Catherine Mégret jugée à Aix en Provence dans une ambiance détestable
Article paru dans l'édition du Monde du 17.09.00
Comparaissant pour « discrimination », la maire de Vitrolles était soutenue par de nombreux partisans
Catherine Mégret, maire MNR de Vitrolles, et son premier adjoint comparassaient, vendredi 15 septembre, devant le tribunal d'Aix-en-Provence pour avoir mené, dans la ville qu'ils administrent, une politique sociale discriminatoire, basée sur le principe de la préférence nationale. La séance a été émaillée d'incidents et d'expulsions. Le procureur a requis une peine de deux ans d'inégibilité.
Jean-François Galvaire, avocat de Catherine Mégret, maire MNR de Vitrolles et de Hubert Fayard, son premier adjoint, l'a affirmé dès les premiers mots de sa plaidoirie : « Il s'agit d'un procès politique ». Accusée de provocation à la discrimination et de discrimination pour avoir institué une allocation de naissance réservée aux familles de nationalité française ou européenne, Mme Mégret joue à l'audience une partition déstabilisante pour l'institution judiciaire. Passant de la désinvolture à la colère, la maire refuse de répondre à nombre de questions du président Alain Ramy.
Puis elle l'accuse de « s'immiscer dans la gestion de la ville », lui demande s'il a « déjà acheté des couches », avant de l'apostropher : « Monsieur le président, vous avez entendu parler de la séparation des pouvoirs ? ». Ses interventions provoquent les approbations bruyantes d'une salle étrangement remplie de ses seuls partisans. Puis elle défend à sa manière, brutale, la préférence nationale : « Les familles françaises ne font plus d'enfants » tandis que, d'Afrique, « on se propose d'en faire venir à la pelle des bébés, demandez à l'ONU, il y a un rapport là-dessus ».
Emaillée d'incidents, d'expulsions successives d'élus du MNR après qu'ils aient tenté de perturber les débats, l'audience est tendue. L'atmosphère devient irrespirable durant les plaidoiries des parties civiles (UNAF, Licra, MRAP, SOS-Racisme, Ligue des droits de l'homme). Me Mignard, pour l'Union nationale des associations familiales, dessine le cadre dans lequel toutes les autres plaidoiries vont s'inscrire : « Le simple fait de publier [la délibération municipale discriminante] produit l'effet », souligne-t-il, rappelant le principe fondamental de droit français « qu'en matière de prestations familiales les critères de nationalité sont formellement exclus ». Catherine Mégret hausse alors le ton, coupant l'un après l'autre les avocats adverses, relayée par un autre élu mégretiste, Jean-Yves Le Gallou, qui finira par être expulsé. Assis lui aussi dans les rangs du public, Bruno Mégret coupe la parole à l'avocat du MRAP. Il est à son tour expulsé et crie encore : « Je m'exclus tout seul ! ». Ses militants se lèvent, quittent la salle, tandis qu'une responsable frontiste de Vitrolles s'écrie : « Ce tribunal est un merdier ». La procureur, exaspérée demande qu'on interpelle l'auteur de cet outrage... qui file tranquillement sous les yeux des policiers.
AVOCATS EXCÉDÉS
Le climat est toujours aussi détestable à l'ouverture de la séance de l'après-midi. Mme Mégret refuse d'entrer sans son mari, qui dénonce devant les caméras « ce tribunal politique qui n'accepte pas la contradiction ». Excédés par les difficultés qu'ils ont eues à plaider, les avocats des parties civiles annoncent qu'ils se retireront « dès les derniers mots de Madame le procureur prononcés ». Celle-ci, terminant son réquisitoire par la lecture, lente, de l'article 2 de la Constitution qui proclame « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion », requiert alors quatre à six mois de prison avec sursis ou une amende de 100 000 francs, et une inéligibilité de deux années contre les deux prévenus. Me Galvaire s'insurge alors que l'on puisse « reprocher à deux élus français d'avoir favorisé des Français ou des ressortissants communautaires », avant d'expliquer qu'il n'y a « pas de victimes dans ce dossier ».
Dehors, à l'appel d'associations, de syndicats ou de partis de gauche, près de cent cinquante personnes, principalement des lycéens, sont venus protester contre la « préférence nationale ». Associant souvent les deux dirigeants de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret, ils défilent en reprenant le slogan désormais classique : « Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d'immigrés », et en inventent un de circonstance : « Libérez José Bové, enfermez Catherine Mégret ».