L’armement des polices municipales est autorisé sous conditions
Paru dans l’Humanité du 02/04/1998
Le projet de loi présenté hier par le ministre de l’Intérieur entend clarifier le statut des policiers municipaux.
Le Conseil des ministres a donné hier matin son quitus au projet de loi sur les polices municipales, présenté par le ministre de l’Intérieur. Ce texte, qui devrait être débattu en première lecture à l’Assemblée nationale le 29 avril, comprend vingt articles, qui visent notamment, selon les mots de Jean-Pierre Chevènement, à "mettre enfin un peu de clarté dans le r"le des polices municipales". Si le projet est adopté, leurs droits et leurs prérogatives seront donc à l’avenir enfin sérieusement délimités. Pour le moins dans les communes comptant au moins cinq agents de police municipale, où le préfet et le maire devront édicter en commun, après avis du procureur de la République, un règlement de coordination. Celui-ci définira le cadre dans lequel les policiers municipaux pourront intervenir et les modalités de leur coordination avec l’action de la police ou de la gendarmerie nationales.
Le projet de loi annonce également la création d’un "code de déontologie" qui sera "établi par décret du Conseil d’Etat". Afin d’éviter toute confusion avec la police nationale, la tenue des policiers municipaux sera unifiée dans tout le pays. De même pour la signalisation de leurs véhicules de service. Il sera créé une commission consultative des polices municipales auprès du ministre de l’Intérieur. Cette instance, composée pour moitié de représentants de l’Etat et pour moitié de ceux des maires et des policiers municipaux, sera consultée sur les caractéristiques des tenues et des équipements, ainsi que sur l’inspection d’un service de police municipale que pourra ordonner le ministre, sur demande du maire notamment. Enfin, la formation des policiers municipaux sera unifiée, une formation continue, "dispensée en cours de carrière et adaptée aux besoins des services", par le Centre national de la fonction publique territoriale, devant venir s’ajouter à la formation initiale.
Toutes ces mesures ont été généralement bien accueillies tant il y avait urgence à placer des garde-fous devant la prolifération un peu sauvage de ces polices, quelquefois utilisées comme "gardes prétoriennes" des intérêts politiciens de quelques édiles locaux, comme à Vitrolles, où les incidents se sont multipliés depuis l’arrivée du FN à la tête de la municipalité. Elles sortiront d’un statut très flou les 12.000 agents en fonctions dans les quelque 3.000 communes ayant fait ce choix, souvent dicté par l’insuffisance des moyens dont disposent la police et la gendarmerie nationales pour assumer leurs missions de sécurité publique de proximité.
D’autres mesures, en revanche, n’échapperont pas à la polémique. Telle celle concernant l’armement de ces polices, auquel l’ensemble des syndicats de la police nationale est opposé, à l’inverse des syndicats de policiers municipaux, qui demandent son maintien, car c’est déjà une réalité pour un tiers des effectifs. Le projet de loi prévoit que "les agents de police municipale ne pourront être armés". Mais le port d’armes, y compris d’armes à feu de quatrième catégorie, pourra être... autorisé nominativement par le préfet, sur demande motivée du maire, dans le cas de "missions et circonstances particulières" le justifiant. Une manière de ne pas trancher sur cette question sensible, qui ne satisfait ni les uns ni les autres. Le Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-CFTC) a déjà annoncé son intention de "bouger si le projet passe ainsi, notamment dans le Sud-Est".
Autre mesure sujette à discussion, le renforcement des compétences judiciaires des policiers municipaux. Agents de police judiciaire adjoints, assermentés et agréés par les préfets et procureurs, ils pourront désormais relever l’identité des contrevenants, non seulement aux arrêtés du maire, mais aussi à "certaines infractions au Code de la route". Un exercice relevant jusque-là de la police et de la gendarmerie nationales. Cette mesure ne confortera-t-elle pas ceux qui craignent de voir l’Etat abandonner une partie de ses fonctions régaliennes et pérenniser en quelque sorte une politique de sécurité à deux vitesses ? Jean-Pierre Chevènement répond en rappelant "que la sécurité est d’abord l’apanage de l’Etat et de la police nationale, dans les zones urbaines, parce qu’on ne peut pas accepter qu’il y ait des communes riches où il y aurait une sécurité bien assurée et des communes pauvres où elle ne le serait pas".