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Pour mieux connaitre  l’histoire politique de Vitrolles, gérée pendant 5 années (1997 - 2002) par l'extrême droite et le couple Bruno et Catherine MEGRET, plus de 200 articles de presse sont à votre disposition (colonne de droite, rubrique "thèmes" sur ce blog). A l'heure de la banalisation de l'extrême droite, un devoir de mémoire s'impose avec l'expérience vécue à  Vitrolles.

Cette histoire politique est désormais complétée par des vidéos que vous pouvez retrouver dans le thème "l'histoire politique de Vitrolles en vidéo", dans la colonne de droite. Cette rubrique sera renseignée au fil du temps.

@ DH
5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 18:05


Dans une ville toujours blessée, cette fois, la gauche est unie

 
 
 

Article paru dans le journal l’HUMANITE du 28 janvier 1997

 
 
 

Au nord de Marseille, une commune de 38.000 habitants va-t-elle tomber aux mains du Front national à l’occasion des municipales partielles des 2 et 9 février. Jusqu’à vendredi, « l’Humanité » publie une série de reportages sur un scrutin qui dépasse le cadre local. Aujourd’hui : la campagne de la gauche.

 
 
 
De notre envoyé spécial à Vitrolles.
 
 
 

SCELLEE au mur près de l’entrée, l’alarme clignote, prête à hurler. Devant la porte, Max, un berger allemand, passe la gueule dans la grille. Au deuxième coup de sonnette, le couloir s’éclaire. Une main actionne trois verrous puis s’avance dans l’entrebâillement de la porte. Une main anonyme, sans corps, sans visage, qui prend le journal de campagne de la liste de gauche, disparaît, ferme les trois verrous. L’alarme reste branchée, et Max garde les oreilles dressées.

 
 
 

Ce soir-là, sous la lune et dans le froid, un élu communiste et une candidate sans appartenance font campagne au nom d’Ensemble pour Vitrolles, la liste que conduit le maire PS sortant, Jean-Jacques Anglade. A la différence de juin 1995, où les composantes de la gauche étaient parties à la bataille du premier tour sous cinq bannières différentes, l’union l’a cette fois emporté. Avec une liste pluraliste, élargie à des personnalités locales, ouverte à des associations sur la base d’une charte commune.

 
 
 

Et c’est cette union nouvelle qui, ce soir-là, frappe aux portes des maisons d’un lotissement pavillonnaire. Beaucoup restent fermées. Parfois des bruits de pas, des chuchotements, une ombre sur un œil de bœuf. Parfois un volet qui s’entrouvre à l’étage, une femme derrière le volet qui dit : « Mettez ça dans la boîte aux lettres », en montrant la boîte, là, au-dessus de la photo d’un chien qui prévient : « Attention, je suis méchant. » Parfois, des portes s’ouvrent vraiment, des mains se tendent franchement, les candidats parlent longuement à un homme ou une femme qui semble les écouter, mais ne dit rien, simplement : « Merci, au revoir. »

 
 
 

Une seule fois, ce soir-là, une vitrollaise rompt silence et convenances. Petite, brune, la trentaine, ses premiers mots sont : « Je suis déçue de tout. » Elle ouvre sa poubelle et jette le journal. Les candidats veulent comprendre.

 
 
 

« Qu’avez-vous à reprocher à la municipalité ?

 
 
 

-Je suis mère de famille, je travaille très tôt le matin, et qu’est-ce que je fais des gosses en attendant l’ouverture du centre aéré à 8 h 20 ? Rien n’est fait pour les gens comme moi. Chaque fois que je suis allée à la mairie, je me suis fait jeter. Et pourtant, je suis à gauche, je sais très bien ce que représente le Front national, je suis formatrice dans les quartiers nord de Marseille ; tout ça, je connais. Pour moi, ça va de plus en plus mal. »

 
 
 

Les candidats l’écoutent. La secouent : « Si vous ne votez pas, c’est Mégret qui passe. » Ou lui disent, comme Danielle Lachapelle : « Si ça ne vous gêne pas d’avoir le Front national à la mairie, tant mieux pour vous. Mais moi, je ne veux pas vivre dans une ville où l’on m’empêchera de lire certains livres et de penser librement. » Pas de complaisance. Mais en sachant parfaitement que la colère de cette femme est sincère. Qu’elle ose la déclarer quand d’autres, juste à côté, un peu avant, ont préféré ne pas ouvrir leur porte. Que dans une enquête d’opinion réalisée après les municipales de juin 95 où le Front national venait de ramasser 43%, moins de 20% reconnaissaient avoir voté FN. Alors, avant de se quitter, ils lui disent : « Si la gauche gagne, ce ne sera pas comme avant. »

 
 
 

Jean-Jacques Anglade lui-même ne se dérobe pas : « En juin 95, le soir du premier tour, j’ai reçu une grande baffe, et depuis un an et demi, nous avons fait beaucoup pour nous rapprocher de la population. » A l’appui de cette autocritique, le maire cite la création de quinze comités de quartier dotés de cinq antennes de proximité, conçues comme des mairies annexes. L’insécurité pesant lourd dans le vote FN, il cite les actions de prévention dans les bus, l’installation de caméras de surveillance sur certains parkings qui ont fait sensiblement diminuer les vols de voitures, ou encore l’organisation de week-end pour les jeunes qui n’ont rien.

 
 
 

Autre signe de changement, la campagne Anglade 97 n’a plus rien de commun avec celle de 95. Echaudée par une opération marketing outrancièrement personnalisée, la tête de liste de la gauche privilégie le terrain. A chaque occasion, il souligne la diversité des candidats et affirme une volonté de donner la parole aux Vitrollais. Ce jour-là, aux Cadenières, un quartier de villas, quand une jeune femme se plaint des six cents francs de transport scolaire à payer tous les deux mois pour ses trois enfants, le maire prend son dictaphone et y note un nom, une adresse, un problème précis, une promesse d’explication.

 
 
 

Un peu plus loin, quand une voisine, au chômage, dit ne pas comprendre pourquoi elle n’est pas embauchée comme agent de service dans une école alors qu’elle en fait la demande depuis quatre ans, il dicte les éléments du dossier, précise : « Je ne vous promets pas de miracle », ajoute : « Nous signons des contrats avec des entreprises pour favoriser l’emploi de Vitrollais. » Et quand un jeune l’aborde pour un rendez-vous, il sort son agenda et lui propose : « samedi matin, 8 heures ».

 
 
 

Parfois, c’est lui qui pose les questions. « Vous vous plaisez à Vitrolles ? », demande-t-il à une vieille dame installée ici depuis peu pour se rapprocher de ses enfants. Elle sourit, ne veut pas lui faire de peine et pourtant, comment dire, « Je ne manque de rien ici, il y a tout ce qu’il faut, mais je ne me sens pas dans mon élément. Je me languis de Marseille. »

 
 
 
GILLES SMADJA
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Published by Didier HACQUART - dans Histoire politique de Vitrolles : 1988 - 1997