J’ai évoqué à plusieurs reprises l’Université Populaire et Républicaine de Marseille sur ce blog.
Vous trouverez ci-joint un très bon article paru dans La Marseillaise. Je rappelle que la prochaine conférence se teindra le 14 novembre 2007 à 19h00 avec pour thème :
« L’Europe et la fonction publique », par Jean Paul Beauquier- professeur agrégé d’histoire - dirigeant syndical FSU.
Pour en savoir plus : Université Populaire et Républicaine de Marseille, 87, Bd Tellène 13007 Marseille.
upr.marseille@gmail.com ou http://www.upr-marseille.com
RE (PANSER) LA GAUCHE (*)
Née au soir de l’élection présidentielle, l’Université Populaire et Républicaine de Marseille a ouvert ses portes le 19 octobre dernier. Sans prêt à penser, ni parti pris, enseignants, syndicalistes, associatifs et élus veulent contribuer à la refondation de la gauche.
17 heures, le vendredi 19 octobre. A l’heure de la sortie des classes et des bureaux, on se presse dans les couloirs du métro marseillais. Station Joliette, la rame se vide. Ce soir, ils ne seront pas nombreux à poursuivre jusqu’au terminus de la ligne 2.
A l’extérieur, la rue de la République affiche son nouveau visage. Façades rénovés, tramway, commerces… Et puis, à quelques centaines de mètres de là, la rue Massabo qui se cache au bout d’une perpendiculaire. Un peu comme ses visages anonymes agglutinés devant les portes de l’accueil de nuit. Sur le trottoir d’en face, des minots tapent quelques balles. La rue Massabo s’écrase enfin sur la façade d’un immeuble. Sur son flanc droit, le Polygone étoilé
A la recherche de références
La porte s’ouvre, l’escalier mène au premier étage. C’est ici que se tiendra dans une heure, la conférence de presse de lancement de l’Université Populaire et Républicaine de Marseille. L’UPR, une première. “L’idée, je l’ai eue au soir de l’élection présidentielle. J’étais catastrophé par les résultats”. Gérard Perrier, professeur de lettres au collège Jean-Claude Izzo. Enfin aujourd’hui à la retraite et pourtant, toujours militant. Sur le coin de la table, il sort quelques notes. Les grandes lignes de son discours qu’il va prononcer. Celles qui fondent l’Université. Une structure bien différente de celle mise en place en 2002 par le philosophe Michel Onfray à Caen. Car ici, le débat est d’abord et avant tout politique. “Il existait auparavant une culture à gauche et notamment dans le corps enseignant par exemple. Des références, un fond commun nourris par les partis politiques et les syndicats. A l’heure actuelle, en revanche, on parle beaucoup moins de politique et ce phénomène s’est cristallisé face à Nicolas Sarkozy qui sait ce qu’il veut : détruire la gauche. C’est pour ces raisons que j’ai eu envie de mettre en place une éducation populaire de bon niveau”.
A la veille de nouvelles élections
A la rentrée, militants, chercheurs, enseignants, syndicalistes et associatifs… lancent un appel commun pour la création de l’Université. Paul Bouffartigue, sociologue au CNRS, Frédéric Dutoit, maire PCF des 15e et 16e arrdt de Marseille, Robert Mencherini, historien, André Jollivet, architecte-urbaniste, Didier Hacquart, adjoint PS au maire de Vitrolles, Rémi Jean, universitaire…Les premiers signataires apposent leurs noms au bas d’une déclaration commune. Tous dressent le même constat. D’un côté “une droite dure, décomplexée et néo-conservatrice qui aura portée Sarkozy à la présidence de la République”. De l'autre, “l’appel au vote utile et anti Sarkozy n’a pas entraîné la société, s’est substitué au travail politique d’explication, aux réponses de gauche à la crise économique et sociale...”
A la veille de nouvelles échéances électorales, il y a donc urgence. Urgence “à réinventer la Gauche pour la transformation sociale, les alternatives démocratiques et républicaines durables à la crise de la Ve République, à la crise écologique, à la crise sociale, à la fuite en avant par l’élargissement d'une Europe libérale”.
Mais comment ? Le projet se concrétise sous la forme d’une association Loi 1901. Qualifiée d’“entreprise de divers gauche”, la structure n’acceptera aucune subvention et ne fonctionnera que sur les cotisations de ses adhérents. 10 euros l’année. Enfin, l’Université finalise un programme de conférences qui seront retransmises sur le site internet. Au total, une quinzaine de dates est arrêtée. Les thèmes abordés seront aussi variés que “Les principes républicains, les politiques sociales et fiscales en Europe, les politiques d’immigration, la crise du syndicalisme en France”...
“Nous ne nous contenterons pas de vulgariser relève Gérard Perrier, mais nous voulons à travers ces débats apporter notre contribution à la réinvention de la gauche en diffusant une culture de gauche”.
Réinvention, refondation…. Quel terme choisir ? Au-delà des mots subsiste le fond. L’essentiel. Mais là, il s’agit d’être clair. “Attention, nous n’avons pas vocation à élaborer une stratégie politique. Nous ne sommes pas un parti”. Le mot est lâché.
“Pour beaucoup et notamment chez les jeunes, les partis politiques sont des repoussoirs” constate Gérard Perrier “Lorsque que j’étais jeune, on consacrait beaucoup de temps à coller des affiches. Aujourd’hui, cet acte est plus difficile à réaliser. Il y a plus de sollicitations et la conscience politique s’est émoussée, il faut lutter contre cette ignorance”. Pas question pour autant de donner un mode d’emploi ou un prêt à penser. “Nous n’avons pas d’autres objectifs que de participer à la mise en débat, que d’apporter notre pierre à l’édifice. Nous souhaitons contribuer à éclairer les enjeux et donner du savoir, on ne peut pas être conscient si on est ignorant”.
C’est l’heure d’ouvrir officiellement l’UPR. Les membres du bureau sont d’ailleurs présents. “Il faut se mouiller pour remettre la machine en marche” . La formule est d’Alain Barlatier, enseignant et militant syndical.
Alors pour lutter contre cette ignorance, ils sont nombreux à vouloir élaborer ce que certains appellent déjà “l’antidote à la droite”. “Nous sommes en manque de support politique. Cette université peut nous aider” confie Odile Lhéritier. Pour Sylvain Bartet, le problème de la gauche, “c’est qu’elle ne pense plus”.
“Nous allons donc essayer de nous comporter comme des intellectuels et nous mêler de ce qui ne nous regarde pas” prévient Jean-Paul Beauquier, dirigeant syndical FSU. “Depuis deux décennies, la Gauche a cessé de penser la politique de manière à proposer une alternative à la société. D’où la nécessité d’entamer un travail de réflexion et de rebâtir du citoyen”.
Mais alors, quid des partis politiques? Ne serait-ce pas là le constat de leur échec, de leur impuissance dans une société qui se dépolitise ? “Les partis traversent une crise même lorsqu’ils sont au pouvoir. Il faut entrer dans le vif du sujet et poser la question de leur rapport à la société ” explique Christian Pellicani, élu PCF à la communauté urbaine de Marseille. “La Gauche est à reconstruire, oui. Et tant qu’élu, je me bats pour des idées politiques”.
Alors partis sans à priori, les fondateurs de l’Université Populaire et Républicaine de Marseille ont décidé d’ouvrir un large espace au débat grâce également à l’association de création artistique Film Flammes qui met gracieusement à disposition ses locaux. Des rendez-vous ouverts à tous et gratuits, c’est aussi cela la philosophie du Polygone qui travaille depuis quelques années avec les habitants du quartier.Rue Massabo, 20 heures. Il n’y a plus personne devant le centre d’accueil de nuit. Les minots ne sont toujours rentrés. Leurs sœurs aussi sont restées. Assises sur les marches d’un escalier, elles pianotent sur leurs portables. La nuit est tombée. Les belles façades des immeubles hausmaniens se sont allumées. Devant la bouche du métro Joliette, une main se tend. “Excusez-moi. Vous n’auriez pas une petite pièce pour manger, s’il vous plaît?” Il y a urgence à repanser la gauche
(*) Journal La Marseillaise du 5 novembre 2007