Les Mégret jouent leur survie politique à Vitrolles face à une droite et à une gauche très divisées
Article paru dans l'édition du Monde du 25.09.02
Après l'annulation de son élection, l'épouse du président du MNR veut reprendre la ville. Le candidat de l'UMP et celui du PS doivent l'un et l'autre affronter un dissident dans leur propre camp
Sur les affiches, on ne voit qu'un gros cœur, comme sur les magazines pour midinettes des années 1970. Un cœur rouge barré d'un slogan : « Votons Catherine. Restons ensemble à Vitrolles. » Pas un mot du parti de « Catherine », le MNR, ni même la mention de son nom, celui qui l'identifie irrémédiablement à son mari et à son camp : Mégret. « Catherine » fait cependant campagne aux côtés de celui-ci, sur les marchés de Vitrolles, pour reconquérir la mairie, les 29 septembre et 6 octobre.
Mme Mégret, dont l'élection à la mairie a été invalidée pour cause de tract diffamatoire contre le candidat de droite André Rossi, mise désormais sur le lien affectif censé l'unir à ces électeurs qui l'ont déjà élue en 1997 et réélue en 2001. Ses tracts, parsemés de petits cœurs rouges, affirment donc qu'elle est « la plus courageuse, la plus proche, la plus efficace et la plus sympa ». Et lorsque des électeurs l'interrogent sur son programme, elle répète : « Je ne suis pas une professionnelle de la politique, je suis une maman... »
Le « professionnel » du couple, Bruno Mégret, celui que bien des Vitrollais évitent du regard lorsqu'ils s'adressent à « Catherine », ne la lâche pas d'une semelle. C'est lui qui, hors du champ des caméras, souffle les réponses lorsque les télévisions interrogent son épouse. Lui qui renvoie à « la gestion socialo-communiste du département » la passante qui proteste contre l'absence de construction du « rond-point que vous aviez pourtant promis, il y a cinq ans ». Lui qui la tire par le bras lorsqu'un forain du marché d'origine maghrébine s'étonne sincèrement : « Je ne comprends pas, je vote pour vous, je vous soutiens et la police municipale n'arrête pas de me contrôler ! »
C'est lui aussi qui siffle un « salopard ! » lorsque le couple croise Claude Bourge, le candidat du Front national qui mène campagne contre « la ruse et la trahison des Mégret » et pourrait leur grappiller des points. Lui, enfin, qui joue sa survie politique et celle de son parti dans cette bataille où le MNR a mis ses derniers moyens.
C'est la quatrième fois en sept ans que les Vitrollais doivent élire leur équipe municipale. La quatrième fois aussi que les Mégret sont de la bataille. Et l'enjeu est de taille. Car malgré le traumatisme national du 21 avril, qui a porté Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, ni les états-majors nationaux des partis, ni la droite et la gauche locale ne sont parvenus à faire taire leurs divisions dans ce qui est, depuis sept ans, un petit laboratoire de l'extrême droite en région PACA.
UNE CONFUSION VISIBLE
Sur les marchés, dans les escaliers d'immeuble où tous les candidats se croisent, la confusion est visible. A gauche, on trouve deux candidats. Et leurs déchirements ne sont pas minces. Depuis 1995, la gauche change de candidat à chaque élection sans parvenir à en installer un. Cette fois, le PS, le PCF et les Verts se sont accordés pour investir Guy Obino, un médecin de 65 ans venu au PS après être passé par la démocratie chrétienne et qui a, dit-il, « mis au monde près de 2 000 bébés de la ville ». Quand il parle de la gauche, il a une métaphore médicale : « J'ai pris une ambulance brinquebalante. » Mais lorsqu'il insiste sur son origine vitrollaise, c'est pour fustiger aussitôt « les Mégret, qui habitent Saint-Cloud », et «Tichadou, qui vit à l'Estaque, à Marseille ».
Dominique Tichadou, justement, est l'ancienne tête de liste du PS en 2001. Et il est déchaîné contre le docteur Obino, qu'il accuse « d'être un homme de droite doté d'une fausse carte du PS ! »
M. Tichadou, médecin lui aussi, a été élu conseiller général socialiste contre M. Mégret en 1998. C'est lui qui a déposé la requête ayant conduit à l'annulation de l'élection de Mme Mégret en juillet. « J'ai payé plus de 50 000 francs pour ce recours, sans l'aide du PS », dit-il, estimant que la tête de liste devait lui revenir.
Mais le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, patron du PS dans le département, Jean-Noël Guerini, l'a évincé. Motif officiel : en 2001, M. Tichadou n'était pas parvenu à faire l'union à gauche.
A droite, la situation est aussi confuse. Christian Borelli, un commerçant RPR investi par l'UMP, est accusé par Henri-Michel Porte, un médecin venu de DL, d'avoir été plusieurs fois condamné par la justice. L'intéressé ne dément pas, en ajoutant : « M. Porte était sur la même liste que moi, la dernière fois. Cela ne le gênait pas alors ! » Le patron de l'UMP des Bouches-du-Rhône, le ministre Renaud Muselier, dit lui-même que les ombres du passé du candidat UMP « sont des erreurs de jeunesse », mais les Mégret en ont évidemment fait un de leurs chevaux de bataille.
Les anti-mégretistes comptent sur le score du FN, et sur le bilan municipal des Mégret, plusieurs fois épinglé par la chambre régionale des comptes. A l'exception de Bruno Gollnisch, supporter de M. Bourge et François Bayrou, venu soutenir M. Porte, aucun leader national n'a voulu faire campagne à Vitrolles. Mais le président de l'UDF se fait peu d'illusions : « On ne pourrait imaginer une situation plus confortable pour les sortants. »