35 heures, tout le monde s’y perd dans les statiques
Libération a fait un bon papier pour s’y retrouver dans les statistiques sur les 35 heures. Travaillons-nous, oui ou non plus que nos collègues allemands ?
En fait, COPE, PARISOT, Yan BARTHES, HAMON etc. sortent tous des chiffres différents mais ils ont tous ont raison, la question étant de savoir de quoi on parle, et qui comparer ! Il est évident que cela n’éclaire pas le débat.
Libération a donc trouvé l’indicateur qui effectivement est pertinent, de part mon expérience de syndicaliste dans le monde de l’industrie et qui a négocié des accords sur le temps de travail !
La référence retenue est le temps de travail annuel, qui conclue qu’en France nous travaillons plus qu’en Allemagne (nouvelle référence de Nicolas SARKOZY) et ce malgré les 35 heures décriées par l’UMP, la droite dans son ensemble avec le MODEM et le MEDEF, sans oublier une frange du PS !
DH
35 heures : la foire aux statistiques
DESINTOX
Par CÉDRIC MATHIOT, LUC PEILLON
La semaine de travail en France, dure-t-elle 37 heures, comme le pense le porte-parole du Parti socialiste, BenoîtHamon. Est-ce 39 heures, comme l’affirment François Chérèque, le leader de la CFDT et Laurence Parisot, la patronne du Medef ? Moins que ça, comme l’estime le secrétaire général de l’UMP, Jean François Copé ? Ou bien 41 heures comme l’assure le chroniqueur de Canal + Yann Barthes?
INTOX
Impossible, dans le débat enflammé sur les 35 heures, de s’y retrouver. Combien de temps les Français travaillent-ils ? Est-ce plus ou moins que nos voisins allemands ? A chacun sa statistique, lâchée sans explication ni référence, brandie avec comme seul objectif de valider sa position. Début Janvier, Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, citant l’institut statistique européen Eurostat, affirme que l’on travaille en France, «en moyenne, à la semaine, 37 heures». Et d’ajouter : «[Cette durée] est de 36,2 en Allemagne.» Les Français travaillent donc plus que les Allemands.
Dans la foulée, Yann Barthes, présentateur du Petit journal, sur Canal +, entreprend de «vérifier» les propos d’Hamon, et, se référant lui aussi à Eurostat, trouve de tout autres chiffres. «Je vous le donne en mille. France : 41 heures, derrière l’Allemagne, 41,7.»
Benoît Hamon épinglé par Yann Barthès Vidéo OZAP sélectionnée dans TV/Séries
Quelques jours plus tard, c’est au tour de Laurence Parisot de livrer ses statistiques. La patronne du Medef pioche elle aussi dans les données d’Eurostat, d’où elle dégotte… encore un autre chiffre : les Français travaillent 39,4 heures, les Allemands 40,6.
Alors, 37, 39 ou 41 ? Le 20 janvier, l’émission A vous de juger sur France 2 réunit Jean-François Copé, secrétaire général de L’UMP, et François Chérèque… qui ne permettent pas d’y voir plus clair. Le secrétaire de la CFDT cite les mêmes chiffres que Parisot : «La durée réelle dans les entreprises en France, c’est 39 heures.» Sauf que Chérèque affirme que c’est davantage que les Allemands… quand la patronne du Medef disait l’inverse. Quant à Copé, il renvoie Chérèque et Parisot dos à dos, et balaye le chiffre de 39 heures : «Non, dans les entreprises, on ne travaille pas 39 heures. C’est la durée pour l’ensemble des gens qui travaillent, c’est-à-dire y compris les non-salariés, les travailleurs indépendants, les agriculteurs...» Bref, personne n'est d'accord.
DESINTOX
L’explication de ce bourbier statistique est double. Primo : la plupart de ces responsables parlent de choses différentes. Secundo : certains - Chérèque et Copé - s’emmêlent les pinceaux. Commençons par Hamon : le chiffre de 37 heures qu’il évoque correspond au temps de travail hebdomadaire de l’ensemble des actifs français (salariés et non-salariés), et tient compte des temps pleins mais aussi des temps partiels. Ce qui explique que, selon cet indicateur, la durée du travail en Allemagne (où le temps partiel est beaucoup plus répandu) soit inférieure à la France.
A l’inverse, Laurence Parisot évoque, elle, uniquement le temps de travail des salariés à temps plein. Le rapport s’inverse : en ne prenant compte que des temps complets, les Allemands travaillent effectivement davantage que les Français (40,6 contre 39,4 heures). Quant à l’animateur de Canal + Yann Barthes, qui croit démentir Hamon, il ne fait en réalité que donner une troisième statistique : son chiffre de 41 heures hebdomadaires correspond à la durée moyenne de l’ensemble des Français travaillant à temps plein, c’est-à-dire les salariés, mais aussi les non-salariés (agriculteurs, professions libérales, etc.), qui travaillent beaucoup plus (53,5 heures en moyenne). En bref, ces trois chiffres, tous issus d’Eurostat, apparemment contradictoires, sont tous exacts, à condition de dire ce qu’ils recouvrent.
Dans le cas de Chérèque et de Copé, les choses sont différentes : le responsable de la CFDT et le patron de l’UMP se sont un peu égarés. Le chiffre que cite François Chérèque (39 heures) est le temps de travail des salariés à temps complet, comme Parisot. Mais si l’on se fie à cet indicateur, il est faux de dire comme l’affirme le responsable cédétiste que les Allemands travaillent moins que les Français… Quant à Copé, il se plante aussi quand il affirme que la moyenne de 39 heures est atteinte en tenant compte des non-salariés (tous actifs confondus, c’est 41 heures).
Il importe enfin de souligner que tous ces chiffres cités, ne signifient pas grand-chose lorsqu’il s’agit de faire des comparaisons internationales. En effet, il s’agit d’une semaine «habituelle» de travail, qui ne tient pas compte des congés et des jours de RTT dont bénéficient nombre de Français. L’indicateur le plus pertinent est donc la durée de travail annuelle, et en prenant en compte l’ensemble des salariés, c’est-à-dire temps pleins et temps partiels, le développement de ce dernier dans certains pays n’étant rien d’autre qu’une réduction du temps travail à l’échelle de la population active.
Et là, les chiffres sont sans appel : en France, en 2009, selon l’OCDE, les salariés (1 469 heures), comme l’ensemble des actifs (1 554 heures), ont travaillé plus que les salariés allemands (1 309 heures) ou que l’ensemble des actifs outre-Rhin (1390 heures).