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Un vrai projet de réforme des institutions devrait envisager le non-cumul des mandats, par Marion PAOLETTI, Maitresse de Conférence en Sciences Politiques à Bordeaux.
Paru sur Libération.fr du jeudi 2 août 2007
Pour rénover la Ve République profondément, il est une mesure qui a pour elle la force de l’évidence et le soutien majoritaire des Français, mais sur laquelle le président de la République est resté étonnamment silencieux, durant la campagne présidentielle et lors de son discours d’Epinal : le mandat unique pour les députés. Sa propre pratique du cumul des fonctions et des mandats politiques ne le porte sans doute pas à vouloir clarifier les rôles politiques des gouvernants. Il a par exemple été simultanément président du conseil général des Hauts-de-Seine et ministre de l’Intérieur, à ce titre supérieur hiérarchique du préfet en charge de contrôler la légalité des actes pris par le premier. Et d’ailleurs, un de ses premiers actes politiques, une fois élu, a été d’encourager les ministres à conserver leur poste de président de collectivité locale et de les encourager à se présenter aux élections législatives, augurant d’une profonde régression en la matière. Pourtant, de Besancenot à Bayrou, le vote en faveur du mandat unique pour les députés a été majoritaire dans l’électorat au soir du premier tour de l’élection présidentielle. L’ouverture ne suppose-t-elle pas de se rallier à des conceptions différentes des siennes pour peu qu’elles recueillent l’assentiment majoritaire ? Qui peut douter qu’un référendum proposant le mandat unique des députés ne serait pas massivement adopté par les Français ? Dans l’assemblée élue en 2002, 9 % des députés n’exerçaient que ce seul mandat. Dans celle élue en 2007, et telle qu’elle s’affichait sitôt l’élection passée seulement 19 femmes députées (sur 107) et 27 hommes (sur 470) n’étaient que députés, dans l’attente, peut-être, que ceux ayant fait campagne pour le mandat unique, démissionnent de leurs mandats locaux. Comment faire croire qu’on rehaussera le Parlement en organisant l’absentéisme chronique des députés qui, quand ils sont maires, président de conseils généraux, régionaux, de structures intercommunales vivent d’abord pour les collectivités locales qu’ils président ? Surtout, le sujet connexe des institutions locales n’a pas été abordé en toute logique par le président de la République, tant il est lié à celui du cumul des mandats. Jusqu’à présent, la décentralisation est faite par des élus locaux pour des élus locaux, dans la mesure où ce sont des patrons de collectivités locales cumulant qui font la loi au Parlement.
Il en résulte depuis vingt-cinq ans une décentralisation qui consiste à promouvoir de multiples collectivités locales, aux compétences croisées, le tout hypothéquant l’idée même d’une participation des habitants aux décisions des collectivités locales, pour un coût prohibitif. La démocratie représentative locale fonctionne mal entre des structures intercommunales non élues au suffrage universel direct et des assemblées communales, intercommunales, départementales, régionales organisées sur un mode présidentialiste et la confusion des pouvoirs exécutif et «délibératif» sur une personne. En l’état actuel, le sens de la participation des habitants est incertain dans ce millefeuille local, la loi telle qu’elle est votée plaçant d’emblée les dispositifs consultatifs sous le contrôle des exécutifs locaux. Cette multiplication des institutions locales induit bien souvent des décisions à quelques-uns, en réseau, loin des assemblées élues qui fonctionnent comme des chambres d’enregistrement de décisions marchandées ailleurs, entre les élus locaux les plus cumulards. Et on viendra sans doute au printemps 2008 vanter les mérites de la démocratie locale. Avec quelle crédibilité ? Grâce au mandat unique des députés, la décentralisation pourrait être faite par les parlementaires pour les citoyens et animés par les élus locaux. Les institutions locales pourraient évoluer dans un sens plus conforme aux standards démocratiques. Et l’équilibre des pouvoirs serait mieux assuré au niveau central. Une commission prétendant rénover les institutions qui ne proposerait pas l’évident mandat unique pour les députés passerait à côté de l’essentiel.
A paraître : Décentraliser d’accord, démocratiser d’abord, «Sur le vif», éd. la Découverte, septembre 2007.