Marignane: le dortoir abandonné
Le vote pied-noir sera déterminant
Le glissement de la droite vers l'extrême-droite s'est fait sans qu'on y prenne garde. Et depuis, rien n'a été tenté par les partis pour déloger Daniel Simonpieri
La France politique se moque-t-elle du sort de Marignane? Les rares représentants associatifs de la ville en sont convaincus. Comme si le drame de Marignane n'était pas seulement lié à la présence d'un maire d'extrême-droite mais surtout à l'indifférence dont est victime cette commune de 35000 habitants, cité-dortoir de la middle class des Bouches-du-Rhône et capitale des pieds-noirs.
Dans les années 80, Laurens Deleuil, âgé aujourd'hui de 82 ans, ancien maire divers-droite de la commune de 1947 à
Représente-t-il le renouveau? En 1995, la droite avait offert la ville sur un plateau à Simonpieri en maintenant deux de ses représentants au deuxième tour: Guy Martin était dans le coup. En 1989, il comptait déjà 17 encartés FN sur sa liste. Depuis, l'homme a changé au point de devenir la bête noire de Simonpieri. Mais il aura du mal à faire croire que la droite a enfin décidé de faire de Marignane une priorité.
Quand Michèle Alliot-Marie se rend dans le département pour donner un coup de pouce à Christian Rossi, le candidat de la droite à Vitrolles, elle oublie Marignane sur son trajet provençal. Un tel manque de combativité conforte la rumeur selon laquelle Simonpieri - qui a quitté Le Pen pour Mégret - livre son dernier combat sous les couleurs du MNR avant de rallier un parti de droite, sans doute le RPR, habitué, depuis la récupération du maire de Nice, Jacques Peyrat, à jouer la carte du recyclage des élus d'extrême-droite.
A gauche,
Les directions nationales ont visiblement fait une croix sur Marignane, qui vivote, le seul bilan de Simonpieri relevant de la classique autoglorification fiscale propre aux maires d'extrême-droite. Pourra-t-il toujours compter sur un vote pied-noir influent, représentant environ le tiers de l'électorat marignanais? En 1962, Laurens Deleuil a su accueillir cette communauté à bras ouverts. Mais, ici, les rapatriés d'Algérie ont préparé "Jean-Marie". Et en 1995, à travers Simonpieri, ils ont voté Le Pen. Ce dernier a assuré que le Front national rendra la vie difficile au MNR pour les élections municipales. Dans ce sinistre imbroglio, ce sera aux Marignanais seuls de choisir.
Choisir de donner quitus à un homme qui, jeune sportif, prenait sa douche après les matchs de handball en exhibant une croix gammée à son cou. Un homme qui laisse un de ses adjoints dire que la seule solution pour régler l'épineux problème des gens du voyage est de mettre en place des camps départementaux. Un maire qui salue la foule en brandissant les trois doigts, symbole de l'hommage des partis d'extrême-droite européens au IIIe Reich, et se précipite dans les bras de la ville italienne de Chieti alors que cette dernière vient de tomber dans l'escarcelle du MSI italien, pour y signer un accord de jumelage... Simonpieri ou l'alternative républicaine. Avec, en filigrane, la plaie de la guerre d'Algérie. L'horizon de mars 2001 est loin d'être dégagé à Marignane.
Stéphane Menu