" Vitrolles libérée "
Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 8 octobre 2002.
La gauche unie débarrasse de l’extrême droite une commune de Vitrolles sinistrée. Le MNR de Mégret ne devrait pas résister à la perte de son dernier bastion.
Il n’aura pas fallu plus d’une heure dimanche soir dernier pour que les vindicatifs " libérez Vitrolles ! ", poussés par des grappes de jeunes devant la permanence électorale de la gauche unie ne se transforment en joyeux " Vitrolles libérée ". Pas plus d’une heure entre les applaudissements saluant les résultats quant à la participation exceptionnelle pour une partielle (72,56 %) et l’arrivée triomphale du socialiste Guy Obino, qui devrait être élu maire cette semaine, et de son futur premier adjoint, le communiste Alain Hayot. " Grandiose ! " devait s’exclamer ce dernier pour qualifier la victoire de la coalition de la gauche appuyée, en l’occurrence, par le mouvement associatif et syndical. La liste Obino devance la liste Mégret de huit points, soit plus de 1 300 voix alors que l’an dernier, mais à l’issue d’une triangulaire au second tour, la gauche avait été battue de 201 voix.
Pourtant, ce duel gauche-extrême droite s’annonçait des plus serrés dans le dernier bastion du MNR, la gauche unie s’étant refusée à tout marchandage politicien entre les deux tours. Certes, le socialiste réfractaire Tichadou (12 % au premier tour) et l’UDF Porte (5 %) avaient sans ambages appelé à voter pour la liste Obino (31 %), dans un contexte de gauche en progression et de tassement de l’électorat de " Catherine " (36 %). Mais comment allaient se comporter les abstentionnistes (33 %) et surtout les électeurs de l’UMP (12 % au premier tour) sachant que si Alain Juppé avait en quelque sorte franchement renvoyé à la gauche l’ascenseur de la présidentielle, l’appel à battre l’extrême droite lancé par l’autre pilier de la " maison bleue ", le sénateur maire (DL) de Marseille Jean-Claude Gaudin, avait été des plus ambigus ?
Au final, il semble que ce soit à l’appel " aux républicains et démocrates vitrollais " de saisir la chance de " pouvoir rebâtir leur ville en commençant par se débarrasser des Mégret ", lancé au-delà des appareils politiques par le Dr Obino et le Pr Hayot, que les électeurs ont été le plus sensible.
Et notamment les jeunes, à l’instar de Rachid, vingt ans, étudiant à la faculté de Luminy (Marseille), qui s’est abstenu au premier tour " parce que (je) n’y croyais plus ", mais qui a été parmi les premiers, dimanche, à émarger à son bureau de vote du quartier des Pins. Dans la petite foule qui se pressait devant la permanence de la gauche unie Janine, quant à elle, qui avait voté Tichadou au premier tour, se disait " très heureuse de montrer enfin à toute la France que Vitrolles n’est pas une ville de fascistes ". Pierre, un agent commercial " de droite et chiraquien ", se félicitait, lui, de ce " rassemblement républicain qui allait permettre de changer l’image désastreuse de (notre) ville ".
" Une victoire de la République " : c’est également ainsi que le médecin de famille Guy Obino s’adressant, par presse interposée, à ses " chers compatriotes vitrollais " a caractérisé le succès de la liste qu’il conduisait. Pour Alain Hayot, particulièrement ému, " la victoire s’est dessinée dès le premier tour dans une logique de rassemblement de la gauche, sur ses valeurs, et au second tour, de promotion des valeurs républicaines ".
Poursuivis par les journalistes, les deux leaders de la gauche vitrollaise étaient alors entraînés de leur permanence vers le parvis de l’hôtel de ville, à 200 mètres de là, accompagnés de Michel Vauzelle et Jean-Marc Coppola, président (PS) et vice-président (PCF) du conseil régional PACA, ainsi que de Jean-Noël Guérini, président (PS) du conseil général des Bouches-du-Rhône, tous promettant de venir en aide à cette commune de 21 000 habitants, sinistrée sur le plan social et de sa gestion, par la marée noire " mégrétiste ". Les nouveaux élus se déclaraient bien sûrs conscients des problèmes : " Combattre l’insécurité et la fracture humaine, rétablir le service public, ramener la solidarité et la cohésion entre les Vitrollais ", telles sont les tâches prioritaires que s’assigne le nouveau maire.
Au-dessus du défilé bon enfant gros d’un millier de personnes on distinguait dans la nuit vitrollaise la plaque " place Nelson-Mandela ", que les Mégret avaient fait déboulonner dès leur prise de pouvoir. Elle était portée à bout de bras par un jeune militant vitrollais de Ras l’Front, euphorique. Autre symbole fort de cette " soirée historique " selon l’expression d’Alain Hayot, l’organisation par le Sous-Marin - cette association culturelle de jeunes contrainte voilà cinq ans de quitter Vitrolles -, de la fête de la victoire débutant devant l’hôtel de ville alors que tombait le mistral sur des airs de Manu Chao et d’une chorale féminine occitane. Une fois les brefs discours de remerciements passés, une fois la fumée rouge des fumigènes dissipée, Loïc, le porte-parole du Sous-Marin, n’avait, comme toute la jeunesse dansante, qu’une hâte : " Respirer à pleins poumons cet air de liberté qui flotte maintenant sur Vitrolles. "