Un an après le référendum sur le projet de
Constitution européenne
Du sondage LH2 publié mercredi 17 mai dans Libération (« Un an après, les Français et le référendum »), on retiendra trois enseignements :
1. Le NON progresse chez les électeurs du OUI.
Un an après, les Français qui ont voté NON ne regrettent pas leur choix (98 %) tandis qu’un partisan du OUI sur dix (10 %) déplore rétrospectivement son vote en faveur de la Constitution européenne. Autrement dit, si le référendum avait lieu aujourd’hui, le NON l’emporterait plus largement encore.
C’est particulièrement vrai parmi les catégories qui ont assuré la victoire du NON le 29 mai : 100 % des 18-24 ans et des 25-34 ans, 100 % des employés, 100 % des électeurs Verts et communistes, 98,3 % des socialistes ne regrettent pas d’avoir rejeté le traité constitutionnel.
En revanche, les électeurs du OUI – notamment à gauche – sont moins convaincus d’avoir fait le bon choix : 16,2 % des employés, 14,1 % des ouvriers, 23,2 % des Verts, 9,9 % des socialistes sont dans ce cas.
Ce résultat tord le cou à une idée répandue chez nombre d’éditorialistes et certains responsables politiques : loin d’être un vote « épidermique » ou « hors sujet », le NON est un vote politique pour une réorientation de la construction européenne.
2. Le cataclysme annoncé par les partisans du OUI en cas de victoire du NON n’a pas eu lieu.
C’est bien la crise qui a engendré le NON et pas l’inverse : 50 % des sondés considèrent que le résultat du référendum n’a pas modifié le poids de la France en Europe.
La stratégie d’intimidation des Français (« le OUI ou le chaos ») n’a pas fonctionné en 2005 dans les urnes ; elle ne fonctionne pas davantage en 2006 dans les sondages…
Pour les responsables politiques qui ont cherché à effrayer plutôt qu’à argumenter – par exemple en affirmant que « si le NON l’emporte, [ils seraient] obligés de privatiser les cantines scolaires du Poitou-Charentes » (Mots Croisés, France 2, 16 mai 2005) –, c’est une leçon à méditer : dans une démocratie adulte, les citoyens doivent être respectés. Pour cela, mieux vaut privilégier le débat plutôt que souffler sur les peurs.
3. Les dirigeants français et européens n’ont pas tenu compte du vote des Français le 29 mai 2005.
75 % des sondés, plus déterminés encore à voter NON qu’il y a un an, constatent que le sens de la politique européenne n’a pas été modifié.
Les peuples s’expriment, mais hélas les gouvernants restent sourds. Par leurs querelles et la défense de leurs intérêts électoraux, Jacques Chirac et Tony Blair ont empêché toute augmentation du budget de l’Union. La présidence britannique a encouragé la dilution de l’Europe en acceptant la poursuite des élargissements non financés. La Banque Centrale Européenne n’a pris aucune décision favorable à la relance de l’activité européenne et à l’emploi alors que tous les continents, sauf l’Europe, connaissent une forte croissance économique. Seul les eurodéputés ont semblé se préoccuper du décrochage populaire à l’égard de l’Europe puisque certaines directives libérales ont été repoussées ou partiellement réécrites. Plus que jamais, la relance démocratique et sociale de l’Union européenne est indispensable.