Le Pen-Mégret... ou la manière de faire
Paru dans l’Humanité du 07/12/1998
Bataille rangée samedi au conseil national du FN. Les deux "chefs" partagent les mêmes objectifs. Ils divergent sur la méthode.
C’EST bien un règlement de comptes qui a eu lieu samedi à la Maison de la chimie à Paris où se réunissait Ä à huis clos Ä le conseil national du Front national. Avec une partie du spectacle dans la salle, l’autre dans la rue. A l’affiche : la purge anti-Mégret accompagnée de cris, de huées, de bousculades, de noms d’oiseaux et quelques démonstrations musclées.
La journée a commencé par l’expulsion de la salle de deux proches de Bruno Mégret. Première sortie, Nathalie Debaille, membre du cabinet de Mégret, qui, sur le trottoir de la rue Saint-Dominique, s’étonnait d’avoir été licenciée "pour des raisons économiques" alors que le même jour quatre personnes, dont deux de la famille de Le Pen, "ont été embauchées". Pour elle, "la purge anti-Mégret a commencé". Deuxième sortie, celle d’Hubert Fayard, premier adjoint au maire de Vitrolles, qui déclarait : "On ne m’a jamais traité de la sorte." Au même moment, dans la salle, éclats de voix et applaudissements alternaient selon qui pouvait se faire entendre.
Franck Timmermans, secrétaire général adjoint du FN, évoquait une "injustice", un conseiller régional de PACA, Stéphane Durbel, répliquait en condamnant "un véritable parricide", rappelant aux mégretistes "qui vous a fait rois", les proches du maire consort de Vitrolles demandaient des "explications", un conseiller régional de Rhône-Alpes, Alain Breuil, défendait les "exclus" en s’interrogeant sur les "performances" électorale de Jean-Claude Martinez (le directeur de la campagne des élections européennes) avant d’être raccompagné, lui aussi, vers la sortie. Bref, les chaises n’ont pas volé mais on en était arrivé à l’extrême limite avant de faire appel à Police-Secours, aux pompiers et au SAMU. La guerre larvée entre Le Pen et Mégret a éclaté publiquement samedi dans une Maison de la chimie peut habituée Ä malgré son nom Ä à ce genre d’explosion.
La crise couve depuis des mois. Raison officielle : Bruno Mégret est coupable de vouloir s’emparer du parti et revendique une place de choix sur la liste des candidats aux élections européennes. Les véritables motifs sont d’ordre stratégique même si des rivalités personnelles ne sont pas à négliger. Le Pen veut garder le cap d’un FN "pur et dur" alors que Mégret, dont les dents de l’ambition rayent tous les parquets, s’accommoderait d’alliances avec la droite traditionnelle quitte à mettre en sourdine quelques-unes de ses phobies. Raciste et xénophobe, Mégret l’est et le reste comme en témoigne sa gestion de Vitrolles. Le maire consort n’a-t-il pas, par exemple, tenté de mettre en application la "préférence nationale" dans cette ville des Bouches-du-Rhône ?
La brutalité de Le Pen et de ses amis ne peut absoudre un Mégret silencieux, perfide et machiavélique. La différence entre les deux hommes portent sur la manière de faire. Pas sur les buts.