Municipales 2001: Comment se débarrasser de l’extrême droite ?
Poussée citoyennes à Vitrolles
Parue dans l’Humanité du 23/10/2000
Une première en France : des Assises citoyennes ont élaboré un programme municipal, défini les critères de constitution d’une liste " de gauche et de progrès " et voté pour que le communiste Alain Hayot en prenne la tête. Compte rendu.
C’est par un tract-circulaire que Dominique Tichadou, tout nouveau conseiller général (PS) des Bouches-du-Rhône a annoncé qu’il était candidat au poste de maire de Vitrolles. Et cela le jour même où PCF et PS, concluant un accord départemental pour les prochaines élections municipales, laissaient à l’appréciation de leurs instances nationales les cas des communes tenues par l’extrême droite, Marignane et Vitrolles.
Cette candidature intempestive de l’élu socialiste, qui pourrait provoquer des " primaires " à gauche, n’a cependant qu’à moitié surpris les militants de terrain tel Christian Luccantoni, animateur du Mouvement démocratique vitrollais (MDV), une association constituée de citoyens antifascistes : " Vouloir le pouvoir pour le pouvoir, nous avions espéré que c’était révolu au sein de la gauche. " Quant à Sonia Fiquet, une jeune socialiste du " groupe Émile Zola ", en dissidence avec l’appareil PS local, elle préférait plutôt dire son " envie de faire de la politique autrement " en ouvrant en début d’après midi, d’une voix tremblante de trac, les Assises citoyennes du 21 octobre.
Avant de pénétrer dans la petite salle, surchauffée par un public nombreux, du centre social du quartier de la Petite Garrigue, chaque participant pouvait se procurer un mandat afin de se prononcer sur le contenu d’un " Manifeste citoyen pour l’avenir démocratique de Vitrolles ". Auparavant, ainsi que l’expliquait Sonia Fiquet, plus de 700 personnes avaient, sur les marchés, signé un appel en ce sens. Quant à l’idée des Assises, elle est le prolongement de celle, conçue par le PCF, d’espace citoyen au sein duquel ces derniers mois des discussions ont pu avoir lieu entre militants politiques, du mouvement associatif et autres. A la table (et non à la tribune, ainsi que s’en félicitait un intervenant attaché à la valeur symbolique des mots) on trouvait ainsi, entre autres, aux côtés de Sonia la socialiste, de Fairouz la communiste et de Christian du MDV, Joëlle et Claude, affichant comme seule étiquette celle de " citoyen " ou bien Azedine, revêtu du T-Shirt du Sous-Marin, (un lieu culturel liquidé par l’extrême droite municipale) et représentant l’association Convergence.
Dans une ambiance détendue qui n’empêchait pas toutefois les prises de bec, quatre heures durant, les débats furent d’une densité incroyable et d’un niveau impressionnant, contrastant de ce point de vue avec la non-campagne du dernier référendum. Ici, pas de faux-fuyants ni d’abstention, car on parlait concret, du pont de la nationale 113 aux faiblesses de l’enseignement professionnel, de l’implantation d’une gare SNCF à Vitrolles aux avantages et inconvénients de l’intercommunalité, de la fermeture du cinéma aux problèmes d’exclusion et de précarité de l’emploi, du transport des étudiants vers les facs d’Aix-Marseille à la lutte contre la pollution de l’étang de Berre, du devenir de la police municipale aux questions touchant aux libertés individuelles et à la démocratie. La démocratie justement et la citoyenneté, un chapitre entier leur a été consacré qui a ensuite été placé, après un vote unanime des Assises, en tête du Manifeste. Lequel, finalement approuvé, dessine les grandes lignes d’un programme municipal qui vise non seulement à relever Vitrolles des ruines laissées par une extrême droite aujourd’hui en pleine débandade mais à s’affranchir aussi de certaines pratiques non républicaines qui existaient avant l’ère Mégret.
Les citoyens vitrollais qui ont adopté le Manifeste espèrent évidemment fermer, en mars prochain, une sinistre parenthèse. Mais ils sont surtout attachés à réconcilier leurs concitoyens avec la politique au sens originel du terme. Ce qui pour eux passe par l’introduction de la " démocratie directe " dans la " démocratie représentative " et par la composition, dans une transparence totale, d’une liste de candidats aux élections municipales. Des critères " rompant avec les pratiques politiciennes " ont donc été définis : respect de la parité hommes-femmes et entre membres ou non d’un parti, pas de formation politique majoritaire à elle seule dans le conseil municipal, rajeunissement des élu(e)s dont certains seront issus de l’immigration, et encore : pas de candidat condamné pour des délits liés à l’exercice d’une mission publique.
À l’unanimité des votants, et ce fut un grand moment d’émotion, c’est Alain Hayot qui a été porté à la tête de cette liste " de gauche et de progrès " dont la composition sera élaborée par un collectif issu de ces Assises citoyennes. Chacun sait à Vitrolles et dans la région que cet universitaire est communiste. Cependant, précisait-il en soumettant sa candidature aux Assises, " je ne me présente pas au nom d’un parti mais en mon nom personnel, je m’engage à faire vivre le Manifeste et à ce que nous l’appliquions tous ensemble ". Largement constituée de résistants vitrollais, cette liste cherchera dans les prochaines semaines, selon l’expression d’Alain Hayot, " à ouvrir grand les fenêtres de l’espoir ".