A titre personnel, cela me fait plaisir, car c'est un intellectuel que j'apprécie. C'est un vrai économiste qui ne met pas les mathématiques en avant, et pour qui l'économie c'est homme avant tout.
C'est l'auteur de nombreux ouvrages, dont notamment « la dissociété ». Que je conseille à tous.
C'est un proche d'Henri Emmanuelli et de Gérard Filoche. Son départ en annonce - t il d'autres.
A suivre...
DH
(Ex-membre du Conseil national du PS)
La ligne politique que je crois la plus adaptée aux défis du XXIe siècle, et la plus susceptible de s'opposer à la grande régression engagée par la droite, reste irréductiblement minoritaire au sein du PS. Ce constat, trop de fois confirmé, me conduit à quitter ce parti pour m'engager dans la construction d'un nouveau parti de gauche, socialiste, républicain, démocratique et résolument décidé à refonder l'union des partis de gauche autour d'un programme de gouvernement.
Tout au long des années 2000, au côté d'autres socialistes, je me suis engagé contre la dérive du PS et de ses homologues européens vers les politiques et les valeurs néolibérales : privatisation et mise en concurrence des services publics, baisse des impôts sur les revenus du capital et les hauts salaires, dérégulation des marchés financiers, généralisation du libre-échange, philosophie de la responsabilité individuelle, culte de la compétitivité, abdication devant la mutation de l'Union européenne en espace de guerre économique. Face à cette dérive, bien des militants découragés ont déjà quitté le PS, tandis que d'autres, dont je fus, n'ont jusqu'ici pu se résoudre à abandonner le parti de Jaurès sans combattre pour sa renaissance. Le courage politique commandait de ne pas se résigner, car les seules batailles perdues d'avance sont celles que l'on renonce à mener. Mais voici venu le temps où la lucidité politique commande de reconnaître la défaite.
Les résultats du congrès de Reims sont à cet égard peu équivoques : la ligne résolument socialiste que j'ai défendue aux côtés d'Henri Emmanuelli et de Benoît Hamon est soutenue par moins d'un militant sur 5 ; en votant pour Ségolène Royal malgré l'opposition de tous les autres leaders du PS, 50% des militants estiment que le clivage gauche-droite est dépassé, et que l'avenir de la transformation sociale passe par la mutation du PS en un parti démocrate allié au centre-droit ; enfin, si la courte victoire de Martine Aubry est confirmée, c'est celle d'une coalition ambiguë intégrant les plus ardents défenseurs des options libérales, celle d'un front construit sur le rejet de Ségolène Royal, et non sur une ligne commune concernant des questions aussi essentielles que le libre-échange ou le traité de Lisbonne. La vieille direction du PS, celle qui a conduit à la catastrophe du 21 avril 2002, celle qui a creusé le divorce entre le PS et son électorat lors du référendum européen du 29 mai 2005, aura peut-être « sauvé les meubles » en se liguant contre une personne. Mais le PS sort de cette manœuvre tout aussi illisible qu'avant et laisse ses électeurs tout aussi orphelins d'une représentation politique claire et efficace.
Je garde intactes mon amitié et mon estime pour les camarades qui, face à ce constat d'échec, pensent que la bataille interne au PS demeure l'engagement le plus utile au pays. Pour ma part, devant l'urgence qu'il y a à proposer une alternative politique à la régression sociale en cours, devant l'exigence immédiate d'une représentation politique du « non » socialiste aux prochaines élections européennes, je ne crois pas utile de dépenser mon énergie à convaincre 50 % des militants du PS de redevenir « socialistes », et j'entends l'exaspération des électeurs qui attendent d'un responsable politique qu'il s'occupe enfin davantage du pays que de son parti.
Je n'ai plus d'illusion sur la capacité de la « gauche du PS » à constituer rapidement l'axe central de ce parti sur les questions économiques, sociales ou européennes. Qui plus est, même quand elle parvient à inscrire ses propositions dans le programme du PS, ce peut être en pure perte. Ainsi, en 2004, pour les élections européennes, au nom de l'unité et sous l'impulsion de François Hollande, le conseil national, unanime, a accepté en bloc la ligne défendue par Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, ligne selon laquelle la Constitution européenne était en l'état inacceptable et n'aurait le soutien du PS qu'à un certain nombre de conditions. Mais cette ligne, qui valut au PS une grande victoire en juin 2004, était, dès le mois de juillet, piétinée par le Premier secrétaire. Ce dernier entrait en campagne pour le « oui », engageant à sa suite une majorité de militants, quand bien même aucune des prétendues « conditions » proclamées devant le peuple français n'avait été seulement discutée.
Non contente de cette première trahison du suffrage universel, la direction du PS ne s'est pas dressée d'un seul bloc contre Nicolas Sarkozy quand celui-ci imposait la ratification parlementaire du traité de Lisbonne (traité strictement identique à celui que 55% des Français et les deux tiers des électeurs de gauche avaient rejeté). Le président de la République commettait un crime contre la démocratie, doublé d'un crime de haute trahison puisqu'il s'entendait avec des puissances étrangères pour imposer un traité contre la volonté clairement exprimée par le peuple français. Face à pareille forfaiture, pouvait-on imaginer, que nous, les socialistes, les héritiers de Jaurès et de la promesse d'une « démocratie jusqu'au bout », nous ne serions pas, cette fois au moins, unis du premier au dernier, pour mobiliser le peuple contre la droite antidémocratique ? Eh bien, pire qu'une simple réticence à mener ce combat, nous eûmes quelques leaders visiblement satisfaits que, grâce à Sarkozy, on ait sauvé leur cher traité, contre le peuple ! Quelques leaders qui participeront peut-être à une direction du PS, d'ores et déjà décidée à construire un programme européen commun avec le PSE, c'est-à-dire avec tous les plus ardents défenseurs du traité de Lisbonne, qui ont désormais en tête une seule obsession : convaincre les Irlandais que leur « non » à ce traité n'est pas recevable, qu'ils doivent dire « oui » à ce qu'ils refusent, car désormais, dans l'Union européenne, il n'est de place que pour les peuples qui renoncent à leur souveraineté.
Un tel entêtement à bafouer la démocratie, une telle application à mépriser le choix des peuples, ne peuvent que nourrir un ressentiment antisocialiste et antieuropéen, dont le principal débouché politique sera la montée d'un populisme gauchiste ou nationaliste, au détriment d'une gauche de gouvernement proeuropéenne. C'est pour combattre cette funeste perspective que, en 2005, j'ai mené une campagne nationale pour un « non » de gauche et proeuropéen, un tour de France du « non » socialiste aux côtés de Marc Dolez et Gérard Filoche, une campagne unitaire avec les communistes, avec Attac, avec toutes les forces de gauche engagées pour une Europe du progrès social. Je ne vois pas avec qui d'autre que ceux-là je pourrais, en 2009, mener à nouveau une campagne pour cette Europe-là.
Le PS, en quête de renouveau et de reconquête de l'électorat populaire, pouvait prendre une autre voie. À la faveur du « non » français en 2005, il aurait pu entendre que ceux qui, dans ses rangs, étaient restés aux côtés de la gauche (c'est-à-dire du côté de ses électeurs) avaient fait le bon choix politique. À la faveur de la nouvelle crise financière enclenchée dès l'été 2007, il pouvait reconnaître que tous les socialistes qui, inlassablement depuis les années 1990, avaient fait le bon diagnostic sur la mutation du capitalisme, n'étaient pas d'archaïques gauchistes mais, au contraire, des socialistes vraiment au fait du monde présent. Or, ces socialistes qui avaient « un monde d'avance », aucun autre courant au PS n'a voulu entrer dans le congrès avec eux, dans une motion commune à laquelle ils étaient disposés sans autres conditions que celles relatives à la ligne politique, concernant notamment la réorientation de la construction européenne et la remise en question du dogme du libre-échange. Je prends acte de ce refus. Je prends acte de ce que la seule motion qui, selon moi, aurait dû arriver en tête dans un Congrès « socialiste », et dans ce moment de l'histoire qui lui donne raison, est arrivée en queue avec 18,5% des votes.
En conséquence, à la suite de Marc Dolez et de Jean-Luc Mélenchon, je m'engage dans la construction du « Parti de Gauche ». J'appelle tous ceux qui m'ont fait jusqu'ici l'honneur de manifester leur soutien à mes engagements à nous rejoindre dans cette entreprise.
Dimanche 23 novembre 2008