Comme déjà évoqué, Jean-Luc Mélenchon a créé le buzz involontairement en s'engueulant avec un apprenti journaliste.
Il est allé s'expliquer sur les plateaux de télévision mais aussi devant les étudiants du Centre de Formation des Journalistes. Marianne.fr diffuse sur internet son intervention. A voir et à écouter pour comprendre !
DH
Journalisme: des petits soldats en déroute face à Mélenchon
Régis Soubrouillard - Marianne | Mardi 13 Avril 2010
A quelle sauce allait-il manger ces petites cervelles ? Vendredi dernier, Jean-Luc Mélenchon était invité à une conférence-débat avec les étudiants du Centre de Formation des Journalistes, creuset présumé de «l’élite» médiatique. Invité à débattre après l’épisode qui l’a opposé à un étudiant de l’école de journalisme de sciences-po.
Attirés par l’odeur du soufre, la salle est comble. « Je voudrais tout de suite commencer par dire quelque chose de très clair: il n'y aura ni excuses ni regrets » tempête Mélenchon avant de lâcher ses coups.
Le préjugé social de la fonction journalistique. C’est l’un des premiers angles d’attaques choisi par Mélenchon : « Sur la vocation, c’est du bla bla, à un moment, il faut manger. Vous fantasmez le préjugé social de la fonction journalistique. Ah, le dimanche dans les repas de famille ça le fait de se dire journaliste. Pourtant il faut être tombé bien bas pour travailler gratuitement pour des médias. Ecrire un article c’est pas un travail ? » interroge le responsable du Parti de Gauche, « donc journaliste c’est pas un métier ? La vérité c’est que vous êtes pris à la gorge socialement. Vous êtes abaissé », ce qui, selon lui, «interdit l’indépendance d’esprit».
Mélenchon prend pour exemple une journaliste de BFM venue pour l’interviewer un week-end avec caméra et carnet en main : « c’était son troisième ou quatrième sujet de la journée ». Présent dans la salle, Olivier Mazerolle, journaliste à BFM encaisse, impassible.
La salle fait le dos rond. Quelques gloussements de temps à autre. Mélenchon repart à l’assaut : « tout ça pour la gratification symbolique d’appartenir à la superstructure qui exerce le pouvoir culturel numéro un: dire la norme, comme des curés ou des prescripteurs de morale, une caste de vaches sacrées intouchables avec qui il est impossible de dialoguer. Et je devrais m’excuser ?! Je vais demander à Sciences-Po de s’excuser ! C’est une bataille que j’engage avec cette meute qui a le vice de toutes les cléricatures. Je suis partisan d'une révolution citoyenne dans les médias ! »
Provocations, postures, approximations. Les dénonciations de Mélenchon ne sont pas très originales, d’inspiration largement bourdieusienne : mises en cause de la pensée médiatique, du règne de l’argent, le tout dans une profession largement précarisée. Les Inrocks, qui en d’autres temps ouvrait ses pages à Bourdieu –depuis, le journal a été racheté par Mathieu Pigasse, associé gérant à la banque Lazard…- iront jusqu’à qualifier la colère mélenchonnienne de « mystique » pour mieux la discréditer. Mystique. Forcément mystique. Un pur fanatisme. Comme toute critique adressée aux médias, elle n’appelle aucune réponse de ceux qui en sont. Un vague traitement par le mépris suffira.
La séance des questions ne fait que confirmer le propos de Mélenchon. Aucune forme de révolte. Pourquoi pas après tout ? la mise en cause est violente. Les petits soldats du journalisme auraient pu sonner la riposte. Justement parce qu’ils sont encore des étudiants ni tout à fait formés, ni tout à fait formatés. Rien de tel, ils sont déjà, « comme des vrais » à une conférence de presse. Comme « le garçon de café » décrit par Sartre qui surjoue sa fonction pour mieux l’incarner, le futur journaliste joue au journaliste accrédité.
On se tend le micro, on se présente, une question et on écoute. Aucune sortie de route, aucune interpellation ne viendra. Une conduite stéréotypée de journaliste modèle.
Au milieu de cette sage assemblée, l’un deux reprochera bien à Mélenchon de faire son show. Fort bien. Encore qu’il n’est de spectacle que par la complicité objective du public ou des médias. Aucune question non plus sur la précarité d’exercice de la profession, comme si tous étaient certains que la préservation de l’espèce journalistique ne les concerne en rien, aussi individualistes que leurs glorieux aînés qui auront autrement profité du système. Là encore Mélenchon a sans doute touché juste en disant aux apprentis-journalistes qu'ils étaient abaissés.
Pour le reste, quelques questions pratiques d’une importance capitale, caractéristiques des préoccupations de ces futurs faiseurs d’opinion : « Si je comprends bien, vous ne répondrez plus aux étudiants. Il nous faudra attendre d’avoir notre carte de presse pour que vous nous répondiez ? ». Effectivement, un vrai souci que d’afficher le fatal insigne des « professionnels de la profession », tel un sésame d’accès au monde des puissants.
Une certitude : le temple médiatique est encore bien gardé : le chômage, la précarité et les stages gratos n'ont pas encore sonné le tocsin de « la révolution citoyenne » que le chef du PG appelle de ses voeux...