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Pour mieux connaitre  l’histoire politique de Vitrolles, gérée pendant 5 années (1997 - 2002) par l'extrême droite et le couple Bruno et Catherine MEGRET, plus de 200 articles de presse sont à votre disposition (colonne de droite, rubrique "thèmes" sur ce blog). A l'heure de la banalisation de l'extrême droite, un devoir de mémoire s'impose avec l'expérience vécue à  Vitrolles.

Cette histoire politique est désormais complétée par des vidéos que vous pouvez retrouver dans le thème "l'histoire politique de Vitrolles en vidéo", dans la colonne de droite. Cette rubrique sera renseignée au fil du temps.

@ DH
29 juin 2007 5 29 /06 /juin /2007 07:03

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Chez amis internautes, vous trouverez ci-après une intéressante analyse du socialisme français de Jospin à Ségolène Royal paru dans la revue Mouvements.

 Je reconnais que c’est un peu long et donc pas facile à lire sur le blog, mais je pense que cela peut contribuer au débat pour les semaines à venir…
  

A suivre,

 
DH
 

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De Lionel Jospin à Ségolène Royal : l’introuvable troisième voie du socialisme français
 

 
Par PHILIPPE MARLIÈRE Maître de conférences en science politique à l’université de Londres.

 
Le défi incarné par la « modernisation » du New Labour britannique engagée par Tony Blair a-t-il permis aux socialistes de dégager une « troisième voie socialiste » qui ne soit  pas synonyme de renoncement face à la mondialisation néolibérale ? Philippe Marlière analyse les errements idéologiques et politiques du Parti socialiste français depuis dix ans.
 
Dans la foulée d’élections législatives remportées à quelques semaines d’intervalle, Lionel Jospin et Tony Blair se retrouvèrent au congrès du Parti des socialistes européens à Malmö en juin 1997. Le jeune Premier ministre britannique vint promouvoir la « troisième voie », une méthode et un programme en rupture avec la social-démocratie traditionnelle. Charpentant son discours autour du libéralisme politique et revendiquant une large part de l’héritage économique du thatchérisme, Tony Blair mit Lionel Jospin sur la défensive. Assumant sa fidélité à la Révolution française et au socialisme, le Premier ministre français dut se résigner à endosser les habits que le prêt-à-penser médiatique lui tendait : Jospin et les socialistes français seraient le vieux socialisme qui ne se résout pas à mourir, ils incarneraient un archaïsme politique opposant une crâne − mais futile − opposition à la « modernité blairiste ». Ce scénario journalistique était réglé et, sur un plan symbolique, les choses se déroulèrent ainsi peu ou prou. D’un côté, Tony Blair avait eu le loisir, depuis 1994, de peaufiner un programme et de procéder à une révision importante de la doctrine travailliste. De l’autre, Jospin avait été pris de court par la dissolution de l’Assemblée nationale et un succès électoral que peu avaient prévu.
 
Le défi blairiste
 
Les socialistes furent placés dans une position très inconfortable, car la troisième voie néotravailliste venait heurter de front le cœur de la doctrine socialiste française1. En proposant une voie qui se démarque de la « vieille » social-démocratie des Trente glorieuses et de l’ultra-libéralisme hayekien, Blair présentait une adroite synthèse du social-libéralisme anglais du XIXe siècle (capitalisme paternaliste tempéré) et de politiques néolibérales assorties de mesures de redistribution. L’objectif était de poursuivre la « modernisation » de l’économie britannique, pour l’adapter au cours néolibéral de la mondialisation. Libérale et post-thatchérienne, cette troisième voie britannique déroutait les socialistes français, car elle continuait de se réclamer du « camp du progrès » (le « centre-gauche », une « sociale démocratie rénovée »). Dans son discours de Malmö, Blair résuma la démarche néo-travailliste en ces termes :
 
« Notre tâche aujourd’hui n’est pas de mener les vieilles batailles, mais de montrer qu’il existe une troisième voie, une manière de marier une économie ouverte, compétitive et qui connaît le succès, avec une société juste, décente et humaine ».


Le défi de la troisième voie
 était là : elle ne se voulait pas tant le point médian entre socialisme et néolibéralisme, que la captation de deux courants de gauche étrangers au socialisme français : le libéralisme et la social-démocratie. Fort habilement, le New Labour se démarqua du communautarisme étriqué des conservateurs (les « valeurs morales victoriennes ») et prêta une oreille attentive – à tout le moins symboliquement – aux revendications identitaires et post-matérialistes du jour (ce qu’Anthony Giddens appelle les « life politics 2 », c’est-à-dire les attentes et les demandes qui s’articulent autour du vécu et des choix personnels des individus) : égalité sexuelle, lutte contre le racisme « institutionnalisé » et promotion des minorités ethniques, attention portée à la « réflexivité sociale » d’individus évoluant dans un monde « globalisé » et « posttraditionnel ».
 
L’autre originalité du blairisme consistait dans la mise en adéquation de la doctrine avec la pratique gouvernementale. Avant l’élection de 1997, Blair avait fait cette promesse : « Nous serons élus en tant que New Labour, nous gouvernerons comme tel. » De leur côté, les socialistes français en étaient quasiment restés à la « parenthèse de la rigueur » ouverte par Lionel Jospin en 1983 et jamais officiellement refermée depuis.
 
Le blairisme prône l’« État social actif » et son corollaire, l’« égalité des chances » (equality of opportunity), chère aux libéraux, et non plus l’égalité de résultat (equality of outcome), exigence socialiste. Cet État « allégé » n’est plus un État actif dans l’économie, mais un simple « passeur », un « facilitateur ». Il garantit encore l’accès de tous les enfants d’une classe d’âge à l’éducation ou encore la gratuité des soins médicaux pour tous, mais s’abstient de remplir le rôle d’entrepreneur économique qui fut le sien pendant les Trente glorieuses (banquier, constructeur de voitures, d’écoles, d’hôpitaux ou encore gestionnaire d’un vaste secteur nationalisé). Ce retrait de l’État de la sphère économique est un choix politique : le capitalisme financier et la mondialisation néolibérale ne sont pas l’ennemi à abattre pour les tenants de la troisième voie, ils fournissent au contraire un cadre favorable pour moderniser l’économie et la société. Bien plus, ce retrait est nécessaire pour permettre au monde des entreprises privées de « réussir », là où la « vieille » social-démocratie keynésienne a « échoué. » C’est ainsi qu’il faut comprendre l’appui sans équivoque du New Labour au monde des entrepreneurs, la promotion enthousiaste d’une économie dérégulée, flexible ou encore le refus de trop taxer les entreprises ou les capitalistes qui ont « créé de la richesse », non seulement pour eux-mêmes, mais aussi – trickle down effect aidant – pour l’ensemble du corps social. Le New Labour, c’est encore la reformulation de la question sociale en termes moraux (« les droits en échange des devoirs remplis » ; par exemple l’obligation de travailler sous peine de se voir retirer les allocations chômage), une égalité relative – l’équité (ou « égalité des chances »), tout cela dans une société réputée « pacifiée », où classes moyennes et populaires se partagent les fruits d’une croissance économique continue.
 
En 1997, le New Labour décréta la fin de la lutte des classes dans les îles Britanniques. John Prescott, le vice-Premier ministre et caution ouvrière du blairisme, saisit la dimension post-politique de la troisième voie en ces termes : « Aujourd’hui, nous sommes tous des membres des classes moyennes ». 
 
Enfin, cette troisième voie post-égalitaire est apparue comme une stratégie électorale lumineuse : elle a semblé promettre des victoires infinies (1997, suivies ensuite de 2001 et de 2005). Pour le Parti socialiste (PS) qui a connu depuis 1981 autant de succès spectaculaires que de défaites désastreuses, ce dernier aspect n’était pas négligeable. 
 
« Modernisation » jospinienne
 

Pour comprendre la trajectoire du PS depuis dix ans et dans quelle mesure elle se distingue du blairisme, il faut remonter aux quelques années qui précédèrent la victoire socialiste de 1997. Lors du congrès de Liévin un « coup de barre à gauche » fut donné sous l’impulsion d’Henri Emmanuelli, le premier secrétaire du parti. Quelques jours à peine après, Emmanuelli pria Jacques Delors de représenter le PS à l’élection présidentielle. L’ancien président de la Commission était alors le plus proche du discours et d’une pratique blairiste du pouvoir. Delors en avait conscience et, pour cette raison, déclina cette offre empoisonnée. Il estima qu’il n’aurait jamais pu imposer un « blairisme à la française » au PS.

Le retrait d’un « modernisateur » crédible permit à Lionel Jospin de revenir dans le jeu de la
présidentielle. Étiqueté à gauche, il battit nettement Henri Emmanuelli (65 % des voix contre 35 %). Sur fond de débat sur le « legs présidentiel » de François Mitterrand, ce vote interne fut historique à un double titre. D’une part, il officialisa la présidentialisation du PS. Jusqu’à présent, le premier secrétaire était le « candidat naturel » du parti. Or, en 1995, Jospin fut choisi par les militants car ces derniers considérèrent, sondages à l’appui, qu’il était le mieux placé pour battre le candidat du camp conservateur. Il n’en fut pas toujours de même : en 1981, Mitterrand fut investi par le PS alors que les sondages plaçaient Michel Rocard largement en tête. Les militants socialistes ont depuis intériorisé la logique de l’élection présidentielle au suffrage universel qui tend au plébiscite d’une personne et relègue au second plan la question du choix d’un candidat et d’un programme socialistes.
 
En ce sens, le « grand renoncement 3 » du PS à l’égard des institutions de la Ve République est intervenu lors du vote de 1995 et non, comme certains l’estiment 4, à l’occasion de la désignation de Ségolène Royal en novembre 2006. Le score honorable de Lionel Jospin au deuxième tour l’élection présidentielle de 1995 permit au PS de faire l’économie d’une réflexion sur les causes politiques de la débâcle électorale de 1993. Il est utile de noter que Lionel Jospin en 1995 et en 2002 (tout comme François Mitterrand en 1988), mena des campagnes électorales solitaires, de type « bonapartiste » : rédaction de son programme confiée à quelques proches, maintien du parti à distance (« Mon programme n’est pas socialiste ») et appel direct aux Français dès le premier tour. Cette démarche permit à un président-candidat prônant l’ouverture au centre de se faire réélire en 1988, mais élimina un Premier ministre-candidat fatigué par le pouvoir et sans programme porteur en 2002.

Lionel Jospin, qui avait jusqu’alors une image de dirigeant respectueux des militants, à leur
écoute, instrumentalisa le PS à l’automne 1995, puis à partir de 1997, une fois installé à Matignon. Il entreprit de « moderniser » l’appareil socialiste pour renforcer la prééminence qu’il avait acquise lors de l’élection présidentielle de 1995. Il se soucia avant tout de ne pas être prisonnier de manœuvres éléphantesques ou de jeux de courants incertains. À cet effet, il mit sur pied une Commission de modernisation qui élabora 18 propositions soumises au vote des militants. L’une d’entre elles prévoyait l’élection des dirigeants (au niveau national et départemental) au suffrage direct des militants. Cette réforme accompagna la décision prise au Congrès du Bourget en 1993 de faire élire le premier secrétaire au suffrage direct des adhérents. Le Conseil national – le cœur de l’appareil du parti – perdit cette prérogative.

Le Parti travailliste avait fait adopter des mesures similaires (le « One Member One Vote »
pour l’élection du leader travailliste) peu de temps auparavant. Cette réforme avait permis à Tony Blair, un candidat issu de la droite du parti, de battre les candidats défenseurs de la tradition travailliste en 1994. La démarche jospinienne n’était donc pas anodine. Elle visait à personnaliser le pouvoir autour d’un dirigeant « présidentiable » et à neutraliser l’appareil de décision socialiste, reflet des votes militants et instance de contrôle du premier secrétaire. Elle cherchait aussi à noyer les voix des militants actifs dans celles des nouveaux adhérents moins actifs et moins politisés (et aussi moins proches d’un discours socialiste de gauche, tel la plupart des adhésions récentes à « 20 euros »5). 

Tout comme le New Labour, Lionel Jospin retint le principe libéral de « démocratie d’opinion » et écarta le principe de « démocratie socialiste ». Au crépuscule du mitterrandisme, Lionel Jospin avait revendiqué un « droit d’inventaire » et affiché sa volonté de changer en profondeur les institutions de la Ve République qui, selon lui, présentaient trois défauts majeurs : elles abaissaient le rôle du Parlement, elles créaient une dyarchie au sommet de l’exécutif (paralysante lors des périodes de cohabitation) et faisaient du chef de l’État un personnage omnipotent et quasiment irresponsable6. La période de cohabition balaya la volonté réformatrice jospinienne. 

Pourtant nommé dans une logique parlementaire à la suite de la dissolution chiraquienne, Jospin renforça le tropisme présidentialiste du régime. Il se prononça en faveur du quinquennat présidentiel et fit modifier par l’Assemblée nationale le calendrier électoral, pour que l’élection présidentielle survienne avant les élections législatives. Gaullien, Lionel Jospin mit l’élection présidentielle au cœur du dispositif électoral et renforça la prééminence présidentielle au sein de la dyarchie. Les élections législatives n’avaient plus qu’à donner une majorité au président à peine élu. Jospin justifia ce choix institutionnel au nom du respect de l’esprit « dans lequel le général de Gaulle avait conçu cette responsabilité essentielle issue directement du vote du peuple » et appela à « redonner à cette fonction, son sens et sa portée, voire son prestige7 ».
 

  

La suite…

 


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Published by Didier HACQUART - dans Parti Socialiste