Changement climatique : quelques remarques sur le rapport de juillet 2006 de nos parlementaires
Mon collègue Philippe GARDIOL, Adjoint au Maire à Vitrolles, nous interpelle sur son blog comme je l’avais fait cet été sur la canicule (http://lesverts-vitrolles.over-blog.com/article-3227118.html
Il fait état d’un rapport des sénateurs est effectivement sorti cet été à ce sujet ( http://www.senat.fr/rap/r05-426/r05-426.html ) et dont j’avais aussi noté la sortie.
J’ai pris la peine de le lire (plus de 200 pages). Il est extrêmement intéressant à plusieurs titres, même si je le ne partage pas totalement sur plusieurs points.
Philippe en a fait un très bon résumé. Je ne reviendrai donc pas dessus.
J’ai par contre retenu les points suivants :
- Ce rapport a été réalisé par des députés et sénateurs de droite comme de gauche
Il est très bien, que le problème soulevé du dérèglement du climat dépasse donc les clivages politiques. J’espère que les partis politiques s’empareront dans leurs programmes présidentiels de cette problématique et que le rapport ne restera pas lettre morte.
- Dans son introduction le rapport fait état des travaux du club de Rome qui dès les années 70 prônait la nécessité d’une croissance 0.
Si la croissance 0 voire la décroissance prônée par les écologistes est décriée aujourd’hui, on s’aperçoit donc que même les "milieux autorisés" et aussi sérieux que le Club de Rome s’y intéressent depuis plus de 30 ans…
- Contrairement aux médias classiques, les TF1 and Co, qui jusqu’à cet été « rassuraient » le bon peuple sur la canicule qu’il ne fallait pas prendre pour un réchauffement de la planète, nos élus nous apprennent que le réchauffement est bien en marche, et que la conviction est acquise depuis de nombreuses années par les milieux scientifiques…
De qui se moque – t – on ? Quels sont les intérêts en jeu ?...
Le plus étonnant est à venir : (« extraits du rapport »)
Ce point est probablement l'un des éléments essentiels d'une réflexion prospective sur le développement durable.
Un système économique mondial nouveau s'est instauré depuis une vingtaine d'années sans que l'on en perçoive immédiatement tous les effets et qu'on puisse en distinguer les conséquences à des termes d'une ou deux générations.
Or, compte tenu du rapprochement des échéances tant en matière de changement climatique que de raréfaction des ressources de la planète, il est indispensable d'analyser de façon succincte les mécanismes de régulation de la mondialisation au regard de la nécessité de promouvoir une plus grande durabilité de développement sur la planète.
Le réseau mondial Internet, dont les États peinent à réguler les créations et à diriger la gouvernance, illustre l'indépendance croissante de la sphère économique mondiale vis-à-vis des États.
Certes, les plus puissants d'entre eux conservent encore un pouvoir sur l'économie ; mais c'est plus un pouvoir d'empêcher que de diriger ou même d'infléchir.
Ce pouvoir politique doit s'inscrire dans des limites de plus en plus étroites car la mondialisation des flux économiques s'est accompagnée, la création du marché unique européen et celle de l'OMC aidant, de la mise en place d'un corpus de normes juridiques internationales qui restreignent le champ d'intervention des États. »
Nos élus politiques français de Gauche comme de Droite reconnaissent donc officiellement qu’ils n’ont plus de pouvoir. Nous avions un doute, mais au moins, là c’est reconnu officiellement.
« En matière de développement durable, ce retrait de l'État de la sphère de l'économie peut avoir une conséquence fâcheuse. Les investissements nécessaires à la transition énergétique sont des investissements lourds qui impliqueront de s'exonérer d'un droit de la concurrence de plus en plus exigeant. Et il n'est pas certain que les fondements juridiques de la réalisation de cette transition soient aujourd'hui acquis. Par exemple, on ne pourrait pas actuellement développer la filière électronucléaire française sur le même mode juridique que dans les années soixante-dix » (heureusement !)
En premier lieu, il faut rappeler que la logique initiale de l'offre d'entreprise n'a que des rapports assez lointains avec la nécessité d'adopter un style de consommation plus raisonnée. Qu'il s'agisse de l'électricité, des voitures, de la téléphonie mobile ou des séjours de vacances, le but des entreprises est de produire et de vendre plus, indépendamment des déséconomies externes que cela peut générer. A côté de ce principe de base, les aspirations des consommateurs en faveur de l'éthique, des produits biologiques ou du commerce équitable et du développement durable pèsent encore bien peu.
Il existe une contradiction de plus en plus marquée entre certaines structures de l'économie financière internationale et le développement durable.
Le poids des fonds de pension dans l'actionnariat résultant du vieillissement de la population et la pression nouvelle et constante, à l'échelon mondial, des instituts de notation ou d'évaluation des résultats des grandes entreprises, remodèlent depuis quelques années les échéanciers de retour sur investissement et donc de recherche d'une durabilité de développement ; or, celle-ci ne peut s'adosser qu'à des durées plus longues que l'annualité des conseils d'administration des entreprises, ou la quotidienneté des cotations des marchés financiers.
En théorie économique, le flux du commerce international repose sur une division mondiale du travail, elle-même assise sur les différents coûts marginaux des facteurs de production.
Concrètement, cela signifie, pour chaque type de bien, qu'il sera produit dans les pays où ces coûts globaux de facteurs production (capital, travail, technologie) seront les moins élevés.
Ce mode d'organisation de la production a sa justification dans un système de marché ouvert au sein duquel une grande partie de la concurrence s'effectue sur les prix.
Mais cette gouvernance, par les coûts de facteurs, aboutit à générer des flux économiques, en contradiction avec les exigences d'une plus grande durabilité de développement. Comme de fabriquer pour le marché européen en Chine et de transporter de Chine des textiles qui pourraient être produits au Maghreb ou de pêcher des crevettes en Norvège et les faire décortiquer au Maroc pour les faire consommer dans le nord de l'Europe. »
Intéressant non ?
Les élus Députés et Sénateurs de Droite et de Gauche reconnaissent les méfaits de la mondialisation et sa logique financière, qui à terme va mettre en péril la planète ! Je pense que là, nous avons fait un grand pas…
Un peu plus loin dans le rapport :
Dans le meilleur des cas, les choix politiques ou les décisions d'entreprises se prennent pour le lendemain, c'est-à-dire pour le moyen terme
Cette vision classique est d'ailleurs actuellement ébranlée par des raccourcissements des cycles politiques et de la gouvernance d'entreprise qui privilégie de plus en plus les temps courts.
Or, une des caractéristiques du développement durable est qu'il s'insère dans des temps longs ou très longs.
Qu'il s'agisse de limiter les effets du réchauffement climatique ou de mettre en place des modes de fonctionnement sociaux plus économes en énergie, les décisions prises aujourd'hui ne s'appliqueront qu'après-demain, et même au-delà. Par exemple, changer la donne énergétique d'un pays, comme la France l'a fait avec la filière électronucléaire ou comme l'Allemagne tente de le faire en sortant du nucléaire suppose de prendre des décisions qui seront de pleine application trente ans après.
Dans un système d'organisation sociale et de mécanisme de décisions où les temps courts l'emportent, la mise en œuvre d'un développement durable doit retrouver des lignes de force qui réincorporent la nécessité de la durée dans la trame des décisions.
Mais ces décisions doivent aussi s'insérer dans une chaîne de comportements qui va des pouvoirs publics aux acteurs individuels de l'économie. Il ne suffit pas, par exemple, que les Gouvernements édictent des standards favorables à la production d'équipements ménagers plus économes en énergie et que les industriels proposent une offre ; il est aussi nécessaire que le citoyen consommateur prenne en considération cette offre.
A chaque stade de leur promotion, la mise en œuvre de modalités de développement plus durable se situe à la convergence de données physiques incontournables et de choix conscients dont l'horizon de réalisation n'est pas identique.
Ceci vaut pour chacun des grands domaines concernés :
- les rythmes de la biosphère,
- le tempo de mise en oeuvre des avancées scientifiques et de leur développement technologique,
- les règles de décisions de l'économie mondialisée de marché,
- et les multiples respirations de temps qui gouvernent l'inflexion des comportements sociaux. »
Tiens, tiens, il faudrait redonner un peu plus de poids au politique qui devrait gérer sur le long terme et pas comme sur le court terme entre 2 échéances électorales comme les entreprises vis-à-vis de leurs actionnaires !…
En conclusion, j’espère que ce rapport, que je vous engage à lire, sera plus qu’une prise de conscience de nos élus politiques, mais la base d’une véritable réflexion, même si comme je le rappelle, je n'en partage pas tous les aspects.
Comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, l’environnement et l’avenir de la planète seront les enjeux des années à venir, et devrait être un thème central de la prochaine Présidentielle.
Ce rapport rappelle bien la nécessité pour les politiques de se réapproprier le pouvoir dans l’intérêt de la planète et de ses habitants. Il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
Comme je l’ai déjà aussi dit, je pense que le système économique actuel arrive à ses limites… Quel est la pertinence d’une rentabilité à 10% et plus pour les actionnaires, si nous sommes tous condamnés à mourir dans une planète détruite par nous – mêmes ?
A suivre…