ITER : Analyse critique de la maitrise de l'énergie du soleil !
Le projet ITER est lancé. Tous les politiques au niveau national et local se sont mobilisés pour que la France et plus précisément CADARACHE accueille ITER. Un grand débat public est lancé dont on peut s’étonner un peu de l’intérêt dans la mesure où les décisions sont prises.
Scientifique de formation je m’intéresse un peu à la question et m’interroge sur quelques points. ITER est présenté da ns les médias et par tous les officiels comme la solution miracle de l’avenir et surtout comme une énergie propre. C’est évidemment tentant mais la réalité est tout autre. ITER n’est pas aussi propre que cela.
En effet le réacteur ITER produira des déchets nucléaires.
Le Prix Nobel de physique 2002, le japonais Masatoshi Koshiba, a expliqué dès le 10 mars 2003 dans une lettre envoyée au premier ministre Koizumi que :
- "Le réacteur nucléaire ITER, qui brûle du tritium, est extrêmement dangereux du point de vue de la sûreté et de la contamination de l'environnement"
- "Les neutrons qui seront produits dans ITER ont une énergie plus de dix fois supérieure à celle d’un réacteur de fission et la radioactivité des murs du dispositif et des matériaux de construction produiront 40.000 tonnes de déchets nucléaires."
Ces déchets resteront dangereux pendant plusieurs centaines d'années.
Tout cela est aujourd’hui confirmé dans les documents officiels consultables sur le site :
C'est certes moins long que pour la fission nucléaire, mais les déchets nucléaires d'ITER seront eux aussi légués aux générations futures.
Donc qu’une fois de plus le lobby nucléaire a encore sévi en tentant de nous masquer certaines réalités des choses. Le débat public d’aujourd’hui que nous espérons plus honnête arrive un peu tard et ne remettra pas en cause les choses. Cela a déjà été annoncé.
Evidemment il faut croire en l’avenir et en la recherche. S’opposer aujourd’hui semble parfois une vision rétrograde. Cependant les articles de Claude Allègre et de Pierre Gilles de Gennes me semblent pertinents et m’interpellent !
Je ne suis pas un fan de mon collègue du PS Claude Allègre, ex Ministre de l’Education, mais je crois qu’en tant que scientifique, qu’il a une certaine autorité dans le domaine qui est reconnue de tous.
A vous de lire et de vous faire votre opinion !
Pour finir, vous trouverez dans la liste des liens, plusieurs sites qui présentent une autre vision d’ITER et des problèmes énergétiques futurs.
ITER, Beaucoup de bruit pour rien
L'Express - 30/05/2005
L'installation à Cadarache du réacteur à fusion nucléaire est une mauvaise nouvelle pour notre recherche
Le président nous a annoncé fièrement que la France allait battre le Japon et obtenir le site du réacteur expérimental de l'avenir, qui serait installé à Cadarache (Bouches-du-Rhône). Et tout le monde de se réjouir, surtout en Provence, où les hommes politiques, fiers, ignorants et naïfs, sont persuadés qu'Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor) va leur apporter richesse, prospérité et prestige!
Malheureusement, rien de tout cela ne se produira: Iter saignera à blanc les collectivités locales et affaiblira encore un peu plus le budget de la recherche française. Coût de l'opération: 12 milliards d'euros! Iter est encore un de ces projets de prestige qui ont, dans le passé, épuisé les finances de notre recherche. Ce fut d'abord la télévision haute définition, ensuite la construction du grand accélérateur national d'ions lourds (Ganil) à Caen, puis les vols habités dans l'espace et, enfin, la Station spatiale internationale. Résultats pour la science? Rien, ou presque. C'est aujourd'hui le laser Mégajoule, à Bordeaux, et Iter, à Cadarache.
On nous dit: Iter, c'est l'énergie du Soleil, c'est extraordinaire, c'est l'avenir! C'est ce que l'on disait déjà il y a quarante ans, lorsqu’a commencé le projet d'étude de la fusion contrôlée. L'idée de départ n'est certes pas inintéressante. Au lieu de fissionner des noyaux atomiques lourds pour obtenir de l'énergie, comme dans les réacteurs actuels, on cherche à fusionner des noyaux atomiques légers pour obtenir encore plus d'énergie. C'est la séquence suivie dans la fabrication des bombes atomiques. Après celle, classique, d'Hiroshima, on a fabriqué la bombe H, plus puissante, plus meurtrière, mais moins polluante (sic).
Toutefois, si l'on sait réaliser la fusion de manière explosive, on ne sait pas la contrôler. Et, depuis quarante ans, on tourne en rond. Des projets comme Iter, on en a installé à Princeton aux Etats-Unis, puis en Grande-Bretagne, mais on n'a jamais vraiment progressé, faute d'une idée scientifique innovante. Les Américains, autrefois moteurs de cette recherche - ils la finançaient à 60% - l'ont abandonnée. Peut-être participeront-ils à hauteur de 5% demain? Ont-ils renoncé pour autant à l'idée de maîtriser la fusion? Nullement, mais ils recourent à des méthodes plus astucieuses et moins chères.
Ainsi, dans l'une des dernières livraisons de la revue Nature, une équipe américaine dit avoir réalisé une fusion nucléaire dans un cristal pyroélectrique avec un dispositif assez simple! Ce n'est certes pas la solution, mais ce travail illustre un état d'esprit. Aux Américains les astuces bon marché et les idées neuves, à nous les dépenses somptuaires et inutiles! Car Iter n'est pas un réacteur: c'est un engin destiné à la recherche fondamentale, un engin qui offre peu de chances de réussite!
Si le gouvernement et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur veulent dépenser de l'argent pour la recherche, ce qui me réjouit, pourquoi n'ont-ils pas relancé le réseau de génopôles que nous avions créé avec les centres d'Aix-Marseille spécialisés dans la recherche médicale et pharmaceutique? Pourquoi ne pas développer sur le site de Cadarache le réacteur nucléaire propre, sans déchets de longue période, dit «de quatrième génération» ?
Tout cela emploierait plus de personnes, serait plus utile pour la France, et nous éviterait de dépenser nos deniers en achetant du matériel de haute technologie aux Etats-Unis ou au Japon…
Les Echos - Jeudi 12 janvier 2006 - propos recueillis par Chantal Houzelle
Recherche : le cri d'alarme d'un prix Nobel
Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique 1991, atomise le réacteur ITER
Je trouve que l'on consacre beaucoup trop d'argent à des actions qui n'en valent pas la peine. Exemple, la fusion nucléaire. Les gouvernements européens, de même que Bruxelles, se sont rués sur le réacteur expérimental Iter [NDLR : il sera implanté dans le sud de la France, à Cadarache] sans avoir mené aucune réflexion sérieuse sur l'impact possible de ce gigantesque projet. Quoique grand défenseur des grosses machines communautaires il y a trente ans, et ancien ingénieur du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), je n'y crois malheureusement plus, même si j'ai connu les débuts enthousiastes de la fusion dans les années 1960.
Pourquoi ? Un réacteur de fusion, c'est à la fois Superphénix et La Hague au même endroit. Si, avec Superphénix [NDLR : un prototype de surgénérateur, dont l'arrêt a été décidé en 1997], on a réussi à gérer un réacteur à neutrons rapides, ce serait difficile à reproduire sur 100 réacteurs en France - ce qu'exigeraient les besoins électriques nationaux -, car ces installations réclament les meilleurs techniciens pour obtenir un résultat très raffiné dans des conditions de sécurité optimales. Et ce serait littéralement impossible dans le tiers monde.
Sans compter qu'il faudrait reconstruire une usine du type de La Hague autour de chaque réacteur pour pouvoir traiter sur site les matières fissibles extrêmement chaudes, qu'on n'a pas le droit de transporter par voie routière ou ferroviaire. Vous vous rendez compte de l'ampleur d'un tel projet !
Avez-vous d'autres réticences vis-à-vis du réacteur expérimental Iter ?
Oui. L'une repose sur le fait qu'avant de construire un réacteur chimique de 5 tonnes, on doit avoir entièrement compris le fonctionnement d'un réacteur de 500 litres et avoir évalué tous les risques qu'il recèle. Or ce n'est absolument pas comme cela que l'on procède avec le réacteur expérimental Iter. Pourtant, on n'est pas capable d'expliquer totalement l'instabilité des plasmas ni les fuites thermiques des systèmes actuels. On se lance donc dans quelque chose qui, du point de vue d'un ingénieur en génie chimique, est une hérésie.
Et puis, j'aurais une dernière objection. Connaissant assez bien les métaux supraconducteurs, je sais qu'ils sont extraordinairement fragiles. Alors, croire que des bobinages supraconducteurs servant à confiner le plasma, soumis à des flux de neutrons rapides comparables à une bombe H, auront la capacité de résister pendant toute la durée de vie d'un tel réacteur (dix à vingt ans), me paraît fou. Le projet Iter a été soutenu par Bruxelles pour des raisons d'image politique, et je trouve que c'est une faute.