expérience vécue à  Vitrolles.

Cette histoire politique est désormais complétée par des vidéos que vous pouvez retrouver dans le thème "l'histoire politique de Vitrolles en vidéo", dans la colonne de droite. Cette rubrique sera renseignée au fil du temps.

@ DH
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:52


Catherine Mégret et les méchants gauchistes

 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 8 février 2001.

 

" Je veux poursuivre mon combat contre l’injustice. " Des paroles plus que surprenantes dans la bouche de Catherine Mégret, la maire de Vitrolles.

 

Aurait-elle décidé de plaquer son mari et les idées du MNR par la même occasion ? Qu’on se rassure, les injustices pour les Megret, ce sont les sondages. Donnée perdante, elle assure que les enquêtes sont " faussées " par ses " adversaires gauchistes ". Ces hommes et femmes au couteau entre les dents sont tellement méchants que les Vitrollais " ont peur de dire pour qui ils votent ", explique madame la maire, avant de conclure : " On est plus chez soi en France. " Un grand classique de l’extrême droite, que les Vitrollais pourraient rapidement transformer en " les Mégret ne sont plus chez eux à Vitrolles ".

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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:50


Marignane: le dortoir abandonné

 

Le vote pied-noir sera déterminant



Le glissement de la droite vers l'extrême-droite s'est fait sans qu'on y prenne garde. Et depuis, rien n'a été tenté par les partis pour déloger Daniel Simonpieri

 

La France politique se moque-t-elle du sort de Marignane? Les rares représentants associatifs de la ville en sont convaincus. Comme si le drame de Marignane n'était pas seulement lié à la présence d'un maire d'extrême-droite mais surtout à l'indifférence dont est victime cette commune de 35000 habitants, cité-dortoir de la middle class des Bouches-du-Rhône et capitale des pieds-noirs.

 

Dans les années 80, Laurens Deleuil, âgé aujourd'hui de 82 ans, ancien maire divers-droite de la commune de 1947 à 1995, a voulu trouver un arrangement avec le FN. A ce petit jeu, c'est Daniel Simonpieri qui a gagné. "On me dit que j'ai fait le lit de l'extrême-droite. Moi, j'ai passé ma vie à casser du rouge autour de l'étang de Berre. Oui, je suis heureux d'avoir permis à Marignane de ne pas être dirigée par le PC", dit Laurens Deleuil. La droite locale, elle, regarde ailleurs. Elle dispose a priori de meilleurs atouts que la gauche pour récupérer la ville. Mais les conditions d'une alternative ne sont pas mises en place. Ici, la transition entre Simonpieri et Deleuil s'est faite sans douleur. Quand la droite s'est réveillée, il était trop tard. C'est Guy Martin (DL) qui ira au charbon en mars 2001.

 

Représente-t-il le renouveau? En 1995, la droite avait offert la ville sur un plateau à Simonpieri en maintenant deux de ses représentants au deuxième tour: Guy Martin était dans le coup. En 1989, il comptait déjà 17 encartés FN sur sa liste. Depuis, l'homme a changé au point de devenir la bête noire de Simonpieri. Mais il aura du mal à faire croire que la droite a enfin décidé de faire de Marignane une priorité.

 

Quand Michèle Alliot-Marie se rend dans le département pour donner un coup de pouce à Christian Rossi, le candidat de la droite à Vitrolles, elle oublie Marignane sur son trajet provençal. Un tel manque de combativité conforte la rumeur selon laquelle Simonpieri - qui a quitté Le Pen pour Mégret - livre son dernier combat sous les couleurs du MNR avant de rallier un parti de droite, sans doute le RPR, habitué, depuis la récupération du maire de Nice, Jacques Peyrat, à jouer la carte du recyclage des élus d'extrême-droite.

 

A gauche, la Verte Nadège Audoucet a été désignée par les siens et a obtenu le soutien des communistes. Les socialistes ont décidé de faire liste commune avec le Mouvement des Citoyens et le Parti radical de Gauche, le candidat socialiste Jean-Louis Parrenin, industriel local et secrétaire de section, refusant de se ranger sous la bannière des Verts. On avance donc dans le brouillard.

 

Les directions nationales ont visiblement fait une croix sur Marignane, qui vivote, le seul bilan de Simonpieri relevant de la classique autoglorification fiscale propre aux maires d'extrême-droite. Pourra-t-il toujours compter sur un vote pied-noir influent, représentant environ le tiers de l'électorat marignanais? En 1962, Laurens Deleuil a su accueillir cette communauté à bras ouverts. Mais, ici, les rapatriés d'Algérie ont préparé "Jean-Marie". Et en 1995, à travers Simonpieri, ils ont voté Le Pen. Ce dernier a assuré que le Front national rendra la vie difficile au MNR pour les élections municipales. Dans ce sinistre imbroglio, ce sera aux Marignanais seuls de choisir.

 

Choisir de donner quitus à un homme qui, jeune sportif, prenait sa douche après les matchs de handball en exhibant une croix gammée à son cou. Un homme qui laisse un de ses adjoints dire que la seule solution pour régler l'épineux problème des gens du voyage est de mettre en place des camps départementaux. Un maire qui salue la foule en brandissant les trois doigts, symbole de l'hommage des partis d'extrême-droite européens au IIIe Reich, et se précipite dans les bras de la ville italienne de Chieti alors que cette dernière vient de tomber dans l'escarcelle du MSI italien, pour y signer un accord de jumelage... Simonpieri ou l'alternative républicaine. Avec, en filigrane, la plaie de la guerre d'Algérie. L'horizon de mars 2001 est loin d'être dégagé à Marignane.


Stéphane Menu

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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:49


La culture de la fermeture

 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 17 février 2001.

 

De notre envoyé spécial.

 

Quand Mme Mégret entend le mot culture, elle sort sa fermeture. Régine Juin en est témoin. À l’arrivée des Mégret à l’hôtel de ville, elle occupait le poste de directrice du cinéma depuis 1986. " De février à juin 1997, je n’ai eu aucune nouvelle de la nouvelle équipe municipale. " Et puis... " Moi, je continuais mon travail comme d’habitude. Un jour, nous avons programmé une série de courts métrages autour du thème l’amour est à réinventer ." L’un d’eux portait sur le SIDA dans la communauté homosexuelle. Ce film avait déjà été diffusé dans plein de salles à travers la France. Deux jours avant, l’élue à la culture m’a demandé d’annuler. J’ai refusé. La soirée s’est déroulée avec la participation du réalisateur Philippe Faucon (qui vient de sortir Samia). Tout s’est bien passé. J’ai alors été convoquée puis licenciée par le premier adjoint, Hubert Fayard. Motif : " refus d’obtempérer. Depuis j’ai gagné tous mes procès contre eux ". Maigre consolation au regard de l’immense gâchis. Un an après le licenciement de sa directrice, le cinéma avait perdu 60 % de ses entrées. Décision de la mairie : fermeture. " Ils n’ont pas su faire marcher le cinéma, comme ils n’ont rien su faire marcher. Une ville de 40 000 habitants sans cinéma, c’est unique en France ", s’insurge Régine Juin. Aujourd’hui, la réouverture du cinéma fait partie, selon les sondages, des priorités des Vitrollais comme des candidats, à l’exception de... Catherine Mégret.

 

La chanteuse et fondatrice de l’association Midi Chansons (création, formation et diffusion de la chanson d’expression française et méditerranéenne) Leïla Chalane a failli connaître le même genre de mésaventures. Mais pas tout de suite. La première année, la subvention a été reconduite. " Ils ont dû voir "chanson française", et cela leur a suffit. Puis ils ont compris que nos objectifs ne correspondaient vraiment pas aux leurs. " Alors : fermeture. En 1999, la mairie met fin à la convention et prive l’association des locaux municipaux mis à sa disposition depuis des années. Protestation, mobilisation... " Dans l’après-midi même, ils nous ont relogés. Ils ont eu peur que l’affaire monte vite ".

 

Leïla Chalane se souvient qu’après l’élection de Mégret " nous avons décidé avec Pierre Grimaldi (autre fondateur décédé depuis) de rester à Vitrolles, car c’est à ce moment-là que les gens avaient besoin de nous ". Aujourd’hui, elle célèbre " son premier engagement politique " comme candidate aux côtés d’Alain Hayot.

 

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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:48

Vitrolles : chronique d’une libération annoncée
 
 

Article paru dans l'édition du 17 février 2001.

 

La gauche, qui présente deux listes au premier tour, semble en passe de " débarquer " l’extrême droite de l’hôtel de ville.

 
De notre envoyé spécial à Vitrolles
 

Vendredi 9 février, 10 h 25, marché des Pins, Vitrolles. Derrière une horde de gardes du corps à la mine patibulaire, on devine Catherine Mégret, tailleur rouge, sourire niais, et Bruno Mégret, gabardine beige, sourire noir.

 

" Trente-cinq jours avant la libération de Vitrolles ". C’est écrit au marqueur bleu sur un tableau, dans le local de campagne d’Alain Hayot. Comme un compte à rebours : 34, 33, 32... Ce samedi 17 février, à trois semaines du scrutin, cela semble écrit également dans les sondages (1). Au second tour, dans tous les cas de figures (duel ou triangulaire), Catherine Mégret est battue, quel que soit le candidat de gauche présent (2). Car c’est bien la gauche, défaite, humiliée en février 1997, qui semble en passe de " faire tomber " l’extrême droite. Mais attention !

 

Coincée entre Marseille et Aix d’un côté, les falaises et l’étang de Berre de l’autre, coupée par l’autoroute A7, Vitrolles, la " ville nouvelle " rattrapée par le chômage et consorts, vit encore en partie dans ce " syndrome du bunker " qui l’avait conduit à se livrer en 1997 - à la majorité absolue, fait unique en France - au Front national et au couple Mégret.

 

La liste Catherine Mégret (Bruno Mégret se présente, lui, à Marseille, en compagnie de l’ancien premier adjoint de Vitrolles, Hubert Fayard) est encore créditée de près d’un tiers des intentions de vote, tandis que 30 % des personnes interrogées n’ont pas voulu répondre ou préciser leur choix.

 

Attention, donc ! " Il n’y a pas de rejet massif de l’extrême droite ", avertit Alain Hayot, universitaire, vice-président communiste du conseil régional, qui conduit la liste Vitrolles Plurielle et Citoyenne. " L’élection n’est pas encore gagnée. Le score de Mégret reste très fort ", tempère lui aussi, Dominique Tichadou, médecin et tête de liste PS.

 

La gauche donnée gagnante dans cette ville symbole, mais la gauche divisée, c’est à n’y rien comprendre. Divisée pourquoi, au fait ? Chacun a son interprétation et rejette la responsabilité sur l’autre. En fait, les problèmes ont commencé lorsque l’idée est venue au sein de la gauche plurielle de régler le cas des villes détenues par le FN ou le MNR (outre Vitrolles, Toulon, Orange et Marignane) d’un bloc et séparément de l’accord national. Problème : après un rapide tour de piste, le Parti socialiste revendique les quatre têtes de liste.

 

À Vitrolles, le PS accuse le PCF de vouloir " rafler la mise de l’après-1997 ". Ce dernier dénonce les tentations hégémoniques du premier. À défaut de se mettre d’accord sur une tête de liste unique, il y en aura deux. Mais chacun glisse (plus ou moins) vite sur le passé pour aller à l’essentiel. Alain Hayot, à la tête d’une " liste citoyenne " où se retrouvent des militants politiques (PC-PS-Verts) et des militants associatifs de Convergences (jeunes issus de l’immigration), du Mouvement démocratique vitrollais ou de Ras l’Front : " La gauche se trouve en très bonne position pour gagner. Notre liste est la seule qui soit dans une dynamique. C’est grâce à elle que la gauche progresse. " Alain Hayot, investi lors des assises citoyennes (structure réunissant formations politiques, associations et citoyens) en octobre 2000, peut se prévaloir d’une dynamique certaine : entre 16 et 20 % dans les sondages, contre 7 % aux municipales de 1997 et 14 % aux cantonales de 1998. De plus, les enquêtes d’opinion indiquent un " carton " chez les 18-24 ans : premier candidat avec 34 % des intentions de vote.

 

Si Hayot parie sur la dynamique, Dominique Tichadou, le leader de la liste PS-Verts-PRG-MDC, cultive sa légitimité. " Je suis le conseiller général du canton qui recoupe exactement la ville... ". Ce constat fait, Dominique Tichadou s’amuse souvent à placer quelques petites piques à son concurrent de gauche, tire la leçon fondamentale de ces sondages : " Le seul combat digne, c’est celui contre l’extrême droite. Or on constate que la division n’a pas influé sur les scores de la gauche, puisqu’ils s’établissent à 46 % contre 36 % en 1997.

 

Le PS a conforté sa position de leader de l’opposition à Vitrolles. Nous sommes les seuls à pouvoir battre l’extrême droite à Vitrolles. " Jouant les grands seigneurs, il ajoute : " Ma liste est toujours ouverte avant le premier tour. " À distance, Alain Hayot cultive son leitmotiv qui résonne comme une réponse : " C’est la démarche citoyenne qui permet de booster la gauche. " Malgré les petites tensions d’avant premier tour, les deux candidats ont déjà prévu de se retrouver avant le second, afin d’affronter unis l’extrême droite.

 

Alors que ce duel gauche-extrême droite est annoncé, si ce n’est programmé, Christian Rossi, directeur général adjoint des hôpitaux de Marseille et candidat unique de la droite (RPR-UDF-DL-RPF), prétend tirer son épingle du jeu. " Le score qui nous est attribué dans les sondages (autour de 23 % - NDLR) représente le double de ce que nous faisons habituellement. Au premier tour, je veux être en tête des candidats démocrates. Je resterai au second tour car il ne faut pas reproduire ce qui s’est passé en 1997 avec un face-à-face gauche-extrême droite. Avec Tichadou, on recommence avec le pire clientélisme marseillais. " Son thème de campagne " Réconcilier Vitrolles " est une sorte de traduction positive d’une stratégie de double rupture : " Avec la municipalité sortante, qui a montré son incompétence à gérer la ville, et avec les pratiques de l’ancienne équipe ", celle qui, sous la houlette du socialiste Jean-Jacques Anglade, a géré Vitrolles jusqu’en 1997.

 

Hop là ! répond en substance Dominique Tichadou, ce n’est pas l’histoire d’une équipe, " mais celle d’un homme, Jean-Jacques Anglade. Et ça a fait mal au parti auquel il appartenait. Les sondages en 1997 montraient qu’Anglade était battu. Un an après aux cantonales, je battais le candidat d’extrême droite avec 51 % des suffrages. C’est toute la gauche qui a perdu à travers cet homme ". Jean-Jacques Anglade, retiré de la politique, s’est retranché dans son cabinet d’avocat à Marseille, mais dont on assure que les " réseaux " fonctionnent encore.

 

1997. Cela pourrait redevenir du passé dès le 18 mars prochain, s’il se confirmait qu’une douloureuse parenthèse de quatre ans allait se refermer à Vitrolles. Quatre années au cours desquelles Vitrolles et sa population ont payé un lourd tribut.

 

Les chiffres de l’insécurité ne se sont pas améliorés, loin s’en faut, malgré l’augmentation du nombre de policiers municipaux. La zone économique perd un peu plus chaque jour de sa substance, victime à la fois de la mauvaise image de la ville et donc d’une concurrence déloyale d’autres bassins d’emplois, ainsi que de l’inaction de la mairie (lire page ***). Les Vitrollais ont aussi payé cher la manie de la fermeture, particulièrement développée chez leur maire : fermeture du cinéma, fermeture de lieux culturels comme le Sous-marin, fermeture des maisons de quartier...

 

Quant à la " préférence nationale ", mesure phare du programme mégrétiste, elle a heureusement été mise en échec. Dès 1998, la municipalité a créé une allocation municipale de naissance réservée uniquement aux enfants de parents français ou européens. Mal lui en a pris. La famille Delessert, première récipiendaire, après avoir accepté le chèque de 5 000 francs (" une bouffée d’oxygène " financière, pensait-elle alors), l’a renvoyé à l’expéditeur, s’en expliquant dans la presse. " J’ai cru alors que nous pouvions empocher l’argent et oublier les idées qui allaient avec. (...) La richesse du monde, c’est la différence entre les peuples ", déclarait Véronique Delessert (3). Une gifle, puis deux. Saisi par le gouvernement, le tribunal administratif a jugé cette prime illégale. Depuis les Delessert ont quitté Vitrolles pour une destination inconnue, signe du climat pesant et malsain que fait régner l’équipe Mégret sur la ville.

 

Pour Régine Juin, l’ancienne directrice du cinéma de Vitrolles virée en 1997 (lire page ***), la leçon de ces quatre années est à la fois simple et terrible : " J’ai cru, comme d’autres, qu’ils allaient remplacer un monde par un autre monde. Mais non. Ces gens-là ne savent que détruire. " Vivement la libération !

 
Christophe Deroubaix
 

(1) La Marseillaise-Louis Harris du 2 février 2001 et la Provence-SOFRES du 5 février.

 

(2) Tichadou-Mégret : 57-43 ; Hayot-Mégret : 56-44. En cas de triangulaire également, Catherine Mégret est devancée par l’un ou l’autre des candidats de gauche.

 
(3) Voir l’Humanité du 4 novembre 1998.
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:47


OBJECTIF SECURITE. À LA FRESCOULE.

 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 17 février 2001.

 

Dans ce quartier de Vitrolles, l ’augmentation du nombre de policiers municipaux n ’a eu aucun effet sur le sentiment d ’insécurité des habitants. Bien au contraire.

 

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL .

 

Un beau et rare, en cette saison, soleil commence ...à se refléter sur les façades couleur rose provençal de petits immeubles façon stuc. Le journal, le pain, le petit café : les habitants font leurs courses. En ce samedi matin du début du mois de février, le quartier de la Frescoule offre l’image d ’Épinal du petit quartier provençal paisible. C’est peut-être aussi le sentiment qu ’ont eu les habitants en arrivant ici. De l’image à la réalité .

 

Prenons l’immeuble à côté de la librairie. Premier étage, première porte droite. M. X (appelons- le ainsi) habitait les quartiers Nord de Marseille. Il y a six ans, il décide de venir à Vitrolles "ville nouvelle ","pour fuir l’insécurité" et pour le gamin ". Aujourd’hui, il dit :"On n’est pas en sécurité et le local de policiers municipaux ouvert par la mairie en bas n ’a rien changé. Ils ont mis le grillage aux fenêtres, et puis rien. " M. X. est assez représentatif de ceux qu’un sociologue a appelés les citadins parcellaires , en référence aux paysans parcellaires de la France du XIX e siècle, analysés par Karl Marx, qui avaient eu accès à une petite parcelle de terre et dont l ’instinct de propriété avait teinté la conscience d ’une couleur conservatrice.

 

Les citadins parcellaires sont légion à Vitrolles, notamment dans ce quartier de la Frescoule. Deuxième étage, porte gauche. Une jeune femme : On n’est plus en sécurité. On ne sort plus le soir. Mégret n’a rien fait.

 

Ce porte-à-porte express confirme les sondages : les problèmes de sécurité figurent au premier rang des priorités des Vitrollais. Même après quatre années de présence de l’extrême droite à l’hôtel de ville, qui avait fait de l’insécurité son principal cheval de bataille. L’échec était prévisible, il n’en est pas moins éclatant.

 

Même le leader de la droite, Christian Rossi, est implacable : La municipalité a favorisé les facteurs de délinquance avec la fermeture des maisons de quartier, le manque d’équipements, la zone économique qui ne repart pas. Ils ont tout abandonné en matière de prévention pour tout mettre sur la répression. Ce choix s’est révélé inefficace. Inefficace puisque les chiffres, en baisse dans les communes environnantes, s’affichent ici en hausse continuelle.

 

Richard Dubré, Vitrollais depuis quinze ans et directeur de campagne d’Alain Hayot, tente une explication : Une délinquance idéologique s’est développée en réaction aux comportements de la police municipale et au discours extrémiste et raciste de la mairie FN. Une sorte de course folle s’est engagée. Si on recrée du dialogue entre les jeunes et l’hôtel de ville, ce type de violence peut reculer rapidement. ¯Le dialogue a été rompu, la maison de quartier fermée ce dont on se plaint presque unanimement et les activités réduites.

 

Exemple : en 1997, 10 % du budget de la ville étaient consacrés aux sports, aujourd’hui 3,5 % . Pour Alain Hayot, L’essentiel, c’est de retisser du lien social, de la solidarité, de redonner de la vie dans les quartiers en rouvrant la maison de quartier et en procédant à l’élection de conseil de quartier, de promouvoir l’emploi et l’insertion professionnelle. Car beaucoup de jeunes disent, eux aussi, vivre dans l ’insécurité, même si le mot prend une connotation différente. Guillaume : Ce sont les trois dernières années que nous avons eu le plus de problèmes. Il n’y a rien ... faire sur Vitrolles. Les jeunes s’emmerdent. Parfois, ils font des conneries". Delphine, sa copine : C’est avec l ’arrivée de l ’extrême droite que j ’ai ressenti une montée de l ’insécurité, de la pression. ¯Une politique de sécurité ne se mesure pas au nombre de policiers municipaux embauchés, mais tel le pyromane qui se déguise en pompier l’extrême droite continue de jouer avec le feu de l ’insécurité.

 

C. D.

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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:46

" Pour une France généreuse et ouverte "
 
Par Fodé Sylla (*)
 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 17 février 2001.

 

Six ans déjà, six ans de trop ! Nous le disions à l’époque. Aux municipales de 1995, tout semblait sourire au parti de Jean-Marie Le Pen. L’extrême droite remportait Toulon, Marignane, Orange et deux ans plus tard Vitrolles. Ces villes du sud de la France seraient non seulement les " laboratoires " d’une gestion efficace des idées frontistes - " les Français d’abord (sic) ! -, mais, en plus, elles préfiguraient une irrésistible ascension. Tremblez démocrates ! Fort heureusement, on connaît la suite.

 

De laboratoires, ces villes sont devenues des vitrines de ce que nous dénoncions depuis longtemps : la démagogie et la haine pour seul programme, l’incapacité à gérer la " respublica ", la chose publique, une " préférence nationale " pour calfeutrer l’absence d’intérêt pour la cité, le fossé creusé artificiellement entre les différentes composantes de la population, le rejet de toute forme de vie culturelle. La liste est longue.

 

Le tout sous couvert d’une stratégie de provocations et une volonté de vouloir systématiquement se poser en victime de l’hostilité des démocrates. Mais comment ne pas réagir lorsque Catherine Mégret déclare, en février 1997, aussitôt élue, dans une interview au journal allemand Berliner Zeitung, qu’" il y a des différences entre les races... il y a des différences entre les gènes. (...) Les immigrés (...) ne sont là que pour prendre l’argent ". Propos qui furent condamnés.

J’ai personnellement souvent constaté leur attitude arrogante, notamment lors de ma venue, en compagnie de Danielle Evenou et du réalisateur Denis Amar, sur un marché de Vitrolles pour soutenir les militants locaux. Les heurts ont éclaté lorsque nous avons croisé Bruno Mégret et son épouse, entourés de nervis. Injures, jets de gaz lacrymogènes et même un membre du service d’ordre du couple sortant un pistolet... J’ai connu mieux comme accueil. Mais il est très révélateur de l’ambiance totalitaire que les époux ont tenté d’imposer à la ville en voulant caporaliser les mentalités. Ainsi qui a oublié l’incroyable " offense " que ce directeur d’école, a infligé à Catherine Mégret en la saluant, mais en refusant de lui serrer la main, afin de " garder ses distances avec des élus dont les valeurs sont aux antipodes des siennes " ? Résultat : son acte lui a coûté sa place. On croit cauchemarder. En fait de bilan de gestion municipale, les villes frontistes ne peuvent guère afficher que leurs non-résultats. Ces gens-là sont des illusionnistes dont le seul talent et la nuisance.

 

Rester vigilant est donc plus que jamais d’actualité. Car il serait dangereux d’oublier, même si les appareils d’extrême droite sont en piteux état, que les idées du FN ont gangrené la société française. Que cela soit dans ces entreprises, où l’on n’hésite pas à recruter uniquement " bleu, blanc, rouge ", ou dans le secteur des soins, du loisir, du logement, où un Zidane c’est bien sur le terrain de football mais pas à côté de chez soi. En fait, le constat est alarmant et atteint presque la cote d’alerte, tant le racisme s’est banalisé alors qu’on l’excusait presque hier du fait de la crise économique. Or depuis la reprise de la croissance, qui a constaté une amélioration ? Pas moi. Au contraire, la situation se dégrade même. C’est donc à un nouvel effort que je vous invite. Aller voter aux prochaines municipales contre l’extrême droite, pour la solidarité et la fraternité, pour une certaine idée de la France généreuse et ouverte.

 
(*) Député européen, ancien président de SOS-Racisme
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:46


Les Estroublans dans le trouble

 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 17 février 2001.

 

Même en déclin, les zones industrielles de Vitrolles emploient 10 000 salariés. Pourtant, le taux de chômage dans la ville s’établit à 36 %.

 

De notre envoyé spécial.

Quand, en 1963, Pierre Ghazarian a décidé de quitter son atelier marseillais pour ouvrir une fabrique de meubles de 4 000 mètres, il a choisi de s’installer dans la zone des Estroublans à Vitrolles. Il fut l’un des premiers.

 

Il fut donc aux premières loges pour assister au développement exponentiel de la zone dans les années soixante, puis à sa stagnation durant la décennie 1970, enfin à son déclin depuis les années quatre-vingt. " J’emploierais même un mot plus fort que celui de déclin : celui de paupérisation, sur une longue période ", assure Henri Grange, directeur général du groupe agroalimentaire Ferrico, et président de Vitropole.

 

La faute aux zones franches. La faute aux impôts fonciers que tous reconnaissent très lourds. La faute surtout au déficit d’aménagement. " L’entreprise que je dirige a été la première à s’installer ici en 1963. Depuis, rien n’a changé. Pas d’entretien ni aménagement. Surtout, les Estroublans se situent sur une zone inondable. Alors, vous voyez, quand Kodak voit son centre régional de recherche sous 1,5 m d’eau, ce n’est pas terrible ", souligne Henri Grange. " C’est vraiment une zone au sens péjoratif du terme ", confirme Alain Hayot. La faute au FN, devenu MNR ? " Non. Leur présence n’a eu aucun effet. Le développement économique est de la compétence de la communauté de communes, pas de la mairie ", assure Henri Grange. En revanche, certains ont prêté à Provence Promotion (chambre de commerce et d’industrie, conseil général des Bouches-du-Rhône) et Pays d’Aix Promotion (dont le président est premier adjoint à la mairie d’Aix et vice-président du conseil général chargé de l’économie) l’intention de prêcher pour leur paroisse, le " péché  vitrollais »  les y aidant beaucoup.

 

" Le discours "venez chez nous" a existé mais il n’a pas marché, analyse Henri Grange. De toute façon, nous avons des qualités intrinsèques uniques (proximité de l’autoroute, de l’aéroport et des ports- NDLR). Moi je ne vais pas démonter mon usine le samedi pour la reconstruire le dimanche. " Malgré tout, sur les 110 entreprises qui se sont installées sur la communauté d’agglomération du pays d’Aix, 10 seulement ont choisi Vitrolles.

 

" Nous avons payé un lourd tribut à la présence de l’extrême droite à la mairie", estime Dominique Tichadou. Le projet de Vitropole pour l’avenir est simple : " Nous allons faire en sorte de donner un minimum de confort (une gare, des lieux de restauration et de loisirs de proximité, des crèches) aux 10 000 personnes qui travaillent sur la zone. Si les salariés se sentent bien, les entreprises viendront plus facilement. " Enfin, n’oublions pas le paradoxe des paradoxes : 10 000 emplois aux Estroublans et à l’Anjoly, un taux de chômage supérieur à 30 % dans la ville...

 

 La zone économique et les quartiers : deux villes qui vivent l’une (presque) séparément de l’autre. Voilà bien le " drame " vitrollais.

 

C. D.

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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:45


Le Journal des municipales du 1er mars

 

Paru dans le Nouvel Obs du 01/03/2001

Jour après jour, l'actualité de la campagne pour les élections municipales dont les deux tours se dérouleront les 11 et 18 mars.

Vitrolles.- Le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a jugé mercredi "discriminatoire" pour les immigrés le programme de la maire MNR Catherine Mégret, candidate à un second tour en mars.

 

Catherine Mégret se voit interdite de diffuser son tract électoral "Bien chez nous" ou tout autre document traitant de la question des immigrés, sauf à y faire figurer un "avertissement relatif à son caractère délictuel".

 
Dans son tract, le maire sortant de Vitrolles présentait l'immigration comme une "véritable colonisation à rebours" et proposait d'"assurer dans le cadre légal la priorité aux Français pour les emplois municipaux, les aides sociales et l'attribution de logements". Catherine Mégret a annoncé qu'elle ferait appel de l'ordonnance du TGI d'Aix, estimant qu'"il s'agit d'une décision insensée qui menace la République".
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:44


Vitrolles : graffitis antisémites sur les affiches du candidat PCF

 

Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 1er mars 2001.

 

 

Alain Hayot, candidat communiste à la mairie de Vitrolles, a déposé plainte, mardi, au commissariat de cette ville des Bouches-du-Rhône, après que les deux tiers de ses affiches électorales ont été recouvertes d’étoiles de David.

 

Dans la nuit de lundi à mardi, le visage du vice-président du conseil régional a en effet été couvert de l’étoile juive sur une quinzaine des 22 panneaux électoraux officiels de la ville qu’il veut " débarrasser de l’extrême droite ", en l’occurrence de son maire MNR Catherine Mégret. Dans un communiqué, Alain Hayot exprime son " horreur " face à cette attaque et dénonce " le climat de la campagne " à Vitrolles qui devient " insoutenable ", notamment " pour les candidats démocrates victimes de propos, d’écrits et d’actes malveillants ".

Le candidat RPR Christian Rossi a " dénoncé la façon dont Alain Hayot a été attaqué ", soulignant que trois de ses colistiers avaient " eux aussi été victimes d’insultes faisant allusion à leur appartenance à la communauté juive ".

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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1999 - 2001
2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 04:42


Les obscurs résistants de Vitrolles


Article paru dans l'édition du Monde du 06.03.01

 

En février 1997, le Front national gagnait la mairie de Vitrolles. Pour les syndicalistes, les travailleurs sociaux de la petite ville des Bouches-du-Rhône, les ennuis commençaient. Quatre d'entre eux témoignent de leur résistance au quotidien, modeste mais obstinée, pour sauver ce qui pouvait l'être du raz de marée de l'extrême droite

 

QUAND le Front national a conquis Vitrolles en février 1997, Bruno Bidet était permanent CFDT depuis deux mois : clairvoyants, ses amis l'avaient élu secrétaire syndical en décembre 1996 afin de le protéger, lui, sa section et le personnel, pour les temps douloureux qui s'annonçaient. Bruno Bidet est toujours là, voix mieux assurée mais visage plus marqué qu'il y a quatre ans. Il fait partie de ceux qui ont subi, mais aussi des rares qui, chaque jour, ont résisté à l'arrogance des arrivants, au dos tourné des faibles, à la solitude. Ce sentimental est un pudique, mais quand il lâche : « Il y a vraiment des jours où je me suis senti seul... (un silence). Mais seul de chez seul, tu sais ! », des larmes lui montent aux yeux. Il baisse la tête, se reprend et parle de l'attente de la réunion du mercredi. Elle le sortait de la solitude du petit bureau où il a passé, seul, des journées entières à préparer les trente numéros du journal syndical, sous une Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui, épinglée au mur, n'est qu'un réconfort de papier.

 

D'autres que lui se sont battus à Vitrolles : les militants de Ras l'Front, les jeunes gens du café musique Le Sous-Marin, les associations qui ont organisé des pique-niques de 1er Mai, les partis qui se sont refait une santé. Mais ces batailles se jouaient souvent à distance, et la chronique en a rendu compte. Les syndicalistes de la mairie sont restés en première ligne chaque jour, dans un obscur combat avec - ou au nom des - huit cents employés communaux.

 

Cela a commencé brutalement, par le licenciement de trente et un contractuels, et l'annonce, suivie d'effet, que les contrats de quatre-vingts autres ne seraient pas renouvelés. En quelques semaines, la moitié des cadres sont remplacés, qu'ils soient volontairement partis ou mis au placard : « La matière grise remplacée par des fous furieux », résume Bruno Bidet. Déjà secoués, lui et ses amis reçoivent un coup de poignard dans le dos : la semaine suivant l'élection, une élue CFDT annonce qu'elle rejoint le cabinet du maire, lançant à ses anciens camarades qu'ils se trompent de combat. Elle est exclue, mais le traumatisme est profond : « D'entrée, se faire plumer un élément comme ça, tu t'affoles, tu te dis surtout : si il y en a un deuxième, vis-à-vis du personnel, on est mort », se souvient le secrétaire du syndicat, qui déteste ce moment de l'histoire.

 

Pris dans ce tourbillon, il lui arrive de devenir « à moitié parano » : « Je ne prenais plus ma moto parce qu'on m'avait frôlé une fois à un feu rouge. » Il faut cependant garder ses nerfs : « On avait décidé de ne jamais répondre, même quand on se faisait insulter dans les services », ou quand, en toute illégalité, un petit chef défend aux délégués l'accès à son service. Pour forcer l'interdit, les syndicalistes CFDT et CGT, qui ont scellé un solide pacte d'union, y reviennent à quatre, « toujours avec deux copines », parce qu'il est plus difficile de menacer des femmes. Bruno Bidet confesse : « Pendant six mois, je n'ai pas su ce que j'allais devenir. On avait en face de nous une affaire immense à gérer, au jour le jour, avec des gens à qui il était impossible de faire comprendre quoi que ce soit, avec qui il était impossible de transiger. » En juin 1998, la grève avec occupation contre le projet de privatisation de la propreté urbaine porte la tension à son maximum : les policiers municipaux investissent les locaux un dimanche. « Insultes, dérapages, c'était un combat de tranchées d'un autre monde, un combat de sourds » - et d'autant plus absurde que la délibération municipale est entachée d'illégalité.

 

Egrenant ses souvenirs, Bruno Bidet estime avoir un jour « pété un plomb ». Quand, aux élections au comité des œuvres sociales de mars 1999, sa section et lui dénoncent la manipulation de la section FO par le Front national : « Je n’aurais pas dû accuser quarante personnes d'être des fachos », regrette-t-il. A quelques semaines des municipales de 2001, cet obstiné ouvre le grand classeur où sont rangés les tracts, les journaux, les lettres au sous-préfet, les pièces des incessantes batailles juridiques, à peu près toutes gagnées, qui ont rythmé ces quatre ans de bagarre. Comme des preuves que, malgré les départs ( « On ne peut pas leur en vouloir » ) et l'atmosphère étouffante, ce travail de fourmi a protégé le personnel contre le pire, contre l'humiliation. Bruno Bidet est d'ailleurs assez fier d'annoncer que sa section a aujourd'hui soixante cotisants, contre trente-neuf en 1996. Mais il confie aussi que cette trop longue histoire a usé les nerfs de sa femme, caissière chez Carrefour. « Mon couple et ma famille ont failli y passer », avoue-t-il, avant de rendre hommage à sa compagne. Et puis, dans un sourire fatigué : « Pour un jardinier de formation, qui n'avait jamais été investi dans ce genre de bataille, j'ai beaucoup appris... »

 

A quelques centaines de mètres de là, Francine Muraille dirigeait la Régie du quartier des Pins, un ensemble de 7 000 habitants, dont le Front national avait fait l'emblème de ce qu'il détestait. L'organisme recevait le tiers de ses subventions de la mairie et employait dix-huit salariés de la cité à l'entretien des espaces communs.

 

Dès le mois de février 1997, sa mort est programmée. Lors d'une entrevue, le premier adjoint Hubert Fayard demande à la délégation qu'il reçoit dans son bureau : « Vous n'avez pas peur de laisser une femme dans ce quartier ? » : Francine Muraille encaisse, mais les délégués en tirent une conclusion immédiate : « On n'a rien à se dire. » Ils partent. Pour tenter de sauver ce qui peut l'être, le président de la Régie, Alain Castan, et elle se retournent alors vers l'OPAC (Office public d'aménagement et de construction) sous influence socialiste : ce sera leur plus grande déception de constater que leur combativité effraie de ce côté-là aussi. Le 31 janvier 1998, après des mois de palabres, de tiraillements et de vaines mobilisations, ils boivent l'apéritif de fermeture dans leur local : « C'était l'effondrement », se souvient Francine Muraille, qui y a gagné d'autres cheveux gris, « parce que non seulement on arrêtait cette aventure, on brisait ce lien social dans un quartier qui en avait tant besoin, mais cela signifiait aussi qu'on licenciait dix-huit habitants du quartier - et pour douze d'entre eux, c'était le seul salaire à la maison ». Alain Castan et elle, pourtant, décident de maintenir le café du lundi matin, ce lieu ouvert où chacun peut passer. « Parce que c'était pas possible de tout arrêter, comme ça. » Ils lancent alors l'association Les Pins service, espérant qu'on les aidera un peu. Il leur faudra occuper le local pour obtenir le droit de s'y maintenir.

 

Subventionnée par le FAS et le conseil général, l'association, la seule qui reste vivante sur les sept qui existaient dans le secteur à l'arrivée du FN, est toujours installée dans un petit appartement en rez-de-chaussée. Elle participe au soutien scolaire de trente-deux enfants, héberge la Courte Echelle, qui s'occupe de diffusion culturelle. Et le lundi matin, entre 8 h 30 et 10 h 30, on y boit encore le café : « On est souvent trois, mais on peut être plus de vingt les jours de colère », dit Francine Muraille. Car, ayant passé l'âge de la retraite, elle continue de venir chaque jour aux Pins, bénévolement, pour qu'une petite flamme continue de briller. En cinq ans, elle a pourtant été le témoin d'une longue défaite à laquelle elle ne peut pas tout à fait se résigner. Elle a d'abord vu la tension exploser : « A la moindre anicroche, les gens s'accusaient d'avoir voté Front national, tout le monde soupçonnait tout le monde. Et puis surtout le racisme s'exposait. » Petit à petit, « la non-parole entre les gens est devenue l'ordinaire ». D'ailleurs, Francine Muraille s'évertue à dire scrupuleusement bonjour à chaque personne qu'elle croise dans le quartier... Mais l'abandon a fait son oeuvre : les trois éducateurs de rue supprimés, l'entretien qui se fait moins, la réparation du petit matériel interrompue, « la dégradation va à une vitesse terrible ».

 

EN juillet 1997, la nouvelle mairie avait fermé la maison de quartier des Pins, prétextant des travaux, au moment exact où les enfants qui ne partent pas en vacances en ont besoin. Elle n'a jamais été rouverte : ses murs noircis par le feu, ses portes béantes, ses grilles pendantes sont, pour Francine Muraille, le symbole même du mépris dans lequel les habitants ont été tenus durant la mandature.

 

Dans ce quartier des Pins, vivait Marie-Rose, Soeur de l'Enfant-Jésus Nicolas-Barré. Elle était arrivée à Vitrolles en 1994, « pleine de projets et d'espoir ». Le début du travail auprès des enfants, vocation de sa congrégation, avait été difficile. Mais l'arrivée du Front national, c'était l'insupportable : « J'étais étranger et vous m'avez aidé, dit le Christ, comme l'Ancien Testament », explique Marie-Rose. Elle n'a pas hésité à s'engager : « Il m'est apparu impossible de ne pas être en même temps avec les plus démunis et du côté des militants. » Elle a vite été déçue par l'action des seconds, mais n'a rien lâché de son travail avec les enfants, soutien scolaire, catéchèse, le « Club » où viennent cinq petits gars. « Parce qu'ils s'embêtent, qu'il n'y a rien pour eux et que le dimanche, dès 9 heures du matin, ils sont dehors, à attendre. » « Pour ne pas se décourager, il faut accepter que tout ce qu'on fait est infiniment petit... », dit-elle de sa voix grave. Elle perpétue donc cette mission d'aider les démunis à prendre la parole. Qu'elle illustre ainsi : « Un matin de décembre 2000, les bulldozers sont venus détruire les logettes des poubelles. Sans un mot d'explication. Comme certains protestaient, on a daigné annoncer que, désormais, il faudrait mettre les poubelles ailleurs. » Voilà ce qu'elle appelle « l'expérience quotidienne d'être compté pour rien » - dont l'extrême droite n'a d'ailleurs pas l'exclusivité -, et qui lui fait penser qu'il serait « lâche de quitter, au moment où certains n'ont pas la chance de pouvoir choisir ». Mais elle ajoute : « Ce qui m'a le plus coûté, c'est de me dire en rencontrant les gens : «Peut-être qu'il a voté FN.» Car laisser monter le soupçon, c'est déjà laisser monter le découragement. » Quant à Titif, alias Abdellatif Sahli, il est toujours là, lui aussi. La parole qui, de temps en temps, bégaye, cet agent de prévention vit aux Pins et travaille à bord des Cars de l'Etang, qui sillonnent huit villes autour de Vitrolles.

 

Il faisait le même travail de prévention pour la ville sous la municipalité Anglade (PS) : « La campagne s'était faite sur notre dos : dans son programme, le Front avait dit qu'il nous virerait, nous et tous les éducateurs de rue. » Jusqu'au dernier jour, pourtant, Titif n'y a pas cru : la victoire de Catherine Mégret lui est littéralement tombée dessus. Dès le premier soir, tout vole en éclats : « Des jeunes qu'on n'avait jamais vus péter les plombs ont commencé à casser avec d'autres jeunes. Le premier soir de dimanche, puis le lundi, on était dégoûtés. » Car Titif dit toujours « nous » ou « on », et il parle ainsi des autres agents de prévention, tous virés eux aussi. « Faut dire qu'on avait de quoi : sur les cinq, il y avait trois noms arabes et deux antillais. » Après des semaines d'attente à remâcher l'amertume, les lettres de licenciement arrivent : « Ça a été une libération. On ne craignait qu'une chose : que Catherine Mégret aille dans les quartiers et nous demande de la protéger. On n'aurait pas pu ! »

 

Abdelatif et ses amis vont voir les syndicats, qu'ils ne connaissaient pas, et constituent l'association La Charrette avec les autres licenciés. Au terme de longues procédures qui apparaissent obscures à ces novices en droit, le tribunal administratif reconnaît, en février 1999, qu'ils ont été licenciés illégalement, et la cour administrative d'appel confirme le jugement en juin 2000. Cela soulage vraiment Titif : « On savait qu'on n'avait rien fait de mal. Nous, les agents de prévention, on ne faisait pas de politique, on garantissait la sécurité dans la ville, et on était virés pour des raisons politiques. » Empli d'amertume, il garde un secret espoir. Que tous les recours contentieux soient définitivement épuisés avant le départ de l'extrême droite, qu'il croit imminent : « L'argent qu'ils nous doivent pour les licenciements abusifs, on veut aller le chercher à la mairie, avec le papier à la main. Et leur dire : «Vous avez perdu, vous payez.» Pour les narguer, mais surtout pour qu'ils soient obligés de reconnaître qu'on avait raison. Ils ont fait trop de mal, ils ont assassiné la ville. »

 
MICHEL SAMSON
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