Vitrolles : la droite se retire et la gauche veut mobiliser
Article paru dans l'édition de l’HUMANITE du 4 février 1997.
SEULE une mobilisation exceptionnelle des électeurs démocrates et républicains de Vitrolles peut empêcher le Front national de s’emparer, dimanche prochain, de cette ville de 39.000 habitants située sur les rives de l’étang de Berre, au nord de Marseille. Les résultats du premier tour sont limpides : en obtenant 46,69% des suffrages, la liste lepéniste conduite par Catherine Mégret améliore, en voix et en pourcentage, le précédent score du FN. Elle distance de 9,7% la liste d’union de la gauche de Jean-Jacques Anglade, le maire socialiste sortant, invalidé par le Conseil d’Etat.
De son côté, la liste UDF-RPR de Roger Guichard (16,3% au premier tour soit un gain de 2,8% sur juin 1995) a annoncé hier son retrait en vue du deuxième tour. Dans un premier temps, le chef de file local de la droite avait demandé à Jean-Jacques Anglade de s’effacer de la bataille, en avançant que le maire sortant « n’était plus le meilleur rempart face au FN ».
Jugée totalement irréaliste par ses propres amis, cette position n’a pas tenu très longtemps. Dès dimanche soir, réunis autour du ministre UDF et maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, et de son premier adjoint et député RPR Renaud Muselier, les principaux responsables régionaux de la majorité gouvernementale estimaient inévitable le retrait de leur candidat. Ils considéraient que c’était la meilleure stratégie pour empêcher le FN de s’emparer d’une quatrième ville dans le Sud-Est.
Hier soir, Roger Guichard a expliqué les raisons de ce retrait : « Nous avions le choix de nous maintenir. Nous ne le ferons pas, car nous voulons marquer fermement notre opposition symbolique au Front national. (...) Je demande aux Vitrollais d’avoir une attitude républicaine et de voter en leur âme et conscience. »
Cette déclaration a été précédée d’une série de prises de position des responsables nationaux de l’UDF et du RPR. Et pas toujours convergentes. Autant le premier ministre Alain Juppé, le secrétaire général du RPR Jean-François Mancel, ou le président du groupe UDF à l’Assemblée Gilles de Robien ont soutenu la nécessité du retrait tout en ne se revendiquant pas d’un « front républicain », autant des personnalités comme Alain Madelin, ou encore le ministre des Affaires étrangères Hervé de Charette ont plaidé en faveur du maintien de la droite.
Ces divergences pourraient compliquer l’attitude, au second tour, des 2.452 Vitrollais qui ont opté pour la liste Guichard dimanche dernier. D’autant plus qu’une partie de cet électorat passe pour être très sensible aux thèmes de l’insécurité, de la corruption, de l’immigration, « du rejet des Parisiens », thèmes qui sont martelés par le Front national depuis juin 1995. En outre, le FN ne manquera pas, entre les deux tours, de mettre en avant la présence sur sa liste de Raymond Leclerc, ancienne figure locale du RPR, devenu directeur de cabinet du maire lepéniste de Marignane.
Si les conséquences de l’absence de la droite à ce second tour restent relativement imprévisibles, les composantes de la gauche savent, en tout cas, qu’elles doivent s’adresser, sans exclusive, à tous ceux qui ne veulent pas d’un maire lepéniste. Nombre de candidats socialistes, communistes, écologistes ou sans appartenance estiment que le mauvais résultat de la liste de gauche, en recul de 5% sur 1995, exprime les critiques très vives d’une partie de l’électorat de gauche à l’encontre de la gestion du maire sortant. Une analyse confirmée par un taux d’abstention plus élevé dans les cités HLM que dans les lotissements pavillonnaires.
Mais cette attitude critique, entendue comme un message de premier tour, n’exclut pas la possibilité de rassembler très largement à gauche et au-delà de la gauche dimanche prochain. C’est à cette condition que peut se renouveler le mouvement qui s’était opéré entre les deux tours de juin 1995. Au terme d’une participation électorale sans précédent (85,1% de votants), la liste d’union était alors parvenue à coiffer de 353 voix celle de l’extrême droite.
C’est d’ailleurs en faisant référence à cette mobilisation que le premier secrétaire du Parti socialiste, Lionel Jospin, a décidé de se rendre demain soir à Vitrolles. D’autres personnalités de gauche pourraient être du déplacement. Dans le même temps, et à la stupéfaction de beaucoup, la secrétaire de la section locale du PS, Agnès Froppier, a déclaré dans un communiqué que « seul un front républicain peut encore sauver la ville. Mais sans le maire désavoué ». Sur place, ces propos sont jugés « irresponsables ». « La priorité des priorités, confie un militant socialiste, est de battre le Front national. »